Sermon de l’abbé Bernard de Lacoste le 11 juin 2011 à Chartres

Avertissement : le style par­lé de ce ser­mon a été conservé

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

Chers pèle­rins,

Bravo d’être venus ce matin avec cou­rage et enthou­siasme pour mar­cher jus­qu’à Paris. Vous êtes venus des quatre coins de France mais aus­si d’Allemagne, de Belgique, de Suisse, d’Espagne, de toute l’Europe et même d’Amérique et d’Asie, bravo !

Pendant trois jours, nous allons prier, chan­ter, offrir à Dieu des sacri­fices et mani­fes­ter publi­que­ment notre foi dans les cam­pagnes de France et dans les rues de la capi­tale. Cette année, le pèle­ri­nage est pla­cé sous le thème de la Sainte Eucharistie. C’est pour cela qu’il se ter­mi­ne­ra lun­di après-​midi par une pro­ces­sion solen­nelle du Saint-​Sacrement. Nous pour­rons ain­si ado­rer publi­que­ment Notre-​Seigneur Jésus-​Christ caché sous les voiles de l’Hostie. Dans un monde où Dieu est oublié et même mépri­sé, chas­sé des ins­ti­tu­tions, nous serons heu­reux de répa­rer les outrages dont Il est sans cesse vic­time et de Lui mani­fes­ter au grand jour notre amour filial et notre fier­té d’être Ses disciples.

Pour bien com­prendre ce qu’est l’Eucharistie, souvenons-​nous d’une anec­dote qui s’est dérou­lée vers l’an 900 avant Jésus-​Christ. La reine impie Jézabel envoie un mes­sage au pro­phète Elie disant : « Demain, à cette heure, je t’au­rai tué par le glaive ». Rempli de crainte, Elie se lève aus­si­tôt et s’en­fuie dans le désert. Après une jour­née de marche, il s’as­sied sous un arbuste, épui­sé, et fait à Dieu cette prière : « Seigneur, faites que je meure, c’est assez pour moi, pre­nez mon âme car je ne suis pas meilleur que mes pères » ; puis s’é­ten­dant par terre, il s’en­dort. Et voi­là qu’un peu plus tard un ange du Seigneur le touche et lui dit : « Lève-​toi et mange ». Elie se redresse et voit près de lui un pain cuit sous la cendre et un vase d’eau. Il mange donc et boit et de nou­veau s’en­dort. L’ange du Seigneur vient une seconde fois, le touche et lui dit : « Lève-​toi et mange car il te reste un grand che­min à faire ». Une fois levé, Elie mange et boit, et il marche, for­ti­fié par cette nour­ri­ture céleste, pen­dant qua­rante jours et qua­rante nuits jus­qu’à Horeb, la mon­tagne de Dieu.

Chers pèle­rins, où Elie a‑t-​il pui­sé la force néces­saire pour mar­cher si long­temps, sans s’ar­rê­ter ni se décou­ra­ger ? Dans cette bois­son et ce pain miraculeux.

Et nous-​mêmes, où puiserons-​nous la force pour accom­plir notre pèlerinage ?

Il n’y a certes que trois jours de marche pour atteindre Paris mais regar­dons plus haut : notre vie terr­restre n’est-​elle pas un pèle­ri­nage dont le terme est le Ciel, un pèle­ri­nage qui ne dure ni trois jours, ni qua­rante, mais plu­sieurs années, plu­sieurs dizaines d’an­nées ? Nous avons besoin comme Elie d’une nour­ri­ture divine qui nous for­ti­fie. Imaginons que l’un d’entre vous, ce same­di matin, décide de jeû­ner jus­qu’à lun­di soir. Je ne man­ge­rai rien pen­dant trois jours, dirait-​il. Ne faites sur­tout pas cela, c’est de la folie. Vous ris­quez de ne jamais atteindre Paris. Arrivé à Rambouillet, vous allez défaillir comme Elie et vous serez inca­pable de vous rele­ver. Il faut se nour­rir pour for­ti­fier son corps.

