Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,
Vous venez d’entendre l’oraison que l’Église met sur les lèvres du pontife, en ce jour de la messe chrismale.
« Ô Dieu qui avez voulu vous servir des prêtres, pour opérer le salut, faites que par ce ministère, le peuple fidèle croisse en nombre et en sainteté ».
Mes bien chers amis, en effet, le Bon Dieu a voulu se servir du ministère des prêtres. Il aurait pu, s’il avait voulu, se servir du ministère des anges. Il aurait pu se passer et des prêtres et des anges et réaliser ce ministère Lui-même. Il aurait pu rester parmi nous, comme Il l’était pendant les trente-trois années qu’il a passées en Palestine.
Notre Seigneur a choisi le ministère des prêtres. Et nous sommes prêtres par la volonté de Notre Seigneur et aussi par ce sacrement, par l’Ordre, qu’il a institué précisément la veille de sa mort, dans ce repas et ce sacrifice qu’il a accompli avec ses apôtres au Cénacle. En cette soirée si divine, si sublime. Notre Seigneur accomplissait à la fois l’institution de deux grands sacrements qui devaient servir au salut des âmes : le Sacerdoce et l’Eucharistie. Manifestant par là, justement, le lien profond qu’il y a entre le Sacrifice eucharistique et le sacerdoce. Mais Notre Seigneur n’a pas voulu limiter les canaux de sa grâce au sacrement de l’Eucharistie. Il a institué d’autres sacrements par lesquels est dispensée la grâce sanctifiante, c’est-à-dire la communication de sa propre vie, la communication de sa vie divine, vie divine issue, sortie de son Cœur sacré dans la Passion. Et c’est pourquoi il y a un lien profond entre la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, le sacerdoce et les sacrements.
Tout vient de la même origine, de la même source. Il est le Prêtre, Il est la Victime, Il est la source de la vie divine qui nous est communiquée.
Alors, combien il était normal, qu’en ce jour qui précède la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, sa sainte Passion, soit réalisée cette consécration des saintes Huiles, qui est une matière privilégiée, choisie par Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même.
Nous l’avons entendu dans l’évangile tout à l’heure, Notre Seigneur a choisi l’huile, l’Huile sainte pour le sacrement des malades, pour le sacrement des infirmes. Et Il a voulu qu’elle soit aussi employée dans le sacrement du baptême, dans le sacrement de la confirmation, dans le sacrement de l’ordre.
Et c’est pourquoi, l’Église a choisi ce jour pour la consécration des saintes Huiles. Et cela doit être pour nous, mes chers amis, vous surtout qui êtes prêtre, l’occasion de vous rappeler l’importance des sacrements. Ce n’est pas nous qui avons choisi le sacerdoce, c’est Notre Seigneur qui nous a choisis. C’est Lui qui a voulu que nous soyons ses instruments. pour le salut des âmes, pour communiquer la vie éternelle aux âmes. Et Il nous a confié ces sacrements. En définitive. Il s’est mis Lui-même dans nos mains, d’une certaine manière. En vérité, Il l’a fait dans le Saint Sacrifice de la messe et dans le sacrement de l’Eucharistie ; mais Il l’a fait aussi dans tous les sacrements, car que sont ces sacrements, sinon les canaux de sa propre vie.
Alors nous devons constamment nous rappeler et la nécessité des sacrements et la grandeur et la sainteté des sacrements. Comme il est bon pour nous de nous rappeler cette nécessité de vénérer les sacrements que nous donnons et d’être à la disposition des fidèles pour leur donner la vie divine par ces sacrements qui ont été faits pour leur donner la bienheureuse éternité.
Mais comme le dit justement le catéchisme du concile de Trente, si judicieux en toutes ces matières pour les prêtres, pour les pasteurs, les sacrements sont des signes, signes des choses sacrées. Ce ne sont pas seulement des symboles, comme on voudrait nous le faire croire aujourd’hui. Ce sont des signes des choses sacrées, qui produisent les choses qu’ils signifient.
Cette signification est évidemment bien mystérieuse et c’est pourquoi, suivant la coutume du langage grec, les Pères de l’Église ont souvent appelé les sacrements, les mystères : mysterium. Parce que, en effet, que des éléments matériels, que des signes, des paroles, communiquent la vie divine, c’est un grand mystère. Qu’il y ait un lien, un lien profond entre ces paroles, ces matières, ces éléments sensibles et la vie divine, cela nous montre les desseins de la Providence à qui tout appartient, par qui tout a été créé. Et dont la toute-puissance peut lier à ces gestes, à ces paroles, aux intentions des ministres, la dispensation des grâces divines.
