En faisant appel à des hommes de foi pour analyser la manière avec laquelle les affaires d’abus ont été traitées, on aurait pu s’attendre à une analyse plus profonde que celle du rapport Sauvé, en mesure d’apporter de vraies solutions.
Début octobre a été publié le rapport Sauvé sur les violences sexuelles commises dans l’Église de France depuis les années 50. Après une analyse (par ailleurs contestée) du phénomène, sont données 45 recommandations, dont certaines touchent aux fondamentaux de l’Église : réfléchir à la possibilité d’ordonner prêtres des hommes mariés ; « enseigner que le secret de la confession s’inscrit dans le seul temps du sacrement de pénitence » ; « passer au crible la constitution hiérarchique de l’Église catholique » ; « renforcer au regard du principe d’égale dignité, la présence des laïcs en général et des femmes en particulier dans les sphères décisionnelles de l’Église catholique ».
Au drame odieux et douloureux, que représentent dans l’Église les abus commis par des prêtres, fait écho la parole de l’apôtre saint Paul : « Quand vous avez de telles affaires, vous prenez comme juges des gens qui n’ont pas d’autorité dans l’Église ! Je le dis à votre honte. N’y aurait-il parmi vous aucun homme assez sage pour servir d’arbitre entre ses frères » ? (1 Co 6, 4–5)
Telle est la question de méthode que pose le recours à une commission « indépendante » composée de personnes « de toutes opinions et de toutes confessions ». Quand on voit le parti-pris idéologique de certaines recommandations, on peut légitimement s’interroger sur l’« indépendance » supposée de cette commission. La compétence technique des uns et des autres suffit-elle à garantir leur objectivité ? La non-affiliation à l’Église permet-elle un regard de vérité sur l’Église et le sacerdoce ? Car sans la foi catholique, on ne peut saisir dans leur justesse les mystères de la foi. Seul le sensus fidei peut apprécier la convenance du célibat sacerdotal et l’intangibilité du sceau de la confession.
Logiquement, la faiblesse de la méthode rejaillit sur les conclusions. Les expertises en science humaine, bien qu’utiles, sont insuffisantes pour analyser la situation et proposer les remèdes adaptés. Le mystère du sacerdoce échappera toujours à l’anthropologue, au psychiatre et au sociologue. Ceux-ci ne risquent de proposer – et c’est ce que fait la commission Sauvé – que de « diluer » et d’ « affaiblir » le sacerdoce pour le rendre moins fragile.
En faisant appel à des hommes de foi pour analyser la manière avec laquelle les affaires d’abus ont été traitées, on aurait pu s’attendre au contraire à une analyse plus profonde, en mesure d’apporter de vraies solutions, qui ne cherchent pas à réformer les fondamentaux de l’Église, mais les hommes d’Église compromis.
Source : Apostol n°157