Le séminaire saint Pie X à édité une étude sous forme de brochure pour y voir clair devant la scandaleuse « canonisation » du pape Jean-Paul II.
Témoignages
J’ai eu la chance de rencontrer souvent Jean-Paul II. Dès son élection, il m’a tout de suite impressionné : il avait l’air de venir non pas de Pologne mais de Galilée, avec un filet sur l’épaule et l’Évangile sous le bras… Les papes sont toujours impressionnants par leur fonction. Chez lui, c’est l’homme qui suscite l’admiration et le respect. Entre ce qu’il est, ce qu’il dit et ce qu’il croit, il n’y a aucune différence.
André Frossard, de l’Académie Française, Témoignage donné au Pèlerin-Magazine, numéro hors-série : Jean-Paul II, album 1978–1988, p. 10.
A Paris, il rappelait la fidélité au baptême. A la mission ouvrière de Saint-Denis, il disait : “ Continuez en mettant Jésus-Christ au centre de votre témoignage ”. Il reprenait la parole de Paul VI : “ Il n’y a pas d’humanité nouvelle s’il n’y a pas d’abord d’hommes nouveaux de la nouveauté du baptême et de la vie selon l’Évangile ”. Le 2 juin 1980, à Lisieux, en quittant la France, Jean-Paul II s’écriait : “ Les temps que nous vivons ont besoin de témoins ”. Jean-Paul II est missionnaire, il parcourt le monde entier avec risques et périls. Il appelle à l’unité, à la charité, à la communion.
Mgr Marty, archevêque de Paris, ibidem, p. 12.
On sent qu’il croit à ce qu’il fait comme il respire. Je ressens sa foi comme une sorte de sainteté.
Édouard Leclerc, fondateur des Établissements Leclerc, ibidem, p. 11.
Que dire de plus ? Tous les témoignages semblent bel et bien unanimes. A peine après dix ans de pontificat, Jean-Paul II avait conquis les catholiques. Si elle a lieu comme prévu, sa canonisation consacrera ces témoignages en donnant à toute l’Église l’exemple d’une personnalité absolument charismatique.
Vu l’importance de cette démarche, il vaut bien la peine de se pencher avec plus d’attention sur le dossier. Que représente exactement l’initiative de l’Église lorsqu’elle canonise les saints ? En quoi la vie de Jean-Paul II mériterait-elle de s’inscrire dans cette démarche ? La réponse à ces questions devrait aider les âmes de bonne volonté à faire la pleine lumière sur le sens et la portée de l’acte annoncé par le pape François pour le dimanche 27 avril 2014.
La canonisation des saints
La canonisation des saints tire son nom du fait qu’elle consiste à inscrire un bienheureux au Canon, c’est-à-dire au catalogue des saints. Elle se définit comme une sentence définitive du Souverain Pontife moyennant laquelle un fidèle béatifié est proposé à toute l’Église pour qu’elle le regarde obligatoirement comme vraiment saint, jouissant du bonheur du ciel et devant faire ici-bas l’objet d’un culte. Elle comporte donc un double jugement. • Un jugement spéculatif, où l’on affirme que le fidèle béatifié est saint et parvenu au ciel. • Un jugement pratique et préceptif, où l’on décide que ce fidèle béatifié doit faire ici-bas l’objet d’un culte. Et l’on précise que tous les fidèles sont tenus de croire, sans le moindre doute, que la personne canonisée est sainte et parvenue au ciel, et de la considérer comme ayant droit à un culte public.
Infaillibilité des canonisations
Portée de l’infaillibilité
Le véritable objet formel de l’infaillibilité dont jouit le pape lorsqu’il canonise un saint correspond à tout ce qu’il définit et seulement à cela, c’est-à-dire au triple fait :
- que la personne historique qui est inscrite au catalogue des saints est vraiment sainte ;
- qu’elle a obtenu le bonheur céleste ;
- qu’elle mérite ou réclame un culte.
Preuves de cette infaillibilité
Premier argument : l’Église est infaillible pour dire jusqu’où s’étend sa propre infaillibilité. Or, l’Église s’attribue l’infaillibilité lorsqu’elle canonise les saints. Bien sûr, cette infaillibilité des canonisations n’a pas encore fait l’objet d’une définition elle-même infaillible, et, en particulier, le concile Vatican I n’a pas jugé opportun de se prononcer catégoriquement en sa faveur. Cependant, l’infaillibilité des canonisations représente la doctrine commune des théologiens, et elle est présupposée par la discipline ecclésiastique. D’autre part, l’Église s’attribue l’infaillibilité chaque fois qu’elle propose de façon péremptoire et irrévocable ce qu’elle oblige tous les fidèles à tenir, et seulement dans ces cas-là. Or, l’Église propose de façon péremptoire et irrévocable la canonisation des saints, et elle oblige tous les fidèles à la reconnaître comme telle. On peut s’en rendre compte si l’on observe les expressions dont elle use lorsqu’elle accomplit cet acte ou cet exercice solennel de son magistère. Par exemple, celle utilisée par Pie XII : « Pour l’honneur de la sainte et indivise Trinité, pour l’exaltation de la foi catholique et l’accroissement de la religion chrétienne, par l’autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, [ … ] nous décidons et définissons que les bienheureux Jean de Brito martyr, Joseph Cafasso et Bernardin Réalin confesseurs, sont saints, et nous les inscrivons au catalogue des saints. Nous établissons que leur mémoire doit faire l’objet d’un culte de la part de toute l’Église » [1] Deux choses apparaissent clairement dans cette formule :
- Premièrement, la définition du pape revêt un caractère péremptoire.
- Deuxièmement, son objet n’est pas seulement un portrait idéal ou un type de sainteté ; il s’agit au contraire de la sainteté de la gloire céleste et du culte qui reviennent à un personnage historique.
Deuxième argument : l’infaillibilité de l’Église s’étend aussi loin que le réclame la fin pour laquelle le Christ a établi le magistère de cette même Église. Or, cette fin en raison de laquelle le Christ a établi le magistère et a voulu qu’il soit revêtu du privilège de l’infaillibilité consiste à instruire convenablement les fidèles de la doctrine, et à diriger leur vie de manière sûre, en conformité avec la loi de l’Évangile. Et pour diriger ses fidèles dans la voie de la justice et du salut, l’Église procède de deux manières :
- Premièrement, elle leur propose les règles objectives de la vie chrétienne révélées par Dieu ;
- Deuxièmement elle leur met sous les yeux des exemples vivants et concrets, où la règle de vie évangélique est mise en pratique, et qui représentent ainsi pour eux le modèle exceptionnel en même temps que le miroir et l’appui dont ils ont besoin. C’est pourquoi, le secours divin promis par le Christ s’étend aussi bien à ces actes par lesquels le magistère propose aux fidèles les exemples héroïques de vie chrétienne qu’ils doivent imiter et invoquer, qu’à ceux par lesquels le même magistère leur prêche les règles ordinaires de la sainteté.
Troisième argument : si le Souverain Pontife peut se tromper dans l’acte solennel de la canonisation d’un saint, il faut admettre qu’il peut imposer à toute l’Église un culte objectivement contraire à l’honnêteté. Mais cela est bien difficile à concevoir, et semblera à juste titre trop inconvenant. Le successeur de Pierre demeurerait-il alors le fondement de la foi évangélique ? et confirmerait-il vraiment ses frères chrétiens dans cette foi ?
Comment l’Église sait-elle qu’un saint est au ciel ? Elle en a la certitude non point par le moyen d’une nouvelle révélation, mais par l’assistance de Dieu qui dirige son Église lorsqu’elle examine la vie de ce saint, ainsi que ses vertus héroïques et les miracles obtenus en son nom.
La sainteté canonisable
Ainsi que nous venons de le voir, la canonisation se définit par son objet. Celui-ci correspond au triple fait :
- que la personne historique qui est inscrite au catalogue des saints est vraiment sainte,
- qu’elle a obtenu la gloire céleste ;
- qu’elle réclame un culte de la part de toute l’Église.
