Une grande, croix installée depuis le mois d’octobre 2003 sur la façade ouest du juvénat du sacré-Coeur, rappelle à la capitale gabonaise la réalité de la Rédemption.
( Mars 2004 )
Chers Amis et Bienfaiteurs
Mai 2003 est la date de la dernière lettre envoyée pour vous, du Juvénat du Sacré-Cœur. Voici la chronique de ces derniers mois.
EXAMENS
Fin mai, les élèves au CM2 planchent sur l’examen inter-écoles de la Fraternité Saint Pie X qui met en concours les élèves des écoles primaires en France. Notre Ecole St Joseph de Calasanz a présenté le plus de candidats : 19 élèves. Le résultat final très encourageant la classe 5° sur 22, avec le 3° sur 147 élèves. Souhaitons un résultat semblable en 2004, voire meilleur, pour confirmer le niveau : ce serait une bonne publicité, ici au Gabon. Le 3 juin, les mêmes passent le Certificat d’Etudes Primaires, examen national auquel tous ont satisfait ; puis le Concours d’Entrée en Sixième par lequel 11 sur 19 accèdent aux établissements de l’Education Nationale. Ce concours obligatoire porte préjudice parce qu’il écarte les élèves et souvent les meilleurs, de notre Collège de La Merci lequel, étant privé, n’est pas dans la liste des écoles accueillant les lauréats du concours. Celles-ci sont gratuites ; ainsi, éloignent-elles des élèves que leurs parents auraient plus facilement laissés chez nous s’il n’y avait pas l’appât de la scolarité gratuite.
SACREMENTS
A la veille de la Pentecôte, 16 élèves sont baptisés. Le 22 juin, pour la Fête Dieu, 20 sont communiés. Et ce 8 février, Mgr R. Williamson confirme, à la Mission St Pie X, entre autres 17 élèves de nos écoles. Ces chiffres sont importants ; ils révèlent le travail spirituel accompli. Ces sacrements sont l’aboutissement d’une préparation qui réclame surtout la régularité de ceux qui s’y préparent. L’ambiance délétère dans laquelle vivent beaucoup, ruine les bonnes volontés. Ceux qui persévèrent, ne sont pas les plus nombreux ; leur fidélité est d’autant plus édifiante. Les portes du Juvénat sont ouvertes à toutes les bonnes volontés. Le recrutement des élèves se fait de manière assez large : nous sommes plus qu’ailleurs, en pays de mission. C’est alors une joie de voir des familles entières revenir à la Foi et la pratique, par la bonne influence des élèves : ils répètent et réclament à la maison ce qu’ils apprennent à l’école. Ainsi, le 14 février, le Père Arnold régularise le mariage des parents de deux anciens élèves : aboutissement d’un long et lent cheminement où a pris place pour les deux époux, les indispensables exercices spirituels de St Ignace. L’école est vraiment le fer de lance de l’évangélisation. Les missionnaires du XIXe siècle l’ont expérimenté avant nous. Très vite après leur arrivée au Gabon, ils travaillaient au prix de mille efforts à établir des écoles d’où, au témoignage des anciens, sont sorties les premières élites du pays. Il est certain que nous ne parviendrons pas à mieux par un autre chemin : « Seigneur, donnez des prêtres ! » disons-nous. Oui ! et ajoutons : « Seigneur, donnez des écoles et des éducateurs catholiques ! »
FIN D’ANNÉE
Samedi 14 juin, c’est la fête de fin d’année, avec la veille, la messe d’action de grâces. La fête, sa représentation théâtrale et la distribution des prix aux élèves méritants, a un bon succès comme chaque fois qu’il y a rire et bonne humeur. Aussitôt après, départ du Père Olivier Rioult pour quelques congés jusqu’au 21 juillet, tandis que le Juvénat prend le rythme des vacances.