Et notre âme, n’aurait-​elle pas, elle aus­si, besoin d’a­li­ment pour avan­cer chaque jour tout au long de son pèle­ri­nage ter­restre ? Autrement elle défaille, épui­sée, et ne par­vient pas à affron­ter les obs­tacles, à résis­ter aux ten­ta­tions. Chaque jour, notre âme doit mener des com­bats ter­ribles ! Quelle sera sa nour­ri­ture ? Ecoutons Notre-​Seigneur : « Je suis le Pain vivant des­cen­du du Ciel. Si quel­qu’un mange de ce Pain, il vivra éter­nel­le­ment. Le Pain que je don­ne­rai, c’est Ma Chair pour le salut du monde. En véri­té, en véri­té, je vous le dis, si vous ne man­gez la Chair du Fils de l’Homme et ne buvez Son Sang, vous n’au­rez point la Vie en vous. Qui mange Ma Chair et boit Mon Sang a la Vie éter­nelle, et Moi, Je le res­sus­ci­te­rai au der­nier jour, car Ma Chair est vrai­ment une nour­ri­ture et Mon Sang est vrai­ment un breu­vage ». L’aliment de notre âme, ce n’est donc rien d’autre que Dieu Lui-​même qui se cache sous l’ap­pa­rence d’un petit mor­ceau de pain pour être man­gé par Ses pauvres créa­tures. Quel mys­tère de charité !

Rappelons-​nous aus­si le pèle­ri­nage des Hébreux vers la Terre Promise. Leur voyage dans le désert a duré qua­rante ans. Où ont-​ils trou­vé la nour­ri­ture néces­saire à leur sur­vie ? Tous les matins, ils allaient ramas­ser le pain des­cen­du du Ciel, la manne, sorte de graines blanches, pleines de saveur, dont le goût res­sem­blait à celui d’un gâteau de miel. Sans cette nour­ri­ture céleste, les Hébreux seraient sûre­ment morts de faim au milieu du désert. Jamais ils n’au­raient atteint la Terre Promise. Aujourd’hui, notre Terre Promise, c’est le Ciel, c’est la Jérusalem Céleste et le monde actuel ne ressemble-​t-​il pas à un désert pour notre âme ? A un désert dans lequel nous devons vivre sou­vent bien plus que qua­rante ans ? Comment notre âme restera-​t-​elle en vie sans nour­ri­ture ? Les Hébreux ont man­gé la manne dans le désert et ils sont morts, dit Notre-​Seigneur, et Il ajoute : Celui qui mange de ce Pain vivra éter­nel­le­ment ». C’est donc dans la Sainte Eucharistie que nous pui­se­rons la force spi­ri­tuelle néce­saire pour triom­pher dans les ten­ta­tions et pro­gres­ser chaque jour.

Saint Vincent Ferrier affirme : « Une seule com­mu­nion est plus utile à l’âme qu’une semaine de jeûne au pain et à l’eau » et le saint Curé d’Ars ensei­gnait à ses parois­siens : « Une seule com­mu­nion bien faite suf­fit à faire de cha­cun de nous un saint. »

Chers Pèlerins, soyons donc bien convain­cus que celui qui refuse à son âme toute ali­men­ta­tion, c’est-​à-​dire celui qui ne com­mu­nie pas est inca­pable de mener à bien son pèle­ri­nage ter­restre et d’al­ler au Ciel. Au contraire, le fidèle qui reçoit sou­vent la Sainte Eucharistie est sûr de sau­ver son âme pour­vu qu’il com­mu­nie dans de bonnes dispositions.

Quelles sont ces bonnes dis­po­si­tions ? D’abord, il faut être en état de grâce pour com­mu­nier, sinon la com­mu­nion est sacri­lège. C’est se moquer de Dieu. Pourquoi cela ? Parce que celui qui est en état de péché mor­tel est mort spi­ri­tuel­le­ment. Or un homme qui est mort ne se nour­rit pas. La vie de notre âme, c’est la grâce sanc­ti­fiante, c’est la pré­sence des trois Personnes divines en nous, mais le péché grave tue l’âme en fai­sant perdre cette vie divine reçue le jour de notre bap­tême. Voilà pour­quoi Notre-​Seigneur, dans Sa Bonté, a ins­ti­tué le Sacrement de Pénitence qui efface les péchés et ain­si redonne la vie de la grâce.

