Le 1er octobre, l’orphelinat s’est paré de ses habits de fête pour célébrer son 25ᵉ anniversaire. À cette occasion, l’abbé Therasian a rédigé un message pour commémorer l’événement.
Hommage d’un père.
Sur ses vingt-cinq années d’existence, l’Orphelinat Servi Domini a passé les vingt dernières sous la garde paternelle de la FSSPX. Au cours de ces vingt années, je peux dire avec une humble fierté que quinze années de mon sacerdoce ont été partagées avec cette œuvre, dont dix en tant que père de facto de cette institution. Cela reste l’une des plus grandes grâces que je n’aie jamais reçues.
En tant que père, je voudrais offrir la réflexion suivante : Non seulement cet orphelinat, mais tout orphelinat, représente en soi un certain mal. Cette affirmation pourra surprendre le lecteur mais elle révèle une vérité plus profonde. Dans un monde correctement ordonné, les enfants ne devraient pas être dans des orphelinats. C’est une tragédie à tolérer, non à célébrer. Les enfants devraient être avec leurs parents. Et les parents, à leur tour, reçoivent la grâce non seulement d’élever leurs enfants, mais de voir les générations s’épanouir « jusqu’à la quatrième et cinquième génération », comme le dit le rituel.
Ô heureuse faute qui nous a mérité un si glorieux Sauveur.
Alors pourquoi les orphelinats existent-ils ? La réponse se trouve dans le tout premier mal qui est entré dans l’histoire humaine : le péché originel. C’était un mal, et il n’aurait jamais dû se produire. Pourtant, Dieu, dans Son infinie miséricorde, en a tiré un bien encore plus grand : le don de notre Rédempteur, comme l’Exsultet le chante de manière si émouvante : O felix culpa, Ô heureuse faute qui nous a mérité un si glorieux Sauveur.
Je crois que la même chose peut être dite de cet apostolat. Au premier abord, il commence par un mal, par une brisure. Mais de cela, Dieu a tiré l’une des plus belles grâces, non seulement pour cette institution, mais pour l’Église tout entière. Ici, nous voyons le Rédempteur dans Sa plus grande tendresse, révélant Sa miséricorde sous une forme à la fois profonde et inoubliable. Et ici, les mots commencent à manquer car nous entrons dans quelque chose d’ineffable. Le Sacré-Cœur est à l’œuvre, silencieusement, puissamment. Tout ce que nous pouvons faire, c’est admirer et adorer Son amour. Son amour pour ceux qui ont été abandonnés, et qui pourtant ne sont jamais vraiment seuls. En eux, nous témoignons d’un amour si tendre, si divin, qu’il nous laisse dans l’humilité.




Mais ce n’est pas seulement leur histoire, c’est aussi la nôtre. Nous aussi, en un sens, nous sommes dans cette situation. Spirituellement parlant, ne sommes-nous pas tous orphelins jusqu’à ce que nous trouvions vraiment notre Père ? N’avons-nous pas tous besoin de miséricorde, d’appartenance, de rédemption ? Et comment le Père nous traiterait-Il si nous nous abandonnions simplement à nouveau entre Ses mains, ou devrais-je dire, dans Son Cœur ?
Eh bien, ce n’est plus venez et voyez, mais goûtez et voyez la bonté de Dieu qui se déverse.
Quelle grâce de voir et de servir ces âmes, en tant que prêtre et père !
Qu’ai-je vu au cours de toutes ces années ? J’ai vu l’héroïsme silencieux de petites âmes. J’ai vu la souffrance transformée par la grâce. J’ai vu comment Dieu peut prendre ce qui est brisé et le rendre beau, non pas en effaçant la douleur, mais en la rachetant. J’ai vu des enfants qui souriaient malgré leurs blessures. J’ai vu l’amour donné et reçu en silence. J’ai vu le Christ présent dans les endroits les plus inattendus, dans le dortoir, dans la salle à manger, dans la chapelle, dans les petites routines quotidiennes d’un apostolat caché. Ce n’est pas seulement une véritable conversion du cœur qui a lieu, une qui touche tout cœur, et particulièrement celui d’un prêtre. La simple manière dont certaines âmes trouvent cet endroit est un témoignage en soi.
Quelle grâce de voir et de servir ces âmes, en tant que prêtre et père ! Il n’y a aucun autre endroit où je préférerais être, aussi prestigieuse ou enrichissante qu’une autre mission puisse paraître, que dans cette humble demeure dont même les anges pourraient être envieux, pour être témoins de Dieu en action. Telle est ma prière fervente.
J’offre alors ma sincère gratitude à qui de droit. Après le Ciel, elle revient à Sœur Maria Immaculata, la fondatrice de l’Orphelinat Servi Domini, qui a versé d’innombrables larmes pour aider cette graine de moutarde à devenir un arbre puissant, où de nombreuses âmes, comme des oiseaux, ont trouvé refuge. Son immense fidélité envers ces enfants constitue un véritable exemple, et être témoin de sa croissance en sainteté continue d’être une source profonde de motivation pour nous, prêtres, également.
Même après quinze ans, je suis toujours témoin de son dévouement inébranlable, de sa fermeté et de son ascendant moral, des qualités qui lui ont valu la confiance et la soumission complète des âmes confiées à ses soins. Sous sa direction, ces âmes ont fait des progrès spirituels rapides, et cela a été une joie profonde pour moi d’être témoin de leur croissance.
Seul Dieu connaît toute l’étendue des souffrances que Sœur Maria Immaculata a endurées pour ces enfants. Certes, ils n’étaient pas difficiles à guider, car les cœurs de ces pauvres petits abandonnés s’ouvraient facilement aux soins qui leur étaient prodigués. Mais le poids des restrictions gouvernementales et d’autres difficultés externes, ces fardeaux qui rendent souvent la vie missionnaire si éprouvante, ont tous été présents.
Pourtant, tendrement dévouée à ses orphelins, Sœur Maria a montré qu’il n’y avait aucun danger qu’elle n’affronterait pas pour eux. Raconter chacun de ses sacrifices remplirait d’innombrables pages. Au lieu de cela, je laisserai le Ciel les révéler pleinement au Jour du Jugement, quand tout sera montré plus précisément et plus glorieusement que je ne pourrais jamais le faire.
Deus vult !
Honneur à qui honneur est dû : je veux remercier et honorer toutes les sœurs qui, chacune à sa manière, portent le lourd fardeau de continuer la mission de Notre-Seigneur sur terre. Quel dévouement et quel exemple impressionnant elles donnent ! Chacune d’entre elles mérite une médaille. Non pas remise des mains d’un simple humain, – même s’il est prêtre – mais de leur Époux. Je prie pour qu’elles entendent ces paroles glorieuses et bien méritées : « Euge serve bone ! »
Et pour conclure, s’il est possible d’endiguer un cœur rempli de gratitude et de joie, crions : Nunc coepi ! Que les vingt-cinq prochaines années surpassent les précédentes pour faire de nous et des enfants de cette institution des saints. Deus vult !
Abbé Xavier Therasian