Le premier fait (la sainteté) est la cause des deux autres, et le deuxième cause lui aussi le troisième, lequel reste une simple conséquence des deux premiers. La sainteté et la gloire céleste forment ainsi la raison fondamentale pour laquelle l’Église impose le culte. Et celui-ci équivaut à reconnaître que la vie du saint constitue un exemple assuré pour tous les fidèles, désireux d’accomplir leur salut en persévérant jusqu’au bonheur éternel du ciel. Un fidèle défunt sera donc canonisable dans la mesure précise où sa vie aura été sainte et exemplaire, et précisément exemplaire parce que sainte à un degré éminent.
La sainteté se définit en effet, comme l’exercice habituel de toutes les vertus, poussé jusqu’au degré héroïque : « Ce que l’Église exige de ceux auxquels elle réserve les honneurs de la canonisation, ce n’est pas seulement la possession d’une vertu, mais de toutes sans exception. En eux doivent resplendir d’abord les vertus théologales, qui ont Dieu pour objet immédiat. Et ensuite toutes les autres vertus, intellectuelles et morales. Ces vertus, ils auront dû les pratiquer non d’une manière quelconque mais jusqu’à l’héroïsme » [2]. Benoît XIV [3] définit cette héroïcité de la vertu en disant qu’elle est au principe d’actes qui dépassent de loin la manière ordinaire d’agir des hommes vertueux, et même des chrétiens en état de grâce. Cette éminence doit elle-même s’expliquer en raison de l’excellence de l’œuvre accomplie ou des circonstances qui en rendent l’accomplissement particulièrement difficile. L’héroïcité de la vertu est absolument nécessaire, car c’est grâce à elle que la vie du canonisé prend la valeur d’un exemple pour toute l’Église.
Avant d’être déclarée à la face de toute l’Église, cette sainteté exemplaire de vie est vérifiée avec le plus grand soin : « La vie du serviteur de Dieu est passée au crible de la plus impitoyable critique ; et il faut que, non seulement on n’y trouve rien de répréhensible, mais que l’héroïsme s’y rencontre à chaque pas » [4]. Non seulement la moindre équivoque, mais même une simple incertitude suffit à empêcher le procès d’aboutir.
De plus, il est exigé que Dieu se fasse le témoin direct et privilégié de cet héroïsme, par le moyen de ses miracles : deux suffisent pour une canonisation formelle, c’est-à-dire telle qu’issue d’un procès. Lorsque l’on a affaire à une canonisation équipollente, c’est-à-dire lorsque le pape se contente de ratifier un culte déjà immémorial, les miracles restent requis, et il en faut trois [5].
Jean-Paul II est-il canonisable ?
La question se pose alors de savoir si Jean-Paul II remplit ces conditions. Ce n’est pas le lieu de refaire ici son procès de canonisation ; nous nous contenterons d’examiner si, dans ses actes publics, il a pratiqué la vertu essentielle des successeurs de Pierre, la foi.
1 – Jean-Paul II et l’ordre surnaturel
L’Église catholique a toujours enseigné la distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel. L’union surnaturelle à Dieu dépasse les capacités de la nature et réclame l’intervention de la grâce, donnée par Jésus-Christ, Verbe Incarné et Rédempteur des hommes. C’est pourquoi, la bulle Ex omnibus afflictionibus du pape saint Pie V (1567) condamne la proposition selon laquelle « le fait qu’après avoir persévéré dans cette vie mortelle, jusqu’à la fin de la vie, dans la piété et la justice, nous obtenions la vie éternelle, ce n’est pas à proprement parler à la grâce de Dieu, mais à l’ordination naturelle établie dès le commencement de la création selon un juste jugement de Dieu qu’il faut l’attribuer » [6]. De plus, tout homme vient au monde avec la blessure du péché originel, qui met obstacle à cette union surnaturelle, et qui ne peut être guérie que par l’action surnaturelle de la grâce ; c’est pourquoi le canon 13 du concile d’Orange (529) ajoute que « le libre arbitre, blessé dans le premier homme ne peut être rétabli que par la grâce du baptême » [7].
Mais Jean-Paul II, au contraire, déclare qu”« en tout enfant qui naît et en tout homme qui vit ou qui meurt, nous reconnaissons l’image de la gloire de Dieu ; nous célébrons cette gloire en tout homme, signe du Dieu vivant, icône de Jésus-Christ » [8]. S’il est vrai que tout homme est créé « à l’image de Dieu », seul le Fils unique du Père est l’image de la gloire de Dieu [9]. Et d’autre part, seul le chrétien, baptisé et en état de grâce, mérite d’être désigné comme « l’icône de Jésus-Christ ». Cette affirmation du pape conduit donc à confondre le créé et l’incréé, la nature et la grâce.
L’auteur de la sainteté est le Christ, Verbe Incarné, source de toute grâce. Mais le pape Jean-Paul II, irénique, a déclaré que le Christ est « la réalisation de l’aspiration de toutes les religions du monde », et que, « par cela même, il en est l’aboutissement unique et définitif » [10]. Il a malheureusement souligné « l’action multiple et diversifiée de l’Esprit-Saint, qui sème constamment des semences de vérité parmi tous les peuples, ainsi que dans leurs religions », et vu dans l’Esprit de Dieu « le premier agent du dialogue de l’Église avec les peuples, les cultures et les religions » [11]. Cependant, seule la vraie religion révélée, la religion catholique, dispense la vie de la grâce et unit les âmes au Verbe Incarné. Les autres religions ne le peuvent pas, même si elles gardent une certaine part de vérité et de bonté naturelles. Entre la nature et la grâce, il y a beaucoup plus que la simple différence de degré que suggère l’emploi du mot « semences » ; l’on ne peut donc pas dire que le Christ est l’aboutissement de toutes les religions, ni qu’il porte à leur maturité les éléments naturels qui y sont présents. Si l’Église se montre patiente à l’égard des âmes ignorantes ou égarées, elle ne saurait nourrir quelque respect que ce soit vis-à-vis des religions fausses.
Mais la conclusion logique de cette confusion entre la nature et la grâce, sous-jacente aux propos cités, est qu’aux yeux de Jean-Paul II [12], les communautés chrétiennes, même non catholiques, « ont toutes des martyrs de la foi chrétienne ». Ce qui lui fait dire que « selon un point de vue théocentrique, nous avons déjà, nous chrétiens, un Martyrologe commun ». Catastrophique ! La sainteté n’est plus le partage exclusif de la religion catholique, car « malgré les séparations, qui sont un mal dont nous devons guérir, une sorte de communication de la richesse de la grâce s’est tout de même réalisée ». Il est faux d’affirmer que les saints « proviennent de toutes les Églises et Communautés ecclésiales qui leur ont ouvert l’entrée dans la communion du salut ». Cette présence universelle des saints donnerait la preuve de « la transcendance de la puissance de l’Esprit » !
Ce propos est une occasion de ruine spirituelle (c’est-à-dire un scandale, au sens théologique du terme), en ce qu’il implique que la grâce est donnée indifféremment en toute confession religieuse.
Tous les saints canonisés ont tenu avec la plus scrupuleuse fidélité l’enseignement révélé par Dieu et proposé par l’Église en ce qui concerne la réalité et la définition exacte de l’ordre surnaturel. Pensons en particulier aux écrits de saint Augustin : « Un homme ne peut se sauver si ce n’est dans l’Église catholique. En dehors de l’Église catholique, il peut tout avoir, sauf le salut. Il peut avoir l’honneur (être évêque), il peut avoir les sacrements, il peut chanter l’Alleluia, il peut répondre Amen, il peut tenir l’Évangile, il peut avoir et prêcher la foi au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, mais jamais il ne peut trouver le salut si ce n’est dans l’Église catholique. […] Il peut même répandre son sang, mais pas recevoir la couronne » [13]. Peut-on sérieusement penser à élever sur les autels un pape qui s’exprime sur ces graves questions comme l’a fait Jean-Paul II ?
