Accès au décret Inter mirifica
Après de longues discussions sur le schéma de la liturgie, les pères conciliaires examinèrent celui sur la révélation, sujet éminemment théologique. La discussion aboutissait à une impasse. Le pape renvoya donc le schéma à une commission et l’on décida de traiter des moyens de communications sociales, sujet on ne peut plus pratique. Nous sommes à la mi-novembre 1962.
Présentation historique
Une histoire rapide…
Les discussions du schéma suscitèrent peu de réactions. Amorcées le vendredi 23 novembre 1962, elles prirent fin le lundi 26 et n’occupèrent ainsi que trois congrégations générales. Seuls cinquante-quatre pères conciliaires prirent la parole. C’est dire l’intérêt accordé au sujet.
Et pourtant… il y eut du remous ! En effet, après les trois jours de discussions, le texte préparé repassa dans les mains d’une commission entre les deux sessions, afin qu’il fût révisé selon les désirs exprimés dans l’aula conciliaire et surtout afin qu’on le raccourcit : il n’en restera qu’une dizaine de pages réparties sur deux chapitres.
Le vote se réalisa en quatre scrutins répartis sur trois jours différents. Le 14 novembre 1963 (deuxième session), deux scrutins furent organisés. On vota d’abord l’introduction et le chapitre premier, puis dans un deuxième temps le second chapitre et la conclusion. Le tout fut approuvé à une large majorité. Mais les Modérateurs décidèrent que le texte serait à nouveau voté dans son ensemble.
…mais agitée
Dès le soir de ces premiers scrutins, il y eut des mécontents. Les inquiétudes portaient particulièrement sur le numéro 12 du texte. On le trouvait en effet trop moralisateur et donnant trop de pouvoir à l’autorité civile. Trois journalistes américains rédigèrent une critique manifestant le « pas en arrière » qui était fait. Mais quoi faire, vu que le texte était déjà approuvé.
Le 25 novembre de cette deuxième session avait été choisi pour le vote sur l’ensemble du texte. Les pères conciliaires, en entrant dans la basilique, se voyaient remettre une pétition appelant à voter contre le schéma. Lorsque le secrétaire du concile, Monseigneur Felici, arriva, il entra en colère, chercha à subtiliser les feuilles. Une bousculade s’ensuivit…
Le cardinal Tisserand qui présidait ce jour-là la congrégation générale, dut dénoncer et déplorer l’agissement subversif alors que le texte avait déjà été approuvé. Malgré tout, lors du vote qui suivit, cinq cent pères conciliaires environ s’opposèrent au texte. Mais la majorité était quand même acquise.
Le vote solennel se déroula le 4 décembre 1963 en présence de Paul VI. Le texte fut adopté par 1960 voix contre 164.
Analyse
Le texte est relativement court et n’est pas à proprement parler théologique. Après une introduction, deux chapitres forment l’ensemble de ce décret, le premier exposant la doctrine de l’Eglise, le second développant l’action pastorale de l’Eglise.
Les anciennes encycliques
Les premiers du décret sont significatifs : Inter mirifica (parmi les découvertes merveilleuses) est une allusion directe au titre de l’encyclique de Pie XII (Miranda prorsus mot qui signifie l’admiration) rédigée quelques années auparavant [1]. Du reste, Pie XI lui-même avait déjà abordé ces problèmes de communication, et les discours des papes ne manquent pas non plus sur de tels sujets.
Le devoir pour l’Eglise de prêcher la vérité et de la répandre
Si la technique n’est pas mauvaise en soi, elle doit cependant toujours garder l’orientation à la fin dernière et la servir car elle n’est qu’un moyen. Le concile (et les papes antérieurs) ont bien constaté que les progrès de la science pouvaient parfaitement servir la fin dernière et aider l’Eglise dans sa mission. C’est ce que réaffirme le concile. L’Eglise doit prêcher la vérité, et ces moyens, en raison de leur efficacité nouvelle, tant du point de vue du facteur temps (retransmission en direct) que du point de vue de l’espace (retransmission jusque dans les coins les plus reculés), sont tout à fait les bienvenus. La vérité, la foi, les grands discours peuvent être entendus partout, et rien ne remplace le discours : fides ex auditu [2] dit saint Paul.