Pendant ces trois jours de pèle­ri­nage, des prêtres mar­che­ront avec vous pour entendre vos confes­sions et vous don­ner l’ab­so­lu­tion. Ils confessent aus­si pen­dant la Messe. Approchez-​vous de ces sacre­ments, chers Pèlerins, le cœur contrit. Ne négli­gez pas ce remède sur­na­tu­rel qui gué­rit les âmes et per­met ain­si de bien com­mu­nier. Bien com­mu­nier, c’est aus­si s’ap­pro­cher de la Sainte Eucharistie avec foi et res­pect. La Sainte Hostie est certes une nour­ri­ture mais ce n’est pas une nour­ri­ture ordi­naire, c’est Jésus-​Christ, non pas en figure, non pas en sym­bole, mais en véri­té, en réa­li­té, c’est le Roi du monde en per­sonne que nous rece­vons à chaque com­mu­nion. Voilà pour­quoi nous sommes rem­plis de res­pect et d’a­do­ra­tion lorsque nous nous appro­chons de la Sainte Table et voi­là aus­si pour­quoi, nous refu­sons les pra­tiques litur­giques moder­nistes, nous refu­sons la com­mu­nion dans la main, nous refu­sons la com­mu­nion dis­tri­buée par des laïcs dans de vul­gaires cor­beilles. Nous refu­sons de res­ter tran­quille­ment debout tan­dis que le Roi des rois des­cend sur l’au­tel à la parole du prêtre au moment de la Consécration. Nous vou­lons ployer le genou devant notre Sauveur et notre Dieu. Nous vou­lons Lui mani­fes­ter par notre âme et par notre corps que nous sommes Ses humbles créa­tures recon­nais­santes. Force est de consta­ter, hélas, que la nou­velle messe a sup­pri­mé un nombre impres­sion­nant de marques de res­pect à l’é­gard de la Sainte Eucharistie. Dans quel but ? Afin de ne pas cho­quer les pro­tes­tants qui ne croient pas dans la Présence Réelle. Le nou­veau rite est donc conta­mi­né par un esprit pro­tes­tant. Il en résulte un grave dan­ger pour la foi des catho­liques. L’assistance à ce rite, petit à petit, détruit la foi dans l’Eucharistie. Beaucoup de fidèles et même de prêtres, habi­tués à la nou­velle messe avouent ne plus croire en la Présence Réelle. Par exemple, il y a quelques semaines, le Pape a nom­mé un nou­vel évêque à la tête du dio­cèse de Rodez. Or cet évêque a tenu dans le pas­sé des pro­pos scan­da­leux. Il a affir­mé que le Christ était pré­sent dans l’Eucharistie comme Il était pré­sent dans l’as­sem­blée. En d’autres termes, la Présence Réelle pour lui n’est qu’une pré­sence spi­ri­tuelle. Ce n’est pas la foi catho­lique. Il est effrayant de consta­ter qu’un prêtre qui ne croit pas en la Présence Réelle est main­te­nant évêque d’un dio­cèse de France

Chers fidèles, si nous sommes ici ce matin c’est parce que nous pré­fé­rons mou­rir plu­tôt que de perdre la foi, nous pré­fé­rons mou­rir plu­tôt que d’a­ban­don­ner une seule des véri­tés que Jésus-​Christ nous a enseignées.

Restons donc atta­chés de toute notre âme à la foi et à la litur­gie de tou­jours et si, à cause de notre fidé­li­té inébran­lable, nous sommes exclus des églises et des cathé­drales – comme main­te­nant par exemple -, alors loin de nous décou­ra­ger, nous répé­te­rons au contraire avec les apôtres que c’est pour nous un hon­neur et une joie de souf­frir pour le Nom de Jésus et nous conti­nue­rons le com­bat avec d’au­tant plus d’ardeur.

Chers pèle­rins, je vous sou­haite donc un bon pèle­ri­nage ! Que le Saint-​Esprit vous éclaire. Demain, jour de la Pentecôte, nous fête­rons la Troisième Personne de la Sainte Trinité. Que l’Esprit-​Saint illu­mine nos âmes pour mieux com­prendre la cha­ri­té du Christ qui Se donne à nous dans la Sainte Eucharistie.

Esprit-​Saint, pen­dant ces trois jours, conver­tis­sez nos âmes.

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Abbé Bernard de Lacoste, Directeur dePèlerinages de Tradition

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.