2 – Jean-Paul II et l’Église
Le magistère de l’Église a toujours enseigné qu’il existe « une seule Église, non celle des hérétiques, mais la sainte Église romaine, catholique, apostolique, en dehors de laquelle nous croyons que personne n’est sauvé » [14], et que cette « unique sainte Église catholique et en même temps apostolique représente l’unique corps mystique, dont le Christ est la tête » [15]. Dans Mystici corporis, le pape Pie XII déclare que l’Église du Christ, qui est son Corps mystique ici-bas, est identique à l’Église catholique romaine [16]. Et dans Humani generis, le même Pie XII réaffirme l’enseignement de Mystici corporis, en dénonçant les erreurs de la nouvelle théologie : « Certains estiment qu’ils ne sont pas liés par la doctrine que Nous avons exposée il y a peu d’années dans notre lettre Encyclique, et qui est fondée sur les sources de la révélation, selon laquelle le Corps mystique et l’Église catholique romaine sont une seule et même chose » [17].
Le magistère de l’Église enseigne encore que seule l’Église catholique romaine est l’organe dont Dieu veut se servir pour communiquer aux hommes la connaissance des vérités révélées et les grâces de rédemption et de salut, à l’exclusion des sectes schismatiques ou hérétiques et des religions fausses. Pie XII dit en effet dans l’encyclique Mystici corporis, que seule l’Église catholique réalise la médiation sociale voulue par le Christ, pour assurer la prédication des vérités de foi et l’administration des sacrements. Tels que dans l’hérésie ou le schisme, les sacrements, les vérités partielles de foi et l’Écriture sont dans un état de déficience en raison duquel la secte qui les utilise ne peut réaliser, aussi imparfaitement que ce soit, la médiation ecclésiale ni contribuer en quoi que ce soit au salut. On doit en dire autant des manières de penser, de vivre et d’agir, naturellement bonnes, telles qu’elles sont dans les religions non chrétiennes. Même s’il précise que, par exception, le salut peut s’accomplir en dehors des limites visibles de l’Église catholique, Pie XII ajoute que ces grâces extraordinaires sont départies de manière strictement individuelle, et non pas par la médiation des communautés chrétiennes non catholiques. Les âmes de bonne volonté auxquelles la miséricorde divine accorde ces bienfaits restent dans un état où « nul ne peut être sûr de son salut éternel [ … ] puisque l’on est privé de si nombreux et si grands secours et faveurs célestes, dont on ne peut jouir que dans l’Église catholique ».
Le magistère de l’Église enseigne enfin que cette unique Église du Christ, identique à l’Église catholique romaine, est absolument et définitivement une, sans que les hommes ne puissent rien pour entamer ou perfectionner cette unité de l’Église. Cette unité résulte en effet de la toute-puissance divine, qui a établi l’Église comme une société, dont la cohérence repose sur le triple lien de la profession de la même foi catholique, de l’exercice d’un même culte et de l’administration des mêmes sacrements, dans la dépendance d’une même autorité, « cette autorité, dit Léon XIII, faisant partie de la constitution et de l’organisation de l’Église comme son élément principal, puisqu’elle est le principe de l’unité » [18].
S’adressant à des luthériens, Jean-Paul II reprend à son compte les enseignements d’une nouvelle ecclésiologie, manifestement opposée à celle de toute la Tradition de l’Église : « C’est pourquoi, je puis avec gratitude devant le Seigneur, vous adresser les mêmes paroles que le concile Vatican II a dites au sujet des nombreuses Églises et Communautés ecclésiales qui ne sont pas en complète communion avec l’Église de Rome. Malgré les différences qui subsistent entre elles et l’Église catholique en matière de doctrine et de discipline, et que nous regardons comme des obstacles pour une pleine communion, le Concile déclare expressément que “ ces Églises et Communautés ecclésiales ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique ” [19] » [20].
Dépassant la lettre mais non l’esprit de ces enseignements, Jean-Paul II considère comme l’un des actes majeurs de son pontificat l’ouverture de la Porte Sainte à Saint-Paul-hors-les-Murs, le 18 janvier 2000. « Pour pousser cette Porte, souligne-t-il, il y avait non seulement mes mains mais aussi celles du métropolite Athanasios, représentant du Patriarcat œcuménique de Constantinople, et celles du Primat anglican George Carey. En nos personnes, c’était toute la chrétienté qui était représentée, affligée à cause des divisions historiques qui la blessent, mais, dans le même temps, à l’écoute de l’Esprit de Dieu qui la pousse vers la pleine communion » [21]. Comment est-il possible de dire que les communautés schismatiques ou hérétiques représentent la chrétienté ? Comment sans éviter un grave scandale associer les responsables de ces communautés à un acte cultuel exemplaire ?
Jean-Paul II considère également comme un autre acte majeur de son pontificat la réunion de prière tenue à Assise en 1986. Réitérant cette initiative en 1993, le pape polonais déclare encore : « Nous voici réunis pour adresser nos prières au Seigneur de l’histoire, chacun à sa manière et dans sa tradition religieuse, en implorant de sa part le don précieux de la paix dont il est le seul auteur véritable. […] Chacun de nous est venu ici, poussé par la fidélité à sa tradition religieuse, tout en étant conscient et respectueux de la tradition d’autrui, puisque nous sommes réunis dans le même but : prier et jeûner pour la paix. La paix règne entre nous. Chacun accepte l’autre tel qu’il est ; il le respecte comme un frère et une sœur, dans la même humanité et avec ses convictions personnelles. Les différences qui nous séparent subsistent. Tel est le point essentiel et le sens de cette rencontre et des prières qui viendront ensuite : faire voir à tous que seule l’acceptation réciproque de l’autre dans un respect mutuel, rendu plus profond par l’amour, constitue le secret d’une humanité finalement réconciliée, d’une Europe digne de sa vocation véritable. Aux guerres et aux conflits, nous voulons opposer avec humilité, mais aussi avec force, le spectacle de notre concorde, dans le respect de l’identité de chacun. Qu’il me soit permis à ce sujet, de citer le premier verset du Psaume 132 : “ Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble ! ” » [22].
Si les différences religieuses, dogmatiques et disciplinaires, n’empêchent pas la prière commune et la réconciliation de l’humanité, celles-ci ne sauraient avoir lieu que sur un plan où l’unique vraie religion catholique sera considérée comme une option respectable parmi d’autres. Eh bien ! c’est le propre de l’indifférentisme dénoncé par Pie XI, lorsqu’il évoque ceux qui nourrissent l’espoir « qu’il serait possible d’amener sans difficulté les peuples, malgré leurs divergences religieuses, à une entente fraternelle sur la profession de certaines doctrines considérées comme un fondement commun de vie spirituelle. C’est pourquoi, ils se mettent à tenir des congrès, des réunions, des conférences, fréquentés par un nombre appréciable d’auditeurs, et, à leurs discussions, ils invitent tous les hommes indistinctement, les infidèles de tout genre comme les fidèles du Christ, et même ceux qui, par malheur, se sont séparés du Christ ou qui, avec âpreté et obstination, nient la divinité de sa nature et de sa mission. De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. La conclusion est claire : se solidariser avec les partisans et les propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée » [23].
La charité dont les saints nous ont laissé l’exemple est essentiellement missionnaire. Jean-Paul II nous donne le contre-exemple, d’un humanitarisme et d’un indifférentisme œcuménistes.
3 – Jean-Paul II et le schisme orthodoxe
Le schisme orthodoxe est consommé le 16 juin 1054, lorsque les légats du pape saint Léon IX excommunient le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire. Sous le pape Pie IX, la Lettre que le Saint-Office adresse aux évêques d’Angleterre le 16 septembre 1864 condamne l’erreur qui voudrait faire de la communauté gréco-schismatique une composante de la véritable Église de Jésus-Christ [24]. Depuis le XIe siècle, les différents représentants de la mouvance schismatique dite orthodoxe, grecs ou russes, ne sont jamais revenus sur leurs positions. Refusant de reconnaître le primat de juridiction de l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre, vicaire du Christ et chef suprême de toute l’Église, ils sont séparés de la vraie Église fondée par Jésus-Christ, incapables de transmettre l’intégrité de la vérité révélée et la sainteté.
Jean-Paul II a, en sens contraire, signifié [25] au patriarche schismatique de Constantinople sa volonté de « reléguer dans l’oubli les anciennes excommunications et de se mettre en route sur le chemin de la recomposition de l’unité plénière ». Selon lui, l’Église catholique et les communautés orthodoxes « se reconnaissent comme Églises sœurs, responsables ensemble de la sauvegarde de l’unique Église de Dieu, dans la fidélité au dessein divin, et tout spécialement en ce qui concerne l’unité ».
