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Le Pape a écrit jeudi une lettre aux évêques du monde entier sur l’affaire Williamson.
C’est un pape blessé qui prend la plume pour s’expliquer sur le fond et reconnaître des « erreurs ». Benoît XVI a écrit jeudi aux quelque 5 000 évêques du monde entier pour rendre compte de sa décision de lever l’excommunication, annoncée le 24 janvier dernier, au bénéfice de quatre évêques ordonnés illicitement par Mgr Marcel Lefebvre en 1988. Dont le fameux Mgr Richard Williamson, qui continue à soutenir des thèses négationnistes.
Dans cette lettre, traduite en six langues, le Pape entend répondre aux évêques « perplexes » et aux fidèles qui « l’accusaient (…) de vouloir revenir en arrière, au temps d’avant le Concile ». Des catholiques à qui il adresse un reproche : « J’ai été peiné du fait que même des catholiques, qui au fond auraient pu mieux savoir ce qu’il en était, aient pensé devoir m’offenser avec une hostilité prête à se manifester. » Et de féliciter aussitôt ses « amis juifs » : « C’est justement pour cela que je remercie d’autant plus les amis juifs qui ont aidé à dissiper rapidement le malentendu et à rétablir l’atmosphère d’amitié et de confiance, qui – comme du temps du pape Jean-Paul II -, comme aussi durant toute la période de mon pontificat a existé et, grâce à Dieu, continue à exister. »
Avant d’expliquer sa décision, le Pape reformule la problématique de toute l’affaire : « Le fait que le cas Williamson se soit superposé à la levée de l’excommunication a été pour moi un incident fâcheux imprévisible. Le geste discret de miséricorde envers quatre évêques, ordonnés validement mais non légitimement, est apparu tout à coup comme totalement différent : comme le démenti de la réconciliation entre chrétiens et juifs, et donc comme la révocation de ce que le Concile avait clarifié en cette matière pour le cheminement de l’Église. Une invitation à la réconciliation avec un groupe ecclésial impliqué dans un processus de séparation se transforma ainsi en son contraire : un apparent retour en arrière par rapport à tous les pas de réconciliation entre chrétiens et juifs faits à partir du Concile, des pas, dont le partage et la promotion avaient été dès le début un objectif de mon travail théologique personnel. »
Niveau « disciplinaire » et volet « doctrinal »
Il reconnaît ensuite deux erreurs. Le manque d’information sur Mgr Williamson dont il apparaît que le Pape ne connaissait pas le dossier : « Il m’a été dit que suivre avec attention les informations auxquelles on peut accéder par Internet aurait permis d’avoir rapidement connaissance du problème. J’en tire la leçon qu’à l’avenir au Saint-Siège nous devrons prêter davantage attention à cette source d’informations. » Et note aussitôt « une autre erreur » : « la portée et les limites de la mesure (…) n’ont pas été commentées de façon suffisamment claire au moment de sa publication ».
Il faut donc tout réexpliquer et le Pape se lance. Il distingue « le niveau disciplinaire » de la levée des excommunications, de son volet « doctrinal ». Avec cetteconclusion sans ambiguïté : « Tant que les questions concernant la doctrine ne sont pas éclaircies, la Fraternité n’a aucun statut canonique dans l’Église, et ses ministres – même s’ils sont libérés de la punition ecclésiastique -, n’exercent de façon légitime aucun ministère dans l’Église. » Jeudi, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a salué cette lettre et s’est engagée à entrer dans un dialogue sur le fond. D’où, aussi, cette annonce de réforme de structure au sein du Vatican : le rattachement de la commission Ecclesia Dei (en charge du dialogue avec les intégristes) à la congrégation pour la doctrine de la foi car, précise le Pape, « les problèmes qui doivent être traités à présent sont de nature essentiellement doctrinale et regardent surtout l’acception du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des papes ».
Après ces aspects techniques, Benoît XVI aborde l’esprit de sa décision. Il commence par une mise au point sur le schisme lefevbriste : « On ne peut geler l’autorité magistérielle de l’Église à l’année 1962 ; ceci doit être bien clair pour la Fraternité. » Mais, précise-t-il, « les grands défenseurs du Concile » doivent « accepter la foi professée au cours des siècles et ne peuvent couper les racines dont l’arbre vit ». Autre cadrage, l’opportunité de sa décision qui fut mise en doute. Il répond par deux arguments : dans un monde où « le vrai problème » est de voir « Dieu disparaître de l’horizon des hommes », la « priorité suprême et fondamentale » est de « conduire les hommes vers Dieu ». Dans cette voie la « crédibilité » des croyants est une carte maîtresse. Elle repose sur leur « unité », au sein de l’Église catholique – « l’œcuménisme est inclus dans la priorité suprême » ; et par « le dialogue interreligieux ».
Second argument qui n’avait jusque-là jamais été abordé, l’enjeu de cette réintégration. Il est « de prévenir les radicalisations ». Responsabilité que l’Église partage avec « la société civile ». Benoît XVI appelle donc « à sortir des étroitesses » pour assumer « l’envergure » de l’Église. Et pose une question : « Le fait de s’engager à réduire les durcissements et les rétrécissements (…) peut-il être totalement erroné ?»
Jean-Marie Guénois in Le Figaro