Virilité épiscopale

Le cardinal de Cabrières, évêque de Montpellier (1830-1921), buste de Jean-Antonin Injalbert

Cent ans après la mort du car­di­nal de Cabrières, l’Église de France a per­du cette virilité.

À la date du 21 décembre 1921, Mgr Baudrillart a noté : « Le car­di­nal de Cabrières est mort. C’est une des plus nobles figures ecclé­sias­tiques et fran­çaises qui se put ren­con­trer ». L’estime et la consi­dé­ra­tion dont il jouit dépassent de loin les seuls milieux catho­liques, comme en témoigne son ova­tion par les mani­fes­tants viti­coles de 1907, ou encore en 1911, son retour triom­phal de Rome alors qu’il vient d’être créé car­di­nal par saint Pie X.

Et pour cause : une noblesse, une digni­té, un sens de l’honneur. « Les hon­neurs ne sont rien, écrivait-​il, l’honneur est tout ». On pour­rait dire encore, alors que cer­tains aujourd’hui essaient loua­ble­ment d’en réha­bi­li­ter le sens, qu’il pos­sé­dait la viri­li­té : le cou­rage non pas tant de faire ou d’agir ; mais d’abord et avant tout le cou­rage d’être. Le cou­rage d’être évêque à l’é­poque du Ralliement pro­mu par Léon XIII ; au temps de la sépa­ra­tion de l’Église et de l’État, à l’heure enfin de la Grande Guerre.

Sa viri­li­té trans­pa­raît dans cet éloge funèbre d’un évêque de com­bat, que Mgr de Cabrières pro­non­ça à Grenoble en 1899 : « Un évêque n’est pas un chien muet qui ne sache pas aboyer quand les loups rôdent autour de son ber­cail ! Et puisque moi-​même, je vois venir, avec la vieillesse, l’heure où, sur ma tombe, on essaie­ra de résu­mer ma vie, puissé-​je ne pas avoir d’autre ambi­tion que de réa­li­ser cette parole de nos Saints Livres : Ne pavea­tis, ne trem­blez pas, n’ayez pas peur ! Les com­bats que vous livrez ne sont pas livrés dans votre inté­rêt, mais dans l’intérêt de Dieu ».

Cent ans après la mort du car­di­nal, l’Église de France a per­du cette viri­li­té. « L’Église est deve­nue trop fémi­nine » se lamen­tait il y a peu un car­di­nal. Victime de l’esprit du monde avec lequel elle s’est com­pro­mise ; vic­time aus­si de la nou­velle ecclé­sio­lo­gie de Vatican II. Les jeunes filles « ser­vantes de messe » n’en sont qu’un mal­heu­reux symptôme.

Pourtant Jésus-​Christ avait ses rai­sons lorsqu’il choi­sit pour apôtres exclu­si­ve­ment des hommes. Des hommes, des­quels il pou­vait rai­son­na­ble­ment attendre cette viri­li­té néces­saire pour défendre le trou­peau, édi­fier et gou­ver­ner l’Église, cla­mer haut et fort la véri­té de l’Évangile.

Source : Apostol n° 158