De quelle unité peut-il s’agir, puisque l’Église est indéfectiblement une ? L’unité de l’Église n’a pas à être recomposée ; ce sont les schismatiques qui doivent la réintégrer. L’unité de l’Église est identiquement celle de l’Église de Dieu et celle de l’Église catholique, dont les schismatiques orthodoxes sont exclus. Seul le vicaire du Christ a la responsabilité suprême de ce triple lien de l’unité de foi, de culte et de gouvernement, qui définit la société ecclésiastique. Parler comme le fait ici Jean-Paul II, c’est frayer la voie à un latitudinarisme déjà condamné par ses prédécesseurs. Pie XI rejette en effet l’audace de ceux selon lesquels il faudrait « négliger et écarter les controverses même les plus anciennes et les divergences de doctrine qui déchirent encore aujourd’hui le nom chrétien, et, au moyen des autres vérités doctrinales, constituer et proposer une certaine règle de foi commune : dans la profession de cette foi, tous sentiront qu’ils sont frères plus qu’ils ne le sauront ; seulement, une fois réunies en une fédération universelle, les multiples églises ou communautés pourront s’opposer avec force et succès aux progrès de l’impiété » [26]. Coopérer à une telle entreprise, ce serait, dit encore Pie XI « accorder une autorité à une fausse religion chrétienne, entièrement étrangère à l’unique Église du Christ » [27].
Saint Josaphat Kuncewicz, archevêque de Polotsk (1580–1623), converti de l’orthodoxie, publia en 1617 une Défense de l’unité de l’Église qui excita la haine des schismatiques et lui valut d’être martyrisé. Ce saint, fêté dans l’Église catholique au 14 novembre, condamne à lui seul par son exemple toute la prédication de Jean-Paul II.
4 – Jean-Paul II et l’Anglicanisme
L’anglicanisme résulte à l’origine du schisme fomenté par le roi d’Angleterre Henri VIII Tudor, que le pape Paul III excommunie en 1538. Ce schisme s’aggrave d’hérésie lorsque l’entourage du successeur d’Henri VIII, Edouard VI, est acquis aux idées luthériennes. En raison de ce passage à l’hérésie, le pape saint Pie V excommunie Elisabeth Ire en 1570. Sous le pape Pie IX, la Lettre que le Saint-Office adresse aux évêques d’Angleterre le 16 septembre 1864 condamne l’erreur qui voudrait faire de l’hérésie anglicane une composante de la véritable Église de Jésus-Christ [28]. Par la Lettre apostolique Apostolicæ curæ du 13 septembre 1896, le pape Léon XIII déclare l’invalidité des ordinations conférées selon le rite anglican. Depuis le XVIe siècle, les anglicans ne sont jamais revenus sur leurs positions. Ils sont séparés de la vraie Église fondée par Jésus-Christ, incapables de transmettre l’intégrité de la vérité révélée et la vie de la grâce.
Jean-Paul II n’a pourtant pas hésité à célébrer des vêpres, à Rome, de concert avec le chef de la communion anglicane. Il déclara à cette occasion que « cette prière œcuménique révèle la réalité de notre fraternité dans le Christ, et nous pousse à confier à son amour miséricordieux l’avenir de notre unité et le renforcement des liens qui nous unissent déjà (Cf. Ut unum sint, n° 26). […] Nous sommes réunis dans une prière commune devant notre unique Père, en étant reconnaissants et en rendant grâces pour notre réelle communion, même si elle est imparfaite. Nous devenons conscients de tout ce qui nous unit et nous acquérons le courage de travailler avec toujours plus d’ardeur pour surmonter les divisions qui demeurent (cf. Ut unum sint, n° 22) » [29]. Dans une déclaration commune qu’ils cosignèrent ensuite, le pape et le chef des anglicans rendent grâce à Dieu « pour le fait que, dans de nombreux endroits du monde, les anglicans et les catholiques se reconnaissent mutuellement comme des frères et des sœurs dans le Christ et expriment cette reconnaissance par la prière commune, l’action commune et le témoignage commun » [30].
L’idée de ce chemin œcuménique a déjà été condamnée par les prédécesseurs de Jean-Paul II. « Comment, dit Pie XI, concevoir la légitimité d’une sorte de pacte chrétien, dont les adhérents, même dans les questions de foi, garderaient chacun leur manière particulière de penser et de juger, alors même qu’elle serait en contradiction avec celles des autres ? Et par quelle formule, Nous le demandons, pourraient-ils constituer une seule et même société de fidèles, des hommes qui divergent en opinions contradictoires ? […] En vérité, nous ne savons pas comment, à travers une si grande divergence d’opinions, la voie vers l’unité de l’Église pourrait être ouvert quand cette unité ne peut naître que d’un magistère unique, d’une règle unique de foi et d’une même croyance des chrétiens. En revanche, nous savons très bien que, par-là, une étape est facilement franchie vers la négligence de la religion ou indifférentisme, et vers ce qu’on nomme le modernisme » [31].
A partir de 1535, plusieurs centaines de catholiques anglais, clercs et laïcs, dont beaucoup ont été ensuite béatifiés ou déclarés vénérables, furent martyrisés dans le faubourg de Tyburn, à Londres, où se dressait en permanence la potence d’exécution des condamnés à mort. Sous le seul règne d’Elisabeth Ire, eurent lieu 189 exécutions (62 laïcs, 111 prêtres séculiers et 16 religieux). Leur sang condamne à lui seul la nouvelle théologie œcuméniste de Jean-Paul II. Parmi eux, le jésuite Edmund Campion (1540–1581) déclara au ministre anglican venu l’assister : « Monsieur, vous et moi ne sommes pas de la même religion ». Il lui enjoint de le laisser prier seul [32].
5 – Jean-Paul II et le Protestantisme
Par la bulle Exsurge Domine du 15 juin 1520, le pape Léon X a condamné en ces termes quarante-et-une propositions qui résument la théologie de Martin Luther : « Tous et chacun des articles ou des erreurs précités, nous les condamnons, les réprouvons et les rejetons totalement, selon le cas, comme hérétiques, ou scandaleux, ou faux, ou comme offensant les oreilles pies ou comme induisant en erreur les esprits simples et comme opposés à la vérité catholique » [33]. Par la constitution Auctorem fidei du 28 août 1794, le pape Pie VI réitère encore la condamnation portée par son prédécesseur, sur nombre de points essentiels [34]. Depuis le XVIe siècle, les réformés luthériens ne sont jamais revenus sur ces positions de leur fondateur. Martin Luther a été excommunié, et les communautés religieuses qui se réclament de lui sont comme telles séparées de la vraie Église fondée par Jésus-Christ : elles sont comme autant de rameaux morts et desséchés, incapables de transmettre l’intégrité de la vérité révélée et la vie de la grâce.
Jean-Paul II estimait, et bien au contraire, que « le dialogue entre luthériens et catholiques a apporté, lui aussi, une contribution importante au dépassement des anciennes polémiques et au rapprochement vers une vision commune » [35]. Il a même tenu les propos suivants : « L’année jubilaire, en tant qu’événement spirituel, offre aux catholiques et aux luthériens des possibilités dont ils peuvent tirer ensemble le meilleur parti. Un avant-goût nous en a été donné par les Vêpres œcuméniques que nous venons de célébrer à l’occasion de la proclamation de sainte Brigitte de Suède comme co-patronne de l’Europe. En offrant à Dieu à cette occasion notre action de grâces par nos hymnes et nos chants, j’ai senti l’espace spirituel dans lequel les chrétiens sont ensemble devant leur Seigneur (cf. Ut unum sint, 83). L’espace spirituel commun l’emporte sur bien des barrières confessionnelles qui nous séparent encore les uns des autres au seuil de ce troisième millénaire. Si malgré les divisions nous arrivons à nous présenter toujours davantage ensemble devant le Christ dans la prière, nous réaliserons de plus en plus combien est minime ce qui nous divise en comparaison de ce qui nous unit (cf. Ut unum sint, 22) » [36].