UNE HISTOIRE VRAIE
Au Gabon, il y a bien à faire pour la reconquête de la Foi catholique. Les directeurs des écoles (40) de la circonscription scolaire de Libreville à laquelle la nôtre appartient, organisent une fête de fin d’année pour eux et pour le personnel de leurs écoles mais sans les élèves. Pour cela, l’Inspecteur d’Académie convoque une réunion à laquelle je participe. Monsieur l’Inspecteur, assez ponctuel, décide d’attendre un peu les retardataires… La réunion commence, s’enlise dans l’élaboration d’une organisation qui risque d’être tout à fait inopérante et digne d’une anthologie des lourdeurs administratives ! Commissions, sous-commissions, bureau, budget. Une heure durant, on roule et on déroule suggestions, formules, solutions, imaginations, inventions, cotisations (Ah ! le nerf de la fête !) à n’en plus finir. Je garde le silence. Pourtant je pense à prendre la parole pour lancer une idée un peu originale… du genre « messe d’action de grâce ». A vrai dire cette fête ne me dit rien qui vaille. Enfin, ils sont d’accord sur le genre de la fête : un dîner dansant ! Avec un autre directeur, voisin et ami, nous nous demandons ce que nous faisons là ! Encore moins concerné, je pense déjà à partir car dîner en dansant ou danser en dînant n’est pas chose pour moi, donc… Le temps passe.
Et Monsieur l’Inspecteur, jusque là silencieux, prend soudain la parole en me jetant des regards malicieux. Il s’embarque dans une explication aux directeurs (et directrices, dîner dansant a‑t-on dit !) : cette fête est une bonne idée, tous se retrouvent dans une ambiance conviviale etc. Il serait bon, ajoute-t-il, de profiter pour remercier Dieu pour cette année (regard pétillant vers moi !) par exemple par… une messe d’action de grâce (nouveau regard en coin, vers le seul ecclésiastique de la salle !) et on pourrait demander au Père Duverger de dire cette messe. Ah ! le finaud ! Il a trouvé le moyen d’impliquer dans cette fête, même le « curé » et en le mettant à sa place ! Silence dans la salle… effet de surprise… les agents de l’Inspection académique réagissent : ils n’osent pas contredire leur patron et acquiescent, d’abord mollement puis de plus en plus fermement dès que l’idée, ayant fait le tour, recueille un bon assentiment ; car le grand nombre est catholique sans trop savoir pourquoi ! Au fond de la salle remue-ménage… Ah ! C’est une directrice qui fréquente ou la mosquée ou une église éveillée… elle n’est pas d’accord. Pourtant la date et l’heure (il faut battre le fer quand il est chaud) est déjà arrêtée. L’Inspecteur relève l’objection du fond et fait comprendre que bien sûr, cette messe n’est pas obligatoire. Le consentement est unanime dans la salle et « d’ailleurs on est tous des catholiques, actuels ou anciens » (et vlan ! pour celle du fond, peut-être transfuge du catholicisme).
Ainsi, je n’ai presque rien eu à dire sinon d’applaudir à l’idée de l’Inspecteur, l’affaire est décidée, arrêtée et programmée : messe à la Mission St Pie X, jeudi 26 juin, à 16.00 ! Le fin mot ? La messe n’a pas eu lieu… au jour dit, la fête a été reportée, la Messe aussi ! Qu’à cela ne tienne… à la semaine prochaine devant une petite assistance, échantillon de celle du dîner dansant…! Alors à l’année prochaine, et à une autre échelle ! Voilà notre fin d’année !
LES GRANDES VACANCES
Elles préparent la rentrée. Le Frère Grégoire aide à encadrer, en brousse, le camp de la Croisade Eucharistique auquel sont inscrits 25 élèves. Le Juvénat reçoit, pour la première fois, la retraite annuelle de communauté (Mission et Juvénat) prêchée par M. l’Abbé Laurençon, venu de France tout exprès. La maison est pleine et même l’appartement des sœurs utilisé : les cinq Sœurs de la Mission y logent, avec toute l’indépendance requise, pour suivre aussi la retraite. Ce fut un temps fort de vie spirituelle, bien apprécié des 12 participants, dans ce cadre tout a fait bien adapté. Cette construction se révèle providentielle : quelle reconnaissance ne devons-nous pas aux bienfaiteurs ! […].
Avant et après la retraite, des cours de vacances sont organisés, en deux périodes de quinze jours. Le nombre des participants varie ; mais aide un peu à remettre à niveau quelques élèves et à financer les mois difficiles de la saison sèche.
Pendant ce temps, le Père Olivier et le Frère Grégoire fabriquent 50 tables de classe pour le Collège : pied en fer et plateau de contreplaqué recouvert de formica. Un grand travail en plus des autres préparatifs : fournitures et livres scolaires à couvrir, à numéroter, uniformes, intendance etc…
NOUVEAUTÉS
Fin août, le Juvénat reçoit un nouveau collaborateur : le Père Arnold Trauner. Il n’est pas si nouveau, puisqu’il vient de St Pie. Il a mission de prendre en main, partie de l’administration de l’école. A cela, s’ajoutent quelques cours et le voilà bien pourvu ! Son arrivée est bien venue !