Et il nous est bon de nous rappeler que ces sacrements sont vraiment nécessaires pour le salut des âmes. D’où l’importance de garder à ces sacrements, la fidélité que nous leur devons. Et en cette époque, où nous constatons malheureusement que cette fidélité n’est plus gardée par les prêtres et par beaucoup de prêtres. On a tellement modifié ces sacrements que l’on en est venu à croire que ce sont simplement des signes et des symboles, mais qui ne produisent plus véritablement cet effet merveilleux qu’est la grâce sanctifiante.
Alors pour nous qui gardons profondément dans nos cœurs, dans nos âmes cette foi dans la vertu des sacrements, nous devons aussi les garder dans leur tradition.
Parce que ce ne sont pas nous qui faisons le sacrement, bien plus hélas, un prêtre qui serait infidèle, un prêtre qui serait un pécheur et en état de péché, par le seul fait qu’il accomplit justement et légitimement, les paroles, la matière, les actes et qu’il a l’intention de faire ce que fait l’Église, il produit le sacrement, la grâce sacramentelle est donnée. C’est ce qu’a voulu Notre Seigneur Jésus-Christ. Il n’a pas voulu que la sainteté du sacrement dépende de la sainteté du prêtre, afin que les fidèles soient assurés de recevoir la grâce sanctifiante, dont ils ont besoin. Car c’est pour le salut de leurs âmes que Notre Seigneur a fait ces sacrements. Et c’est pourquoi Il les a faits dans des matières simples, si courantes, si habituelles. De telle sorte que les fidèles puissent facilement recevoir ces sacrements.
Or, nous constatons également aujourd’hui que beaucoup de fidèles sont privés des sacrements par la négligence du clergé, par la négligence des prêtres. Au lieu d’accomplir leur devoir, au lieu de comprendre qu’ils doivent être à la disposition des fidèles pour leur donner les sacrements, combien de prêtres maintenant, sont absents, se refusent à donner les sacrements qui sont demandés, laissant ainsi les âmes dans l’abandon et peut-être dans la voie de la perdition. C’est une époque terrible qui peut-être ne s’est jamais présentée dans cette acuité autrefois.
Et le catéchisme du concile de Trente insiste aussi sur la nécessité de certains sacrements, plus grande que les autres, par exemple, la nécessité du baptême.
« Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de la parole de vie, il ne peut pas accéder, dit Notre Seigneur, à la vie éternelle » . Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut pas avoir la vie éternelle.
Sans doute, l’Église nous enseigne que le baptême peut être le baptême de l’eau, le baptême de désir et le baptême du sang, mais le baptême de désir n’est autre que le désir du baptême de l’eau. Et comment auront-ils ce désir s’ils ne le connaissent pas. Pour les catéchumènes sans doute, c’est le cas : ils connaissent le baptême et ils le désirent. Mais combien d’âmes ont ce désir implicite du baptême réel ? Combien d’âmes sont capables de faire un acte de charité envers Dieu comprenant le désir implicite du baptême ? C’est là un grand mystère. Et trop facilement aujourd’hui, on se passerait des sacrements en pensant que toutes les âmes se sauvent en dehors des sacrements, sans les sacrements. Or cela n’est pas possible. Dieu l’a voulu. Dieu a voulu que sa vie soit dispensée par les sacrements.
Sacrement du baptême, sacrement de la pénitence pour ceux qui sont tombés dans le péché mortel, qui se seraient séparés de Dieu, s’ils veulent recouvrer la vie, s’ils veulent avoir la vie éternelle, ils doivent se présenter au sacrement de pénitence dans les dispositions requises et recevoir la sainte Absolution pour que leurs péchés soient effacés et qu’ils renaissent à la vie dans le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et troisième sacrement nécessaire, dit aussi le catéchisme du concile de Trente, troisième sacrement nécessaire : le sacerdoce, l’ordre. Non point cette fois pour la vie éternelle du prêtre, du sujet lui-même, mais pour la vie de l’Église.
L’Église ne peut pas exister sans sacerdoce. Alors voyez, mes chers amis, ce qu’est l’Église aujourd’hui ; la situation dans laquelle se trouve le sacerdoce aujourd’hui. Qu’en est-il ? Combien y a‑t-il encore de prêtres, combien y a‑t-il encore de prêtres qui dispensent les sacrements validement et par conséquent communiquent la vie de Dieu aux âmes ? Certes, Dieu le sait. Mais nous sommes bien obligé de constater que depuis le concile, le nombre des prêtres a considérablement diminué et que parmi ceux qui sont formés aujourd’hui dans ces séminaires qui n’enseignent plus la véritable doctrine au sujet des sacrements, risquent de ne pas avoir l’intention de faire ce que fait l’Église ; ou de se soucier bien peu de la forme et de la matière, en pensant que cela n’a pas grande importance. Autant de dilemmes cruels pour nous, pour les fidèles, pour l’Église tout entière. Quelle douloureuse situation.
