Ressentir la foi ?
Beaucoup s’inquiètent de ne rien ressentir quand ils prient ; de ne rien ressentir quand ils vont à la confession demander le pardon de leurs péchés ; de ne rien ressentir quand ils communient à la messe ; de ne rien ressentir quand ils s’efforcent d’aimer Dieu ou de pardonner à leur prochain. N’est-ce pas le signe, disent-ils, que Dieu ne les écoute pas ; que leurs péchés ne sont pas pardonnés ; que leurs communions sont mauvaises ; que leur amour de Dieu est nul ; que leur pardon est hypocrite ?
Cette inquiétude est souvent ravivée par le souvenir d’agréables ressentis de bien-être, de plénitude, de paix… parfois même physiques : larmes, chair de poule, sensations de chaleur… à certaines périodes de la vie – dans les temps qui suivent une conversion notamment – au point que nous sommes parfois tentés d’associer, voire d’identifier nos ressentis à la qualité de notre vie de foi.
Ce serait pourtant là faire une grave erreur. Car ce sont deux réalités distinctes, qui appartiennent à deux niveaux bien différents. Ne l’oublions pas ! La vie de foi (avec tous les actes qu’elle inspire : le regret du péché commis, l’amour de Dieu et du prochain, la prière…) est essentiellement surnaturelle et
par conséquent, suprasensible : elle ressort de la partie la plus spirituelle de notre âme. Au contraire les ressentis relèvent de notre sensibilité humaine, la partie la plus charnelle de notre âme. Il est donc tout à fait possible d’aimer réellement et sincèrement Dieu, sans que notre cœur s’emballe. Plus étonnant encore : il est possible de se présenter devant Dieu dans une vraie prière, tout en ressentant un certain dégoût ; possible aussi de pardonner à son prochain tout en sentant encore dans sa chair une répulsion épidermique à son égard.
Mais ces deux réalités a priori distinctes peuvent parfois coexister : en nous accordant des ressentis agréables dans les premiers temps de notre conversion, Dieu veut nous attirer à Lui et nous encourager à Le suivre ; en nous faisant sentir, à tel ou tel moment de la vie, sa présence sensible, Dieu nous apporte sa consolation au milieu d’une épreuve qui dure ; en nous donnant le sentiment d’avoir pardonné, Dieu achève en notre chair le pardon, que nous avions déjà donné en notre esprit à notre prochain.
Il est bien de se réjouir de ces ressentis que Dieu donne, de temps à autre, pour stimuler, confirmer et épanouir la vie de foi. Il est bon aussi de ne pas spécialement les rechercher et de fonder sur eux notre vie chrétienne, car ils ne sont pas appelés à durer. Ils sont surtout bien en-deçà de ce que Dieu attend réellement de nous : croire en dépit de toute impression contraire ; espérer contre toute espérance ; aimer au-delà de toute aversion instinctive.
Extrait d’Apostol n°200 d’octobre 2025









