Question de méthode

A l'issue de l'assemblée plénière des évêques de France de novembre 2021 à Lourdes, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, Mgr Olivier Leborgne et Mgr Dominique Blanchet présentent les mesures votées pour lutter contre les abus sexuels dans l'Église. Crédit : Capture d'écran KTO TV.

En fai­sant appel à des hommes de foi pour ana­ly­ser la manière avec laquelle les affaires d’a­bus ont été trai­tées, on aurait pu s’at­tendre à une ana­lyse plus pro­fonde que celle du rap­port Sauvé, en mesure d’ap­por­ter de vraies solutions.

Début octobre a été publié le rap­port Sauvé sur les vio­lences sexuelles com­mises dans l’Église de France depuis les années 50. Après une ana­lyse (par ailleurs contes­tée) du phé­no­mène, sont don­nées 45 recom­man­da­tions, dont cer­taines touchent aux fon­da­men­taux de l’Église : réflé­chir à la pos­si­bi­li­té d’ordonner prêtres des hommes mariés ; « ensei­gner que le secret de la confes­sion s’inscrit dans le seul temps du sacre­ment de péni­tence » ; « pas­ser au crible la consti­tu­tion hié­rar­chique de l’Église catho­lique » ; « ren­for­cer au regard du prin­cipe d’égale digni­té, la pré­sence des laïcs en géné­ral et des femmes en par­ti­cu­lier dans les sphères déci­sion­nelles de l’Église catholique ».

Au drame odieux et dou­lou­reux, que repré­sentent dans l’Église les abus com­mis par des prêtres, fait écho la parole de l’apôtre saint Paul : « Quand vous avez de telles affaires, vous pre­nez comme juges des gens qui n’ont pas d’autorité dans l’Église ! Je le dis à votre honte. N’y aurait-​il par­mi vous aucun homme assez sage pour ser­vir d’arbitre entre ses frères » ? (1 Co 6, 4–5)

Telle est la ques­tion de méthode que pose le recours à une com­mis­sion « indé­pen­dante » com­po­sée de per­sonnes « de toutes opi­nions et de toutes confes­sions ». Quand on voit le parti-​pris idéo­lo­gique de cer­taines recom­man­da­tions, on peut légi­ti­me­ment s’interroger sur l’« indé­pen­dance » sup­po­sée de cette com­mis­sion. La com­pé­tence tech­nique des uns et des autres suffit-​elle à garan­tir leur objec­ti­vi­té ? La non-​affiliation à l’Église permet-​elle un regard de véri­té sur l’Église et le sacer­doce ? Car sans la foi catho­lique, on ne peut sai­sir dans leur jus­tesse les mys­tères de la foi. Seul le sen­sus fidei peut appré­cier la conve­nance du céli­bat sacer­do­tal et l’intangibilité du sceau de la confession.

Logiquement, la fai­blesse de la méthode rejaillit sur les conclu­sions. Les exper­tises en science humaine, bien qu’utiles, sont insuf­fi­santes pour ana­ly­ser la situa­tion et pro­po­ser les remèdes adap­tés. Le mys­tère du sacer­doce échap­pe­ra tou­jours à l’anthropologue, au psy­chiatre et au socio­logue. Ceux-​ci ne risquent de pro­po­ser – et c’est ce que fait la com­mis­sion Sauvé – que de « diluer » et d’ « affai­blir » le sacer­doce pour le rendre moins fragile.

En fai­sant appel à des hommes de foi pour ana­ly­ser la manière avec laquelle les affaires d’abus ont été trai­tées, on aurait pu s’attendre au contraire à une ana­lyse plus pro­fonde, en mesure d’apporter de vraies solu­tions, qui ne cherchent pas à réfor­mer les fon­da­men­taux de l’Église, mais les hommes d’Église compromis.

Source : Apostol n°157