D’autre part, le texte fait bien d’ajouter que les laïcs ont une grande part à prendre dans la maîtrise et l’usage de ces moyens, et que pour ce faire, il leur faut une formation. Le concile a raison d’ajouter aussi que les catholiques doivent prendre des initiatives en de tels domaines : il serait vain d’attendre que les ennemis de l’Eglise soient possesseurs de ces moyens pour commencer à réagir ou plutôt à agir.
C’est surtout le n°12 qui a posé de véritables problèmes. En cet endroit, le concile affirme les devoirs des pouvoirs publics vis à vis de ces moyens [3]). La contrepartie de ces devoirs n’est autre que la soumission de ces moyens à l’état. Quelques journalistes alertèrent certains experts tels que Daniélou, Häring ou encore Courtney Murray en raison de ce « pas en arrière, exemple de la façon dont le concile n’avait pas su saisir la réalité du monde environnant ». Malgré les essais de remise en cause du schéma, rien ne fut changé.
Pourquoi un concile pour discuter de ces points ?
Finalement, la question présente n’est pas de savoir pourquoi le concile a traité de ce problème. Il y répond lui-même en introduction du texte, et les papes l’ont suffisamment fait savoir. La question est plutôt pourquoi est-ce un concile qui a traité d’un tel sujet alors qu’il n’est pas besoin de réunir les évêques du monde entier pour donner un avis sur la question.
Il est tout aussi curieux qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale, quand on sait combien les médias ont été au service du nouveau gouvernement français, quand on sait quelle a été leur propagande durant le conflit mondial et particulièrement en Angleterre qui s’est faite l’alliée soudaine du communisme qu’elle disait pourtant par la bouche de Churchill vomir, quand on sait enfin l’instrumentalisation dont elle a fait l’objet de la part du communisme, il est étonnant qu’aucune allusion n’y ait été faite ni dans le texte, ni durant les quelques heures de discussion dans l’aula conciliaire.
Une fois encore, on est étonné de l’irréalisme avec lequel le concile traite de la question des rapports avec le pouvoir politique (n°12) tout en sachant ce pouvoir déjà corrompu.
Là donc où l’on aurait attendue des prises de position fermes, des objectifs concrets, on garde l’impression d’une candeur ingénue vis-à-vis de ces techniques déjà devenues des moyens de propagande asservis aux gouvernements révolutionnaires.
Citoyen du monde
Enfin, on trouve une expression malheureuse dans ce texte. Le concile affirme que les moyens de communication sociale « font de chaque homme le citoyen du monde ». [4] Peut-être suggérera-t-on que cette expression voudrait reprendre la consecratio mundi dont parlait déjà Pie XII. Il n’en reste pas moins que cette phrase est non seulement dangereuse, mais aussi perverse. Car elle sous-tend un gouvernement mondial dont tout homme serait une partie ; on pense aussitôt à l’action de l’ONU et à la visite que lui fit Paul VI, la paix universelle sur terre… Comment même ne pas penser, dans les courants idéologiques qui font et défont ce concile, aux erreurs de la liberté religieuse, de l’œcuménisme et de la collégialité, Nouvel Age pour l’Église ? [5]
Abbé Gabriel Billecocq, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
- 8 septembre 1957.[↩]
- Rom, X,17 : « Ainsi la foi vient de la prédication entendue, et la prédication se fait par la parole de Dieu ».[↩]
- « L’autorité a la charge de défendre et de protéger la vraie et juste liberté de l’information, dont la société moderne a absolument besoin pour son progrès ; de favoriser les valeurs religieuses, culturelles et artistiques. Enfin les pouvoirs publics qui à bon droit se soucient du bien être des citoyens, ont aussi le devoir de s’assurer avec justice et perspicacité, en promulguant des lois et en veillant à leur efficace application, que le mauvais usage de ces moyens ne crée pas de graves dangers pour la moralité publique et le progrès de la société. Cette intervention ne porte nullement atteinte à la liberté des individus et des groupements, surtout dans le cas où on ne trouve pas de sérieuses garanties chez ceux qui par profession utilisent ces moyens. Des mesures spéciales seront prises pour défendre les adolescents contre une presse et des spectacles nuisibles à leur âge. » (n°12 du décret[↩]
- n°22[↩]
- Car finalement, l’expression « citoyen du monde » est typique de cette pseudo-religion du New-Age qui voudrait instaurer une ère nouvelle où une religion universelle serait au service d’un gouvernement mondial.[↩]