Dans l’esprit du pape polonais, ce constat s’étend même jusqu’à la personne de Luther : « Notre engagement œcuménique d’aujourd’hui pour un témoignage commun en faveur de l’unité ne peut pas ne pas évoquer Martin Luther. Aujourd’hui, 450 ans après sa mort, le temps qui s’est écoulé permet de mieux comprendre la personne et l’œuvre du réformateur allemand et d’être plus équitable à son égard » [37].
Jean-Paul II est même allé jusqu’à évoquer « le profond esprit religieux de Luther, animé d’une passion brûlante pour la question du salut éternel » [38]. Il en conclut que « le souhait d’entendre nouvellement l’Évangile et d’en témoigner de façon convaincante, qui était vivant chez Luther aussi, doit nous conduire à rechercher le bien chez les autres, à accorder le pardon et à répudier les images hostiles qui sont dépassées » [39].
« Demandons-nous : Que pouvons-nous apprendre les uns des autres ? Comment pouvons-nous nous enrichir mutuellement ? Le dialogue nous permet d’examiner d’une manière nouvelle les questions ardues qui ont surgi à l’époque de la Réforme, en dehors de toute polémique et sans méfiance » [40]. « Aujourd’hui, il est plus important que jamais que tous les chrétiens apportent à la vie spirituelle de l’Europe leurs dons et leurs charismes particuliers, de sorte que chacun puisse apprendre des richesses de l’autre. […] Il est reconnu par tous que les chrétiens réussissent à se faire écouter dans la vieille Europe surtout quand ils témoignent ensemble de la vérité de l’Évangile et de leur responsabilité à l’égard du monde. Il est donc indispensable de renforcer ce témoignage commun » [41]. Scandaleux !
Ces propos du pape polonais contredisent ouvertement l’enseignement de Pie IX : « Rien, certes, ne doit tenir plus à cœur au catholique que de voir la suppression radicale des schismes et des discordes entre chrétiens, et chez tous les chrétiens le “ souci de garder l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix ” (Eph. 4, 3). Mais que des fidèles et des ecclésiastiques prient pour l’unité chrétienne sous la conduite des hérétiques et, qui pis est, dans une intention profondément souillée et infectée par l’hérésie, ne peut être nullement toléré » [42]. Telle qu’elle se fait jour à travers ces propos tenus à des luthériens, l’ecclésiologie de Jean-Paul II est de celles qui « renversent de fond en comble la constitution divine de l’Église » [43].
Le capucin saint Fidèle de Sigmaringen (1578–1622) fut martyrisé par les réformés protestants, auprès desquels il avait été envoyé en mission. Il composa une Disputatio contre les ministres protestants, au sujet du saint sacrifice de la messe. Le pape Clément XIV le désigna comme le « protomartyr de la Propagande ». Ce saint, fêté au calendrier de l’Église le 24 avril condamne par son sang le faux œcuménisme de Jean-Paul II.
6 – Jean-Paul II et le Judaïsme
Abraham fut choisi par Dieu pour être le principe d’une descendance charnelle, au sein de laquelle naîtrait le Rédempteur promis. Le peuple juif représente comme tel le mystère d’une élection divine. Au temps même du Christ, ce peuple rejette le Messie et refuse ainsi, d’être l’instrument qui devait apporter le Rédempteur au monde. Ce refus engage toute l’institution religieuse en tant que telle, puisqu’il est accompli dans la personne de ses chefs : il entraîne non point la responsabilité morale de tous et chacun des individus membres de ce peuple, mais la responsabilité juridique de la religion juive devenue infidèle. C’est en ce sens que les juifs sont dits déicides. En conséquence de quoi, l’Israël ancien est réprouvé, au sens où il a été privé par Dieu du rôle spécial qu’il aurait dû avoir dans l’histoire du salut, ainsi que de tous les privilèges attachés à ce rôle.
Lui a succédé le nouvel Israël, qui est l’Église. On peut donc entendre par « juifs » : une réalité ethnique et sociologique ; la religion temporairement vraie de l’Ancien Testament ; la fausse religion du judaïsme, apparue lorsque les chefs religieux du peuple juif ont refusé le Christ. Toute la Tradition de l’Église enseigne jusqu’à Vatican II le triple fait de l’infidélité, du déicide et de la réprobation de l’institution religieuse du judaïsme post-christique [44].
Jean-Paul II ne dénonce plus le péché d’infidélité déicide du peuple juif, et exempte de toute responsabilité liée à ce péché non seulement les juifs en tant qu’individus mais encore en tant que peuple, c’est-à-dire le judaïsme lui-même [45] : « Aux juifs en tant que peuple on ne peut imputer aucune faute ancestrale ou collective pour ce qui a été accompli durant la passion de Jésus » [46].
Jean-Paul II prêche que le catholicisme et le judaïsme doivent se témoigner un respect et une estime réciproque dans ce qu’ils ont de spécifiquement religieux. « Chacune de nos religions [chrétienne et juive], dans la pleine conscience des liens qui l’unissent à l’autre, et en premier lieu de ce lien dont parle le Concile, veut être reconnue et respectée dans son identité propre, au-delà de tout syncrétisme et de toute appropriation équivoque » [47] ; « Oui, par ma voix, l’Église catholique […] reconnaît la valeur du témoignage religieux de votre peuple » [48].
En raison de ce faux respect, Jean-Paul II n’a jamais appelé les juifs à la conversion au Christ. Il a même explicitement banni une telle intention de sa démarche, ainsi qu’en témoigne par exemple l’une de ses interventions lors d’un colloque judéo-chrétien : « Votre Colloque peut aider à éviter la méprise du syncrétisme, la confusion de notre identité réciproque de croyants, l’ombre et la suspicion du prosélytisme » [49] ; « Est-il besoin de préciser, surtout pour ceux qui demeurent sceptiques, voire même hostiles, que ce rapprochement ne saurait se confondre avec un certain relativisme religieux et moins encore avec une perte d’identité ? […] Que Dieu donne aux chrétiens et aux juifs de se rencontrer davantage, d’échanger en profondeur et à partir de leur propre identité, sans jamais l’obscurcir d’un côté comme de l’autre, mais en cherchant vraiment la volonté de Dieu qui s’est révélé » [50].
Saint Pierre d’Arbués (1440–1485), Grand Inquisiteur d’Aragon, fut martyrisé en haine de la foi par les juifs. Il fut canonisé par le pape Pie IX en 1867. Son sang condamne la fausse théologie judéo-chrétienne de Jean-Paul II.
7 – Jean-Paul II et l’Islam
Tout comme le judaïsme infidèle et réprouvé, la religion de Mahomet nie le mystère de la Trinité ainsi que celui de l’Incarnation rédemptrice. Mais elle procède d’une idolâtrie pure et simple, qu’aucun motif de crédibilité ne saurait recommander aux yeux de la droite raison. Comme le souligne saint Thomas d’Aquin [51], le fondateur de l’Islam a séduit les peuples par des promesses de voluptés charnelles au désir desquelles pousse la concupiscence de la chair [52]. En fait de vérités, il n’en a avancé que de faciles à saisir par n’importe quel esprit médiocrement ouvert.
En revanche, il a entremêlé les vérités de son enseignement de beaucoup de fables et de doctrines des plus fausses. Il n’a pas apporté de preuves surnaturelles de sa mission. Aucune prophétie divine ne témoigne en sa faveur ; bien au contraire il déforme les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament par des récits légendaires, comme c’est évident pour qui étudie sa loi. Aussi bien, par une mesure pleine d’astuces, il interdit à ses disciples de lire les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament qui pourraient les convaincre de fausseté. C’est donc chose évidente que ceux qui ajoutent foi à sa parole, croient à la légère [53].
Eh bien ! Jean-Paul II n’a pourtant pas craint de dire : « Je crois que nous, chrétiens et musulmans, nous devons reconnaître avec joie les valeurs religieuses que nous avons en commun et en rendre grâce à Dieu. […] Nous croyons que Dieu nous sera un juge miséricordieux à la fin des temps et nous espérons qu’après la résurrection, il sera satisfait de nous, et nous savons que nous serons satisfaits de lui. […] Chrétiens et musulmans, nous nous sommes généralement mal compris, et quelquefois, dans le passé, nous nous sommes opposés, et même épuisés en polémiques et en guerres. Je crois que Dieu nous invite, aujourd’hui, à changer nos vieilles habitudes. Nous avons à nous respecter, et aussi à nous stimuler les uns les autres dans les œuvres de bien sur le chemin de Dieu » [54]. Le pape polonais ira même jusqu’à dire que « la doctrine chrétienne sur la Trinité, ratifiée par les Conciles, est explicite lorsqu’elle rejette tout trithéisme ou polythéisme. C’est pourquoi, c’est-à-dire en référence à l’unique substance divine, il existe une correspondance significative entre christianisme et islam » [55].