Dieu a fait ces sacrements pour donner sa vie : In finem dilexit eos : Il nous a aimés jusqu’à la fin, jusqu’au bout et Il a voulu que ce soit par ces canaux que passe sa vie, cette vie qui sera la béatitude éternelle.
Et voilà que les prêtres eux-mêmes, que le clergé lui-même devient un obstacle à la dispensation de ses grâces, à la dispensation de la vie éternelle. Quelle douleur ! Que d’âmes abandonnées ! D’où la nécessité de continuer ces séminaires, d’où pour vous, mes chers amis séminaristes, vous vous préparez à être de vrais prêtres. À être des prêtres qui auront la soif de donner les vrais sacrements, de donner des sacrements valides aux âmes qui réclament la vie éternelle, qui ont soif de la vie éternelle.
C’est ce que font déjà vos aînés ; ils traversent les pays ; ils se font missionnaires partout, pour aller porter aux âmes, ces grâces dont les âmes ont besoin. C’est un exemple magnifique.
Demandons aujourd’hui à Dieu, que ces prêtres demeurent toujours dans la fidélité à l’Église de toujours ; qu’ils demeurent aussi dans le désir de se sanctifier ; qu’ils ne se laissent pas entraîner par un certain activisme qui diminuerait la valeur de leur vie intérieure, de leur vie spirituelle ; qu’ils ne se perdent pas pour sauver les autres. Mais qu’ils se sauvent en sauvant les autres.
Et une considération très belle que fait également le catéchisme du concile de Trente, au sujet des sacrements : c’est que le sacrement a trois liens, représente trois choses.
Une chose passée, une chose présente et une chose future. Une chose passée, c’est la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il y a un lien profond entre cette cérémonie que nous accomplissons maintenant et la Passion de Notre Seigneur – et le Vendredi Saint. Il y a également un élément présent, qui est la dispensation de la grâce par le signe sensible.
Et il y a un lien également avec l’avenir, parce que tous ces signes se réfèrent à la vie éternelle, à la béatitude éternelle. Ils sont faits pour cela. C’est leur essence même de conduire à la béatitude éternelle. Quelle chose magnifique. Quelle réalité sublime. Ce lien entre la Passion de Notre Seigneur, la réalisation du sacrement dans le moment présent et le lien avec la béatitude éternelle.
C’est vraiment de Dieu, le retour à Dieu, à travers les sacrements. Que cela soit pour nous un encouragement à préparer les âmes à bien recevoir les sacrements. Nous disons parfois cet adage : Sacramenta propter homines : Les sacrements pour les hommes. Et ceux qui emploient quelquefois cette formule seraient tentés de donner les sacrements sans une certaine révision, sans une certaine étude des dispositions dans lesquelles les âmes reçoivent ces sacrements.
Mais nous devons ajouter :
Sacramenta propter homines bene dispositos.
À quoi bon donner les sacrements si les âmes ne sont pas bien disposées. C’est Notre Seigneur Lui-même qui le dit : Ne jetez pas vos perles aux pourceaux. Nous ne devons pas donner les choses saintes aux chiens, comme le dit Notre Seigneur Lui-même.
Les âmes qui ne sont pas disposées à recevoir les sacrements, qui ne peuvent pas recevoir la grâce parce qu’elles ont un obstacle, public, officiel, connu, nous ne pouvons pas leur donner les sacrements. Nous devons les préparer. D’où l’importance de la préparation pour les sacrements. L’importance du catéchisme pour les enfants, l’importance de l’enseignement de la foi pour que les fidèles se préparent dans la contrition, dans l’humilité, dans la charité à recevoir les sacrements avec une plénitude efficace.
Voilà, mes chers amis, quelques considérations au sujet de cette messe chrismale qui nous fait penser aux moyens que le Bon Dieu a choisis, particulièrement ces saintes Huiles que nous allons consacrer dans quelques instants et dont, vous prêtres, vous aurez l’occasion de vous servir tout au cours de l’année. Servez-vous de ces choses bénites et consacrées avec toute la dévotion, avec tout le respect dû aux choses saintes.
Apprenez aux fidèles à respecter toutes ces choses bénites, ces choses consacrées afin qu’ils élèvent leur âme vers Dieu et les sanctifient.
Demandons à la Vierge Marie qui sans doute n’était pas présente à la sainte Cène, mais qui fut présente à la Passion et donc présente à ce qui est la source des sacrements, elle qui a bénéficié de la vie divine par un privilège tout spécial, elle est exempte du péché originel, la grâce a inondé son âme, elle a été remplie de l’Esprit Saint par Jésus Lui-même, par un privilège extraordinaire.
Alors que la Mère de Jésus nous aide à dispenser l’Esprit Saint, à dispenser les grâces par les sacrements, de telle manière que les âmes soient sanctifiées comme l’a été l’âme de la très Sainte Vierge Marie.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.