Nous acquérons aussi une voiture d’occasion : une VWG Caddy, commerciale. Merci aux bienfaiteurs ayant prêté l’argent de cette opération pour suppléer à la vieille VWG Golf. Celle-ci est mise à disposition de Melle Mauger. Arrivée de France, le 28 août, elle vient mettre son expérience au service des écoles : chargée d’apprécier la qualité du primaire en vue de le perfectionner, elle est aussi professeur dans le secondaire : Français, Latin, Histoire-Géographie.
Début septembre, arrive un jeune bachelier gabonais : Jefferson Tsangou. Pour mûrir ses projets, il passe l’année ici : surveillant au Collège, sacristain, cérémoniaire. Ainsi nous sommes six au Juvénat : 3 prêtres, un frère, un séminariste et un laïc.
LA RENTRÉE SCOLAIRE
Le 15 septembre, voit une nouvelle classe au Collège : la troisième. A la fin des inscriptions, nous comptons 124 élèves au primaire et 80 au Collège. L’effectif du Collège Privé de La Merci a plus que doublé avec 42 nouveaux, acceptés après un examen d’entrée, avec une réussite de 50%. Donc il y a eu cette année plus de 80 nouvelles demandes d’inscription pour le Collège. Mais beaucoup de refus, car nombreux sont les élèves, échoués d’ailleurs qui tentent leur chance ici ! Cette embellie est cependant très encourageante et surprenante à tel point que nous avons été temporairement pris de court.
UNE URGENTE NÉCESSITÉ
Ce qui fait le plus défaut sont les éducateurs qualifiés. Il faut en former : tâche ardue mais indispensable pour ne pas être submergé. Ainsi depuis quelques semaines, six candidats recrutés sur dossiers se familiarisent avec la pédagogie catholique, tant théorique et pratique. A la fin de la formation, nous sélectionnerons les meilleurs tandis que les autres pourront chercher à appliquer ailleurs la pédagogie catholique : ainsi se répandra sa bonne influence.
POUR UNE FORMATION VRAIE
En juin, nous aurons un rendez-vous important : le Bepc pour la classe de 3°. C’est le premier, et beaucoup nous y attendent pour nous jauger. Nous faisons de notre mieux pour préparer les élèves. Nous restons cependant persuadés que la vraie valeur d’une école catholique se mesure non seulement à ses résultats scolaires mais surtout à la bonne formation morale et dont seul l’avenir est juge, au-delà des limites de la scolarité et des examens. C’est pourquoi notre préoccupation première et essentielle est d’enraciner cette jeunesse dans l’amour de Dieu pour lequel elle doit apprendre à donner le meilleur d’elle-même, dans la réalisation excellente de tous ses devoirs d’état.
PERSPECTIVES
Dans l’espoir d’atteindre ce but, nous devons entreprendre des extensions, car dans un avenir proche, les structures actuelles seront trop petites. Plusieurs solutions s’offrent à nous : acquérir ailleurs d’autres bâtiments ou en construire pour y installer l’école primaire. Comme vous pouvez vous en douter : « Y a pas l’argent ! ».
A la rentrée prochaine, nous devrions ouvrir le second cycle en commençant avec la classe de 2°, si toutefois nous sommes assez nombreux pour encadrer cette nouvelle étape.
Et puis est réclamée de manière toujours plus instante la fondation d’un internat. Beaucoup de parents réalisent l’immense difficulté à éduquer des enfants dans l’ambiance délétère de la ville. Un internat ! Une montagne à déplacer… J’entends Notre Seigneur : « Si vous aviez la Foi grande comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne, jette-toi dans la mer et elle s’y jetterait. » Les moyens matériels manquent, mais peut-être davantage la Foi qui obtient tout de Dieu !
Il nous reste à continuer de faire confiance à la divine Providence qui saura bien inspirer aux fidèles catholiques les générosités nécessaires à la poursuite de l’œuvre, pour autant que les ouvriers que nous sommes seront trouvés fidèles.
LE SERVICE MISSIONNAIRE
Il est une autre forme de générosité dont je veux vous entretenir en achevant cette lettre : élan de générosité à susciter au cœur de la jeunesse mais qui dépend des parents ; et il y a des jeunes parmi nos lecteurs et parmi vos enfants ! Autrefois, nombreux furent les jeunes à partir tenter l’Aventure, au grand large. Aujourd’hui, à la vue de tant de nécessités, pourquoi ne pas contribuer, pendant un ou deux ans, à la seule Aventure valable : l’Aventure Missionnaire, la Propagation de la Foi. Donner une ou deux années de sa jeunesse, en servant telle ou telle mission d’Afrique, d’Asie, ou d’Amérique du Sud est une expérience tout autant, sinon plus enrichissante que celle des années usées à l’école ou à l’université, en quête d’un diplôme lequel, si souvent, conduit sur le banc du chômage.