Contrairement à son prédécesseur saint Pie V, Jean-Paul II encourage l’expansion de l’Islam au nom du pluralisme religieux. Pour suivre l’exemple du pape polonais, les catholiques devraient renoncer à convertir les musulmans et rendre vain l’exemple de tous les saints missionnaires. Celui du père Charles de Foucauld est bien connu. Ou encore celui du capucin saint Joseph de Léonessa (1556–1612), dont la fête est célébrée dans l’Église le 4 février, qui condamne sans appel tous ces discours de Jean-Paul II. Proclamé par le pape Pie XI patron des missions de Turquie, ce saint se dépensa sans compter à Constantinople auprès des chrétiens réduits en esclavage par les adeptes de l’Islam. Ce zèle lui valut d’être inculpé auprès du sultan pour avoir outragé la religion musulmane, et on lui appliqua le supplice du gibet : il y resta trois jours suspendu à une chaîne, une main et un pied percés d’un crochet. Quant à saint Pierre Mavimène, mort en 715 et célébré dans l’Église le 21 février, il fut supplicié pendant trois jours pour avoir insulté Mahomet et l’Islam. Son seul exemple devrait suffire à rendre impensable la canonisation de Karol Wojtyla.
8 – Jean-Paul II et les chefs d’État
Le magistère de l’Église a toujours enseigné la nécessaire union de l’Église et de l’État, avec la dépendance indirecte de celui-ci à l’égard de celle-là. L’État se doit de protéger l’exercice de la vraie religion, en intervenant pour empêcher le scandale représenté par l’exercice public des fausses religions.
Le pape Pie IX dans l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864, condamne les deux principes faux selon lesquels « le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions », et « la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violateurs de la loi catholique, si ce n’est dans la mesure où la tranquillité publique le demande ». Le pape condamne aussi la conséquence de ces deux principes faux selon laquelle « la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme ; ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée ; les citoyens ont droit à l’entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions quelles qu’elles soient, par les moyens de la parole, de l’imprimé ou tout autre méthode sans que l’autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite ». C’est là une double condamnation :
1) Les autorités civiles ne doivent pas intervenir pour réprimer les manifestations extérieures des religions fausses dans le cadre de la vie en société.
2) Les individus ont le droit de ne pas être empêchés par les autorités civiles d’exercer au for externe de la vie en société les actes externes de leur religion, vraie ou fausse.
Cette erreur condamnée est aujourd’hui à la base de toutes les démocraties modernes.
Le faux principe condamné par Pie IX est devenu la charte de la nouvelle doctrine sociale de l’Église conciliaire. Jean-Paul II s’est constamment employé à la rappeler et à la faire mettre en pratique. Il a affirmé : « L’État ne peut revendiquer une compétence, directe ou indirecte, sur les convictions religieuses des personnes. Il ne peut s’arroger le droit d’imposer ou d’empêcher la profession et la pratique publiques de la religion d’une personne ou d’une communauté. En cette matière, les autorités civiles ont le devoir de faire en sorte que les droits des individus et des communautés soient respectés, en même temps que de sauvegarder l’ordre public juste. Même lorsqu’un État accorde à une religion déterminée une position juridique particulière, il se doit de reconnaître légalement et de respecter effectivement le droit à la liberté de conscience de tous les citoyens, comme aussi des étrangers qui résident sur son territoire, même temporairement, pour des raisons professionnelles ou autres. […] Un ordre social juste requiert que tous – individuellement et en communauté – puissent professer leurs convictions religieuses tout en respectant les autres » [56]. « Il faut souhaiter, ajoute-t-il, que la véritable liberté religieuse soit accordée à tous en tout lieu, et l’Église s’y emploie dans les différents pays, surtout dans les pays à majorité catholique où elle a une plus grande influence. Cependant, il ne s’agit pas d’une question de religion de la majorité ou de la minorité, mais bien d’un droit inaliénable de toute personne humaine » [57]. Ce propos exprime le refus explicite de la royauté sociale du Christ. Il tombe sous le coup de la condamnation portée par saint Pie X dans Vehementer nos : « Nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Église et de l’État comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte » [58].
Jean-Paul II ne peut pas être canonisé
Jean-Paul II n’a pas pratiqué l’héroïcité des vertus
La canonisation est l’acte par lequel le pape déclare la sainteté et la gloire céleste d’un fidèle défunt. Elle les déclare, c’est-à-dire qu’elle les fait connaître, après avoir vérifié qu’elles existent. De la même manière que « le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les apôtres » [59], de même aussi le pouvoir de canoniser n’a pas été donné au pape pour qu’il rende saint et glorieux celui qui ne l’est pas, mais pour qu’il déclare et publie fidèlement la gloire céleste et les vertus héroïques de celui qui a effectivement mérité la première en exerçant réellement les secondes.
La droite raison, éclairée par la foi, est en mesure de constater l’absence des vertus héroïques dans la vie de Jean-Paul II. En effet, ces vertus héroïques sont les vertus surnaturelles infuses, poussées au plus haut degré. Comme telles, elles sont connexes dans la charité, c’est-à-dire qu’elles supposent toutes la charité qui est à leur source, et chez un même fidèle elles doivent exister et grandir toutes ensemble. Et la charité suppose la foi. Or, il est manifeste que Jean-Paul II n’a pas exercé la vertu surnaturelle de foi au plus haut degré, puisque ses paroles et ses actes constituent tantôt l’omission grave, tantôt même sinon la négation ouverte, du moins la mise en doute de plusieurs vérités de foi. Il est également manifeste, pour les mêmes raisons, que Jean-Paul II n’a pas pratiqué la vertu surnaturelle de religion au plus haut degré [60]. La vraie foi et la vraie religion ne peuvent s’exercer que dans la vraie Église fondée par Jésus-Christ, qui est l’Église catholique romaine. « Un homme ne peut se sauver si ce n’est dans l’Église catholique, dit saint Augustin. En dehors de l’Église catholique, il peut tout avoir, sauf le salut. Il peut avoir l’honneur (être évêque), il peut avoir les sacrements, il peut chanter l’Alleluia, il peut répondre Amen, il peut tenir l’Évangile, il peut avoir et prêcher la foi au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, mais jamais il ne peut trouver le salut si ce n’est dans l’Église catholique. […] Il peut même répandre son sang, mais pas recevoir la couronne » [61]. Peut-on sérieusement penser à élever sur les autels un pape qui s’exprime sur ces graves questions comme l’a fait Jean-Paul II ?
Les miracles requis pour une canonisation ne sont pas probants
La droite raison éclairée par la foi est également en mesure de douter que les miracles requis pour attester la béatitude céleste et confirmer la vertu héroïque d’un saint aient été suffisamment établis en ce qui concerne Karol Wojtyla. En effet, le discernement du seul miracle invoqué jusqu’ici pour la béatification laisse fortement à désirer, pour deux raisons. D’une part, le lien entre cette guérison et l’invocation de Jean-Paul II n’est pas suffisamment établi. D’autre part, le diagnostic d’une maladie de Parkinson laisse souvent place au doute, et en l’occurrence il n’est pas non plus suffisamment établi que la guérison soit définitive ni qu’elle soit inexplicable naturellement [62]. Le deuxième miracle, qui se serait produit le 1er mai 2011, et que le Saint-Siège a fait récemment valoir à l’appui de la prochaine canonisation, pourrait apparaître plus démonstratif. Mais le Saint-Siège a relativisé lui-même cette valeur probante des miracles, du fait même qu’il renonce à y recourir pour la canonisation de Jean XXIII.
