Bien cher M. l’abbé Simoulin,
Si hier j’ai pensé utile, profitable, édifiant de remettre devant vos yeux et devant les yeux de tous ceux qui assistaient à votre ordination, ce qu’était le prêtre essentiellement et les dispositions qu’il devait avoir pour recevoir dignement la grâce de l’ordination, aujourd’hui c’est à vous que je m’adresse d’une manière particulière puisque dans quelques jours vous aurez à exercer votre sacerdoce.
Honor unus. Ces jours-ci vous êtes dans l’honneur, demain vous serez dans le poids de la Croix, dans l’exercice de votre charge.
Mais avant de parler de ce que pourra être votre charge, votre ministère, votre beau ministère, jetez un regard sur le passé, afin de rendre grâce à Dieu qui vous a conduit à travers des chemins que vous connaissez mieux que quiconque. Hier vous en avez donné quelque idée. Mais vous pouvez retrouver toutes les bénédictions du Bon Dieu à travers ces années de votre enfance dans une famille profondément chrétienne, au milieu de nombreux frères et sœurs qui, aujourd’hui, vous entourent avec joie et émotion. Vous vous rappelez toutes ces années de votre enfance, ces années de votre adolescence. Ceux qui vous ont formé et qui ont cru vous diriger dans une vocation qui n’est pas celle qu’en définitive, le Bon Dieu vous a choisie.
Et vous auriez pu sans doute, comme beaucoup d’autres et des membres de votre famille déjà unis dans les liens du mariage, penser vous aussi à suivre vos frères et sœurs unis dans le mariage.
Mais non ! Le Bon Dieu avait d’autres vues sur vous. Et suivant l’étoile que le Bon Dieu a placée sur votre chemin, vous voilà arrivé à Écône. Et là, dans le silence de ces quatre années, dans le travail, dans la prière, vous vous êtes formé une âme de prêtre. Et voici que vous avez reçu la grâce sacerdotale et que dans la joie et dans l’émotion aussi, vous montez à l’autel. Et dans quelques instants, vous allez prononcer les paroles du Sacrifice, les paroles de la Consécration, avec le pouvoir de votre grâce sacerdotale, de faire descendre Jésus le Fils de Dieu, sur l’autel.
Et c’est là – aujourd’hui je pense – la cause des prières que vous adressez à Dieu en reconnaissance de tous ces dons que vous avez reçus et que le Bon Dieu vous a donnés.
Mais après avoir atteint ce but qui peut paraître une fin en soi – bien sûr être prêtre a un but bien appréciable et admirable – mais ce qui est un but est aussi un commencement. Vous commencez votre vie sacerdotale et alors il ne faut pas seulement regarder le passé, mais il faut regarder l’avenir.
Et je vous propose de vous transporter par la pensée, dans l’église où vous allez exercer votre ministère. Et lorsque vous rentrerez dans cette église – désormais prêtre – au premier regard depuis l’entrée dans cette magnifique église – Saint-Nicolas-du-Chardonnet – vos regards se porteront sur ce qui est essentiel, ce qui est central dans cette église, ce pourquoi cette église a été construite : l’autel, l’autel du Saint Sacrifice.
Et vous vous rappellerez en même temps des paroles qui ont été prononcées hier par l’évêque consécrateur :
Sacerdotem et enim oportet offerre : « Le prêtre doit offrir, sacrifier ».
Et en effet, c’est le premier devoir du prêtre, c’est sa première fonction : offrir le Saint Sacrifice de la messe. Monter à l’autel, accomplir cet acte, comme instrument de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cet acte où se réalise la plus grande manifestation qui ait jamais eu lieu au monde, de la charité. Car s’il y a un acte de charité qui au monde a rendu gloire à Dieu et qui a exprimé l’amour pour le prochain, c’est bien la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Or, montant à l’autel, vous allez remettre devant les yeux des fidèles, cet acte, ré-accomplir et continuer cet acte du Sacrifice de la Croix, où Notre Seigneur a donné sa vie pour la gloire de Dieu, pour la gloire de son Père et pour le salut des âmes, pour le salut du prochain. Vous vous remplirez donc de cette charité, de cette charité qui a animé le cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ. Vous vous remplirez de cette charité.
Offere, offrir, et benedicere, bénir, Benedicere en effet, c’est à l’autel que vous aurez l’occasion de bénir. De bénir et de préparer les enfants qui vont recevoir pour la première fois la sainte Eucharistie. Et aujourd’hui, une grâce du Bon Dieu a voulu que l’une de vos nièces reçoive de vos mains, pour la première fois. Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce sera certainement pour elle, un souvenir qu’elle gardera précieusement pour toute sa vie au fond de son cœur.
Bénir les enfants et leur donner Notre Seigneur Jésus-Christ.
Bénir aussi les époux, en donnant la bénédiction nuptiale. Le prêtre – de l’autel – bénit les époux qui reçoivent le sacrement du mariage.
Bénir également les corps des défunts, avant de les conduire à leur dernière demeure.
Bénir tout ce que le peuple saint veut sanctifier, veut consacrer : les fruits nouveaux, les champs, tout ce que les fidèles désirent consacrer et bénir, le prêtre les bénit. Et ces bénédictions viennent de l’autel, du Saint Sacrement de l’Eucharistie, où est présent Notre Seigneur Jésus-Christ.