Chaque année, nous recevons quelque jeune européen disponible et généreux de cette manière. Pourvu qu’il ait été sérieux et sincère collaborateur, il rentre en Europe, au terme de son séjour, enthousiasmé de l’œuvre admirable qu’opère, ici, la Grâce de Dieu, et enrichi d’une expérience inépuisable pour aborder le retour avec un zèle renouvelé et courageux.
Le service militaire a été aboli ; mieux que lui et que l’école confortable, ce service missionnaire est formateur de manière excellente. On a testé pour vous !
POUR UNE NOUVELLE IMPULSION
Le Service Missionnaire a, me semble-t-il, l’avantage de donner une nouvelle impulsion à des familles entières : l’enthousiasme d’un jeune est communicatif. Quand les missionnaires rentrent en Europe, ils sont nombreux à constater que le matérialisme envahissant éprouve les catholiques même parmi les plus ardents. La persécution larvée contre tout ce qui rappelle de près ou de loin Jésus-Christ et son Eglise en vient à démoraliser même les meilleurs. Alors tourner son regard vers ces pays récemment évangélisés, vers ces chrétientés, sœurs de celles d’Europe et attaquées comme elles, mais avec en plus, le grand danger lié à leur jeunesse, n’est-il pas de nature à réveiller les énergies, à réchauffer les enthousiasmes, à susciter les vocations, à provoquer un nouveau ‘sursum corda’, prélude à de nouvelles victoires pour s’opposer à l’apostasie silencieuse de l’Europe ? Et ces jeunes chrétientés n’ont pas comme la veille Europe, tout ce passé, qui à chaque croisée des chemins par les calvaires, qui dans chaque village par les églises, qui dans tant de coutumes épargnées par la Révolution, rappellent et gardent malgré tant de ravages, les précieux vestiges de ce qui s’appelle la Civilisation Chrétienne !
RECONNAISSANCE
Il me reste à vous remercier, vous qui avez fait un don, ces derniers mois. Le surcroît de travail ne m’a pas laissé le temps de vous remercier tous et individuellement ; j’en suis désolé ; ayez la bonté de ne pas nous en tenir rigueur. Une reconnaissance toute particulière à l’égard de ceux qui ont opté pour le virement automatique mensuel. C’est un petit nombre qui déjà assure une régularité de financement, mais dont l’accroissement serait très précieux. Chaque mois de cette année, il nous manque 3800 euros pour le fonctionnement minimum de l’œuvre. C’est à la fois peu, au regard de l’enjeu et de l’importance de nos écoles à Libreville, et c’est beaucoup quand on ne compte que sur la divine Providence qui suscite votre générosité.
CONVICTION
En même temps que des nouvelles, cette lettre vous fait partager nos soucis, nos joies et nos espoirs. Notre bon moral s’enracine dans la conviction que tout ce que chacun accomplit fidèlement dans la ligne de son devoir d’état a un résultat même s’il n’est pas immédiat. Nous ne sommes que les intendants dans le champ du Divin Maître : ce qu’Il attend, c’est qu’ils soient fidèles.
ST JOSEPH ET LE CARÊME
Le mois de mars, traditionnellement dédié à St Joseph, Grand Argentier du Bon Dieu, nous laisse très bon espoir. D’autant que nous découvrons, ces derniers jours, un travail urgent de consolidation d’un mur de clôture dont les fondations sont menacées par l’érosion des pluies torrentielles, sans compter les innombrables dépenses nécessitées pour l’entretien.
Que St Joseph et le Carême vous inspirent l’aumône qui « délivre de la mort, efface les péchés, fait trouver la miséricorde et la vie éternelle » (Tob. 1,9). Pour chaque ami et bienfaiteur, les élèves prient chaque jour l’Enfant Jésus de Prague et la communauté le chapelet. Une fois par mois, la messe est dite pour les amis et bienfaiteurs vivants et défunts.
Fervent Carême et saintes Pâques, tel est le souhait que nous formulons pour vous et qui accompagne notre grande reconnaissance pour votre aide précieuse.
Père Patrick C. DUVERGER †