Le mot de Pascal doit donc garder ici toute sa valeur : si les miracles discernent la doctrine, la doctrine discerne elle aussi, à son niveau, les miracles. Car la doctrine, qui est au fondement de la vertu, est nécessaire et suffisante pour qu’il y ait un saint. Tandis que le miracle n’est que l’indice de cette sainteté, et encore n’est-il pas le seul ; il ne suffit donc pas pour qu’il y ait la sainteté, mais il la suppose. L’Église canonise des saints et non des miracles. L’acte d’une canonisation constate d’abord et avant tout la sainteté, et c’est en cela qu’il repose tout entier sur l’autorité, en l’occurrence infaillible, du Souverain Pontife ; et c’est ce jugement qui réclame de la part des fidèles une obéissance absolue. Autre est le jugement de crédibilité, qui s’adresse à la prudence des fidèles et qui fait appel à leur sens critique ; ce jugement donne des signes qui parlent aux yeux de la raison et confirment le bien-fondé du premier jugement d’autorité. Le deuxième jugement suppose le premier, comme le motif de crédibilité suppose la chose à croire. A quoi bon produire un témoin, s’il n’y a rien à attester ? Ou pire : comment témoigner en faveur de l’erreur ou du mal ? Ce qui importe au premier chef, ce sont les traces d’une éventuelle héroïcité des vertus chez le Souverain Pontife défunt : et ces traces, ce sont les actes de sa vie passée, spécialement depuis octobre 1978. Les citations que nous avons produites ne laissent place à aucune hésitation : Karol Wojtyla ne fut point un héros (ni même un héraut) de la foi ; et à partir de là, tout le reste s’effondre, puisque comme dit saint Paul (Heb. 11, 1), la foi est le fondement de tout le reste.
Conclusion
Si Jean-Paul II est canonisé, les fidèles catholiques doivent reconnaître que l’Église catholique et les communautés orthodoxes sont des Églises sœurs, responsables ensemble de la sauvegarde de l’unique Église de Dieu. Ils doivent donc réprouver l’exemple de Josaphat Kuncewicz, archevêque de Polotsk (1580–1623). Converti de l’orthodoxie, celui-ci publia en 1617 une Défense de l’unité de l’Église, dans laquelle il reprochait aux orthodoxes de déchirer l’unité de l’Église de Dieu, et c’est pourquoi il excita la haine de ces schismatiques qui le martyrisèrent.
Si Jean-Paul II est déclaré saint, les fidèles catholiques doivent reconnaître les anglicans comme des frères et des sœurs dans le Christ, et exprimer cette reconnaissance par la prière commune. Ils doivent donc aussi réprouver l’exemple d’Edmund Campion (1540–1581), qui refusa de prier avec le ministre anglican, au moment de son martyre.
Si Jean-Paul II est saint, les fidèles catholiques doivent considérer que ce qui divise les catholiques et les protestants – c’est-à-dire la réalité du Saint Sacrifice propitiatoire de la messe, la réalité de la médiation universelle de la Très Sainte Vierge Marie, la réalité du sacerdoce catholique, la réalité du primat de juridiction de l’Évêque de Rome – est minime par rapport à ce qui peut les unir. Ils doivent donc réprouver l’exemple du capucin Fidèle de Sigmaringen (1578-1622) qui fut martyrisé par les réformés protestants, auprès desquels il avait été envoyé en mission et qui composa une Disputatio contre les ministres protestants, au sujet du Saint Sacrifice de la messe.
Si Jean-Paul II est reconnu comme saint, les fidèles catholiques doivent reconnaître la valeur du témoignage religieux du peuple juif. Ils doivent donc réprouver l’exemple de Pierre d’Arbués (1440–1485), Grand Inquisiteur d’Aragon, qui fut martyrisé en haine de la foi par les juifs.
Si Jean-Paul II est élevé sur les autels, les fidèles catholiques doivent reconnaître qu’après la résurrection finale, Dieu sera satisfait des musulmans, et que les musulmans seront satisfaits de Lui. Ils doivent donc réprouver l’exemple du capucin Joseph de Léonessa (1556-1612), qui se dépensa sans compter à Constantinople auprès des chrétiens réduits en esclavage par les adeptes de l’Islam : ce zèle lui valut d’être inculpé auprès du sultan pour avoir outragé la religion musulmane, et on lui appliqua le supplice du gibet : il y resta trois jours suspendu à une chaîne, une main et un pied percés d’un crochet. Les fidèles catholiques devraient aussi réprouver l’exemple de Pierre Mavimène, mort en 715 et après avoir été supplicié pendant trois jours pour avoir insulté Mahomet et l’Islam.
Si Jean-Paul II est saint, les fidèles catholiques doivent reconnaître que les chefs d’État ne peuvent s’arroger le droit d’empêcher la profession publique d’une religion fausse. Ils doivent donc réprouver l’exemple du roi de France Louis IX, qui limita autant qu’il le put l’exercice public des religions non chrétiennes.
Pourtant, Josaphat Kuncewicz a été canonisé en 1867 par Pie IX, et Pie XI lui a consacré une encyclique ; il est fêté dans l’Église le 14 novembre. Edmund Campion a été canonisé, par Paul VI en 1970 et est fêté le 1er décembre. Fidèle de Sigmaringen a été canonisé en 1746, et Clément XIV l’a désigné comme le « protomartyr de la Propagande » ; il est fêté au calendrier de l’Église le 24 avril. Pierre d’Arbués a été canonisé par Pie IX en 1867. Joseph de Léonessa l’a été lui aussi, en 1737 par Benoît XIV et sa fête est célébrée dans l’Église le 4 février ; Pie XI l’a proclamé patron des missions de Turquie. Saint Pierre Mavimène enfin, est célébré dans l’Église le 21 février. Quant au roi saint Louis, son exemple suffisamment connu illustre on ne peut mieux les enseignements du pape saint Pie X, lui aussi canonisé.
Si Jean-Paul II est réellement saint, tous les papes qui ont canonisé tous ces saints se sont gravement trompés, et ont donné à toute l’Église non pas l’exemple d’une sainteté authentique mais le scandale de l’intolérance et du fanatisme. Il est impossible d’échapper à cette alternative. Le seul moyen d’en sortir est de tirer la double conclusion qui s’impose : Karol Wojtyla ne peut pas être canonisé, et l’acte qui prétendrait déclarer sa sainteté à la face de toute l’Église ne saurait être qu’une fausse canonisation. Car nul pape ne peut décider de canoniser celui qui n’est pas saint. Quand bien même il le ferait, cet acte, pour revêtir les apparences trompeuses d’une canonisation, ne trompera aucun de ceux dont la raison déjà droite est éclairée par l’enseignement constant que représentent toutes les canonisations accomplies en conformité avec l’esprit de l’Église.
Si elle a lieu comme prévu, la canonisation de Jean-Paul II donnera donc à tous les catholiques l’exemple trompeur d’une fausse charité. Fausse charité absolument opposée aux exigences de la Royauté du Christ, fausse charité œcuménique, dont le pape polonais s’est fait l’apôtre incessant. On nous dira que l’on ne peut pas sans cesse désobéir, contester et refuser l’adhésion au magistère et au pape. Nous répondons alors précisément, qu’en effet on ne le peut pas et que c’est justement pour continuer à obéir à la Tradition bimillénaire de l’Église, pour ne pas la contester et pour lui donner toute l’adhésion qu’elle réclame, que nous sommes bien obligés de nous opposer à toutes les initiatives qui s’en éloignent, quand bien même elles émanent des plus hautes autorités dans l’Église. Car la rupture n’est pas le fait de ceux qui contestent le bien-fondé d’une éventuelle canonisation de Jean-Paul II. Elle est plutôt le fait de ce pape, qui a voulu rendre l’Église conforme aux nouveautés introduites par le concile Vatican II. En ce sens, la canonisation de Jean-Paul II sera, elle aussi, une nouveauté. Mais une nouveauté contestable, pour qui veut rester attaché à la Tradition de l’Église.