Sacerdotem et enim oportet offerre benedicere. – Præsse : présider, dit encore, hier, le Pontifical.
Et alors, je vous propose de rappeler à votre mémoire, la parole du Bon Pasteur. C’est Notre Seigneur Jésus-Christ, Lui-même qui dit :
Ego sum pastor bonus ; et cognosco meas, et congnoscunt me mae (Jn 10,14).
Le pasteur va devant les brebis. Il les conduit. Et parce qu’il est le vrai pasteur, alors les brebis entendent et connaissent la voix du vrai pasteur :
« Je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent ».
Et elles le suivent. Et Lui va les conduire dans les pâturages où elles trouveront leur nourriture. Quelle belle image que celle du bon pasteur.
Par contre les brebis ne connaissent pas celui qui est mercenaire, celui qui est le voleur. Elles s’enfuient. Et le mercenaire qui ne connaît pas ses brebis et qui ne les aime pas, disperse le troupeau et ruine le troupeau.
Vous serez ce bon pasteur. Vous conduirez les âmes à Jésus-Christ. Vous les conduirez à l’autel pour qu’elles puissent y trouver la réfection spirituelle de leur âme.
Sacerdotem oportet offerre, benedicere, præesse prædicare.
Prædicare. Vous aurez à prêcher. Là encore à prêcher Notre Seigneur Jésus-Christ, comme saint Paul. Saint Paul disait :
Non enim judicavi me scire aliquid inter vos, nisi Jesum Christum, et hunc crucifixum (1 Co 2,2).
« Car je n’ai pas jugé que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ».
Nos autem prædicamus Christum crucifixum : Judæis guident scandalum, gentibus autemm stultitiam (1 Co 1,23).
« Nous, nous prêchons le Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les gentils ».
La croix de Jésus pour les juifs est un scandale. Pour les gentils, pour les païens, pour les gens du monde qui vivent sans Dieu, qui s’éloignent de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est une folie.
Eh bien, vous prêcherez Notre Seigneur Jésus-Christ, ce scandale et cette folie, afin d’attirer les âmes à Notre Seigneur, de les convertir à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et enfin, le Pontifical termine cette série de devoirs du pasteur en disant : Sacerdotem oportet baptizare.
Et alors, en continuant votre chemin dans votre église, vous trouverez en effet le baptistère, où vous donnerez la vie spirituelle aux âmes qui viendront vous demander la grâce du baptême.
Et vous rendant vers le baptistère, vous passerez devant le confessionnal, devant le tribunal de la pénitence, où vous aurez à vous asseoir et à juger. À juger ceux qui viendront vous apporter leurs misères, leurs péchés. Et ce tribunal sera sans doute un tribunal de justice, mais aussi et surtout, un tribunal de miséricorde. Et vous vous pencherez sur les âmes pour leur redonner la vie spirituelle qu’elles avaient perdue, ou les réconforter dans leur vie spirituelle.
Voilà le ministère du prêtre.
Ainsi quand vous entrerez dans cette église, tout votre ministère sera présent à vos yeux et la source de ce ministère sera le Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ présent à l’autel.
Alors, nous vous souhaitons, tous ici présents, tous ceux qui vous entourent de leur affection, nous vous souhaitons tous d’immenses grâces, de nombreuses grâces.
Car en ce temps difficile de l’Église, vous entendrez beaucoup de réclamations, difficultés, oppositions, contradictions. Elles ne manqueront pas en ce temps de trouble dans la Sainte Église.
Ce qui donnera la solution à tous ces problèmes difficiles dans lesquels vous pourrez vous trouver, c’est précisément, de faire votre ministère. Le ministère de l’Église. Le ministère que le Pontifical – qui date de siècles et de siècles – ce n’est pas moi qui l’ai inventé. Je n’ai fait que lire des paroles que des milliers et des milliers d’évêques ont dites avant moi. Et ces paroles que je viens de vous redire : sacerdotem oportet offerre, benedicere, præesse, benedicare, baptizare, cela c’est l’Église. C’est le rôle que l’Église donne au prêtre.
Accomplissez ce rôle et tous les problèmes s’effaceront. Vous serez peut-être persécuté, vous aurez peut-être beaucoup de souffrances, mais vous aurez cette certitude, cette persuasion, cette conviction que vous faites le travail de l’Église, que vous faites le travail de Notre Seigneur Jésus-Christ, ce que l’Église a toujours demandé à ses prêtres et ce que les fidèles attendent du prêtre. Et c’est pourquoi, faisant cela, les fidèles, simples, droits, qui ont une conscience juste et bonne, viendront vers vous et vous demanderont le soutien de votre parole, le soutien des sacrements, le soutien de la grâce. Et la Vierge Marie vous accompagnera. Elle sera votre Mère.
Dans les anciennes églises on voyait souvent et on le voit encore là où on ne les a pas enlevées, ces images de Notre-Dame de la Compassion, la très Sainte Vierge recevant dans ses bras son divin Fils.
Que cette Vierge de Notre-Dame de la Compassion vous accompagne et vous donne un vrai cœur de prêtre, comme elle a formé en quelque sorte le Cœur de son Fils en son sein. Et demandez-lui d’être un autre Christ comme son divin Fils.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.