Juger avec objectivité

Crédit : Sang Hyun Cho / Pixabay

Bien des dif­fi­cul­tés quo­ti­diennes pro­viennent d’un manque de juge­ment. Qu’est-ce à dire ?

On n’apprécie pas la réa­li­té des faits telle qu’elle est objec­ti­ve­ment. On ne juge pas cor­rec­te­ment de telle situa­tion par­ti­cu­lière. Il ne s’agit pas ici des erreurs, qui affectent notre connais­sance de Dieu, de l’humanité ou du monde maté­riel : des erreurs qu’on pour­rait appe­ler « théo­riques ». Mais il s’agit de se trom­per sur le com­por­te­ment d’un proche ; de mal inter­pré­ter un mes­sage écrit ou oral, en lui don­nant un sens qu’il n’a pas ; de ne pas com­prendre les réac­tions émo­tion­nelles des autres ; de faire des rap­pro­che­ments – qui n’ont pas lieu d’être – entre deux faits indé­pen­dants ; d’attribuer telle cause extra­or­di­naire à un phé­no­mène qui s’explique plus sim­ple­ment par les lois de la nature… Notre regard, fas­ci­né par des détails ou des aspects de la réa­li­té, oublie de la consi­dé­rer dans sa tota­li­té : vision super­fi­cielle qui abou­tit à se méprendre par­tiel­le­ment, voire totalement.

Ces erreurs de juge­ment pra­tique peuvent avoir des consé­quences plus ou moins graves, par­fois dra­ma­tiques. Dans la mesure où on agit en fonc­tion de la manière dont on appré­cie la réa­li­té, il va sans dire qu’une erreur de juge­ment peut conduire à des déci­sions insen­sées, qui vont à l’encontre de notre bien et de notre bon­heur. Ce n’est mal­heu­reu­se­ment pas rare… et cet article n’a d’autre but que de mettre le doigt sur un pro­blème sou­vent rencontré.

Comment en arrivons-​nous là ? Plusieurs causes sont à signa­ler, à com­men­cer par des affec­tions non maî­tri­sées : la colère brouille les yeux et empêche l’homme d’être rai­son­nable. C’est pour­quoi il ne fau­drait jamais déclen­cher la colère avant que la situa­tion ne soit serei­ne­ment appré­ciée et jugée ! L’amour et la haine, le désir ou la répu­gnance, la tris­tesse ou la joie peuvent modi­fier pro­fon­dé­ment notre regard sur l’autre au point de le défor­mer. Mais il y a aus­si les fausses pen­sées : les pré­ju­gés ou a prio­ri, les igno­rances qui s’ignorent, les idées erro­nées que nous traî­nons sans tou­jours le savoir ; elles contri­buent aus­si, en condi­tion­nant notre intel­li­gence, à mal juger de situa­tions par­ti­cu­lières. Il y a encore les erreurs de rai­son­ne­ment : untel a dit cela ; or untel a fait cela ; donc son dire est vrai ou faux ; ou bien les erreurs de méthode : pour savoir ce qu’il faut pen­ser de telle per­sonne, groupe ou socié­té, je regarde ce qu’en disent les médias ou les réseaux sociaux. Inutile d’ajouter que la fré­quen­ta­tion des écrans n’aide pas à bien juger des situa­tions : en favo­ri­sant l’immédiateté de l’information et en recher­chant le sen­sa­tion­nel ou l’émotionnel, les écrans empêchent sou­vent le recul, le temps et la réflexion néces­saires pour juger avec jus­tesse des diverses situa­tions aux­quelles nous sommes confrontés.

Apprendre à juger avec objec­ti­vi­té des situa­tions devient un impé­ra­tif. Sans doute nous ne sommes pas égaux sur ce point : cer­tains ont une apti­tude natu­relle pour cela, quand d’autres en manquent tout à fait. Mais il est pos­sible pour cha­cun de pro­gres­ser : mettre à dis­tance ses émo­tions et ses écrans ; contrô­ler la véri­té de nos idées toutes faites et la logique de nos rai­son­ne­ments ; se réfé­rer à des per­sonnes connues pour leur juge­ment sûr et juste ou faire véri­fier ses juge­ments par des per­sonnes sages : voi­là autant de pistes pour nous aider à remé­dier à nos manques de juge­ment et à leurs mal­heu­reuses consé­quences. Bonne rentrée !

Source : Apostol n° 188