Document élaboré par Ecône et imprimé par le District d’Asie
- Acta Apostolicæ Sedis, t. 30 ( 1947 ), passim.[↩]
- Dictionnaire de Théologie Catholique (désormais abrégé en D.T.C.), t. II, 2e partie, col. 1642–1654.[↩]
- Au livre III, chapitre 21, n° 10–11 de son traité sur les canonisations.[↩]
- D.T.C., ibidem.[↩]
- Code de Droit Canonique de 1917, canon 2138.[↩]
- Denzinger-Schönmetzer, n° 1911.[↩]
- Denzinger-Schönmetzer, n° 383.[↩]
- Encyclique Evangelium vitæ, du 15 mars 1995, n° 84, dans La Documentation catholique (désormais abrégée en D.C.), n° 2114, p. 393.[↩]
- Gn, 1, 27 ; Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, 1a pars, question 93, article 1, corp. et ad 2.[↩]
- Lettre apostolique Tertio millenio adveniente, du 10 novembre 1994, n° 5, dans D.C., n° 2105, p. 1018.[↩]
- Exhortation apostolique Ecclesia in Asia, du 6 novembre 1999, n° 15, dans D.C., n° 2214, p. 987.[↩]
- Encyclique Ut unum sint, du 25 mai 1995, n° 82–85, dans D.C., n° 2118, p. 590.[↩]
- Saint Augustin, Sermon au peuple de Césarée, n°6, dans PL 43/695.[↩]
- Profession de foi prescrite aux Vaudois sous le pape Innocent III, le 18 décembre 1208, Denzinger-Schönmetzer, n° 792.[↩]
- Bulle Unam sanctam, du pape Boniface VIII, du 18 novembre 1302, Denzinger-Schönmetzer, n° 870.[↩]
- Pie XII, encyclique Mystici corporis, du 29 juin 1943, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 2, n° 1014.[↩]
- Pie XII, encyclique Humani generis, du 12 août 1950, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 2, n° 1282.[↩]
- Léon XIII, encyclique Satis cognitum, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 593.[↩]
- Décret Unitatis redintegratio, n° 1.[↩]
- Discours lors de la rencontre avec les évêques luthériens du Danemark, le 6 juin 1989, dans D.C., n° 1988, p. 688–689.[↩]
- Discours à la curie, le 21 décembre 2000, dans D.C., n° 2240, p. 56–57.[↩]
- Discours d’accueil aux participants à la rencontre de prière, de pénitence et de jeûne pour la paix à Assise, le 9 janvier 1993, dans D.C., n° 2066, p. 166–167.[↩]
- Pie XI, encyclique Mortalium animos, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 855.[↩]
- Denzinger-Schönmetzer, n° 2886.[↩]
- Déclaration commune de Jean-Paul II et du Patriarche orthodoxe Bartholomée Ier signée au Vatican, le 29 juin 1995, dans D.C., n° 2121, p. 734735.[↩]
- Pie XI, encyclique Mortalium animos, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 863.[↩]
- Pie XI, encyclique Mortalium animos, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 865.[↩]
- Denzinger-Schönmetzer, n° 2886.[↩]
- Homélie lors des vêpres œcuméniques célébrées à Rome, en l’église des Saints-André et Grégoire al Monte Celio, en présence du primat de la Communion anglicane, le Dr Carey, le 5 décembre 1996, dans D.C., n° 2152, p. 85.[↩]
- Déclaration commune de Jean-Paul II et du Primat de la Communion anglicane, signée le 5 dé cembre 1996, dans D.C., n° 2152, p. 88–89.[↩]
- Pie XI, encyclique Mortalium animos, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 868–869.[↩]
- Evelyn Waugh, Edmond Campion, Amiot Dumont, 1950, p. 176.[↩]
- Denzinger-Schönmetzer, n° 1492.[↩]
- Denzinger-Schönmetzer, n° 2640, 2641, 2642 et 2646.[↩]
- Allocution lors de la célébration œcuménique de Paderborn, le 22 juin 1996, dans D.C., n° 2142, p. 662–663.[↩]
- Discours au Dr Christian Krause, président de la Fédération luthérienne mondiale, le 9 décembre 1999, dans D.C., n° 2219, p. 109.[↩]
- Allocution lors de la célébration œcuménique de Paderborn, le 22 juin 1996, dans D.C., n° 2142, p. 662–663.[↩]
- Lettre au cardinal Willebrands du 31 octobre 1983, dans D.C., n° 1863, p. 1070.[↩]
- Discours lors de la rencontre avec les évêques luthériens du Danemark, le 6 juin 1989, dans D.C., n° 1988, p. 688–689.[↩]
- Homélie du 9 juin 1989, à la cathédrale luthérienne d’Uppsala, en présence de l’archevêque Bertil Werkström, dans D.C., n° 1988, p. 699.[↩]
- Allocution lors de la célébration œcuménique de Paderborn, le 22 juin 1996, dans D.C., n° 2142, p. 662–663.[↩]
- Pie IX, Lettre à l’épiscopat anglais du 16 septembre 1864, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 254.[↩]
- Pie IX, Lettre à l’épiscopat anglais du 16 septembre 1864, dans Enseignements pontificaux de Solesmes – L’Église, t. 1, n° 253.[↩]
- Voir Denise Judant, Judaïsme et christianisme – Dossier patristique, Éditions du Cèdre, 1969.[↩]
- Rappelons la définition que Jean-Paul II donnait du peuple juif : « Le peuple juif, cette communauté de foi qui est la gardienne d’une tradition plurimillénaire » (Jean-Paul II, Discours du 06 décembre 1990 pour le 25e anniversaire de Nostra ætate, dans D.C., n° 2020, p. 66).[↩]
- Discours du 13 avril 1986, lors de la visite à la synagogue de Rome, dans D.C., n° 1917, p. 437-438.[↩]
- Discours du 13 avril 1986, lors de sa visite à la synagogue de Rome, dans D.C., n° 1917, p. 438.[↩]
- Discours du 9 octobre 1998, à la communauté juive d’Alsace, dans D.C., n° 1971, p. 1027.[↩]
- Discours du 6 novembre 1986, au colloque international judéo-chrétien, dans D.C., n° 1931, p. 34.[↩]
- Discours du 6 mars 1982, aux délégués des conférences épiscopales pour les relations avec le judaïsme, dans D.C., n° 1827, p. 340.[↩]
- Somme contre les Gentils, livre 1, chapitre 6.[↩]
- Le Coran, traduction intégrale par Édouard Montet, t. 2, Petite Bibliothèque Payot, n° 41, 1958. Sourates LXXVI, 9 ; LII, 24 ; LVI, 17 ; LXVIII, 33 ; LII, 20 ; LVI, 22 ; LV, 72 ; XXXVII, 39–47 ; LV, 56–58 ; LV, 72–74.[↩]
- Le lecteur pourra se reporter à l’étude d’Édouard Pertus, Connaissance élémentaire de l’Islam, supplément au n° 65 de l’Action Familiale et Scolaire, 1985.[↩]
- Discours lors de la rencontre avec la jeunesse au stade de Casablanca, le 18 août 1985, dans D.C., n° 1903, p. 945.[↩]
- Audience générale du 5 mai 1999, dans D.C., n° 2205, p. 512.[↩]
- Message du 8 décembre 1987, pour la Journée mondiale de la paix, dans D.C., n° 1953, p. 2.[↩]
- Encyclique Redemptoris missio, du 7 décembre 1990, n° 39, dans D.C., n° 2022, p. 168.[↩]
- Saint Pie X, encyclique Vehementer nos, du 11 février 1906, dans Actes de saint Pie X, Éditions de La Bonne Presse, t. 2, p. 141.[↩]
- Concile Vatican I, constitution Pastor æternus, chapitre 4, Denzinger-Schönmetzer, n° 3070.[↩]
- Pour plus de détails, le lecteur pourra se reporter au livre de l’abbé Patrick de La Rocque, Jean-Paul II – Doutes sur une béatification, paru aux éditions Clovis, ainsi qu’à l’étude publiée dans la revue The Remnant et dont la traduction française est parue sous le titre Exposé des réserves sur la prochaine béatification de Jean-Paul II, dans DICI n° 233, du 16 avril 2011. Ajoutons enfin l’étude intitulée Doutes sur la canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II, dans DICI n° 284, du 18 octobre 2013. Signalons enfin l’étude de Daniel Le Roux, Pierre M’aimes-tu ? éd. Fideliter, 1988.[↩]
- Saint Augustin, Sermon au peuple de Césarée, n°6, dans PL 43/695.[↩]
- Pour plus de détails, le lecteur pourra encore se reporter aux études citées dans la note 63.[↩]