Aux sources du Carmel : Editorial du numéro 8 de janvier 2006

Cher frère. Chère sœur,

La Réparation, tel est le thème qui a rete­nu notre atten­tion pour ce bul­le­tin. Nous y avons pla­cé un large extrait de l’en­cy­clique Miserentissimus Redemptor du Pape XI sur la répa­ra­tion due par tous au Sacré-​Cœur de Jésus, que nous vous invi­tons à lire et à médi­ter atten­ti­ve­ment. La doc­trine de l’Église y est clai­re­ment expo­sée. Aussi bien, les autres articles de ce bul­le­tin visent-​ils davan­tage à encou­ra­ger, à sti­mu­ler notre volon­té sou­te­nue par la grâce, à répondre, à la suite des saints, à cet appel de l’Église, qui se fait l’é­cho des appels pres­sants à la répa­ra­tion, du Sacré-​Cœur de Jésus et du Cour Immaculé de Marie.

La Réparation dif­fère de l’expiation.

« On expie le péché pour le domi­ner, on répare ensuite les désastres qu’il a cau­sés. Ceux-​ci sont de deux sortes : affaiblisse- ment et insen­si­bi­li­té dans l’ordre sur­na­tu­rel. » (Mgr Gonon, Jésus ago­ni­sant, Lyon, 1925, p.10 ).

Après le péché, l’âme est affai­blie. La vigueur de la volon­té est atté­nuée, sinon détruite. Le sacri­fice la retrempe. Contemplons Jésus, en Son ago­nie ; II souffre atro­ce­ment, volon­tai­re­ment. Par Son Fiat II a ren­du sa volon­té invin­cible… Par nos Fiat répé­tés à la volon­té de Dieu, aux actes de renon­ce­ment qu’il nous demande, nous ren­drons à notre volon­té la force per­due par nos fautes.

Le péché répé­té rend l’âme insensible.

« Le péché mor­tel fré­quent obli­tère le sens moral ; le péché véniel crée des illu­sions, alour­dit le cour, obs­cur­cit l’es­prit. On ne sent plus Dieu, on ne voit plus la véri­té, on devient indé­li­cat. » (Mgr Gonon, op. cit., p.11–12).

Jésus a souf­fert aus­si en sa sen­si­bi­li­té exquise.

« II épuise la pos­si­bi­li­té de souf­frir, répa­rant ain­si nos endur­cis­se­ments, com­pen­sant ce qu’ils nous ont fait enle­ver, refu­ser, à la gloire de Dieu. » (Mgr Gonon, op. cit. , p.l2).

Imitons-​le, soyons atten­tifs à plaire à Dieu en toutes nos œuvres. Rien n’est petit pour celui qui aime. C’est par un renon­ce­ment quo­ti­dien que nous y parviendrons.

« Le plai­sir de mou­rir sans peine vaut bien la peine de vivre sans plai­sir », disait sainte Thérèse d’Avila.

« Le péché est un refus d’a­mour, la répa­ra­tion sera donc une res­ti­tu­tion d’a­mour, mais dans la norme où le refus s’est pro­duit. Or le refus d’a­mour qui consti­tue le péché s’est affir­mé par un abus de jouis­sances ; on n’a pas vou­lu ce que Dieu vou­lait. Pourquoi ? Pour jouir/​ou dans son corps ou dans son esprit, ou dans sa volon­té, ou dans son cœur. La res­ti­tu­tion d’a­mour, pour répa­rer, appor­te­ra donc au lieu de la jouis­sance, la souf­france. » (Mgr Gonon, Retraite, 4–12 mars 1942).

La péni­tence exige la souf­france de l’a­mour répa­ra­teur ; celle-​ci est néces­saire car nous sommes tous pécheurs.

« Sans effu­sion de sang, il n’y a pas de rémis­sion » (Heb. IX, 22).

Il a fal­lu le sacri­fice de Jésus pour obte­nir le par­don. Cependant l’Apôtre ajoute ailleurs :

« J’achève dans ma chair ce qui manque à la Passion du Christ, pour son Corps qui est l’Église. » (Col. 1,24),

nous fai­sant com­prendre ain­si la théo­lo­gie de la Réparation. Certes il ne manque rien à la Passion de Jésus-​Christ, mais il lui faut un rayon­ne­ment exté­rieur et une coopé­ra­tion récep­tive de la part des âmes.

« L’Église a besoin des âmes qui s’im­molent comme de la messe ; elle vit du sacri­fice de Jésus-​Christ conti­nué de ces deux manières. » (Mgr Gay).

« Lorsque le Sacré-​Cœur invite les âmes à la répa­ra­tion, que leur propose-​t-​il ? La plus haute per­fec­tion dans l’ordre de la cha­ri­té, je veux dire l’i­mi­ta­tion des trois actes d’a­mour dont le Cour de Jésus nous a don­né le par­fait modèle : prendre sur soi les péchés du pro­chain et même du monde entier, se faire pour ain­si dire leur cau­tion auprès de Dieu, offrir ses souf­frances volon­taires et invo­lon­taires pour le rachat de leurs âmes et la glo­ri­fi­ca­tion de la Majesté divine. » (R.P. François Charmot, s.j./ L’amour du Christ et l’a­pos­to­lat moderne /​Éd. Spes, 1949, p.235).

Le livre de l’Imitation de Jésus-​Christ est sur­tout le livre de l’i­mi­ta­tion de Jésus cru­ci­fié. Les saints, à la suite de saint Paul, ont por­té sur leur chair la mor­ti­fi­ca­tion de Jésus. Mais ce qui don­nait de la valeur à leur répa­ra­tion, c’é­tait leur union à l’u­nique Sacrifice rédempteur.

« II faut tou­jours nous sou­ve­nir que toute la ver­tu d’ex­pia­tion découle de l’u­nique sacri­fice san­glant du Christ. » (Pie XI, Miserentissimus Redemptor).

Différentes formes ont été don­nées à la répa­ra­tion sui­vant que l’on consi­dère le péché comme une offense à la jus­tice ou à l’a­mour. Sainte Marguerite-​Marie pra­ti­qua l’une et l’autre. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus a pra­ti­qué la vie répa­ra­trice d’a­mour avec une telle splen­deur qu’elle ne nous laisse plus rien à décou­vrir dans cette voie du don total de soi. Émue « de l’in­gra­ti­tude des méchants », elle s’offre comme « vic­time d’ho­lo­causte à l’Amour misé­ri­cor­dieux » de la Trinité, en union avec Jésus-​Christ, qui nous a aimés en S’immolant pour nous sur la Croix. La cha­ri­té qui la pousse à cette répa­ra­tion est née de la contem­pla­tion des saintes plaies de Jésus en Croix.

« Mon cour se fen­dit de dou­leur à la vue de ce sang pré­cieux qui tom­bait à terre sans que per­sonne ne s’empressât de le recueillir ; et je réso­lus de me tenir conti­nuel­le­ment en esprit au pied de la croix, pour rece­voir la divine rosée du salut et la répandre ensuite sur les âmes. »

La répa­ra­tion est aus­si ancienne que le chris­tia­nisme. Depuis le coup de lance qui a per­cé le Cour du Christ en Croix, bien des âmes ont été atti­rées par le Saint- Esprit dans la voie de l’im­mo­la­tion, mani­fes­tant ain­si dans leur vie la cha­ri­té infi­nie de Dieu.

Le der­nier appel à la répa­ra­tion nous vient de la Très Sainte Vierge à Fatima, où nous a été don­né l’ul­time don de Dieu pour sau­ver le monde : la dévo­tion au Cour Immaculé de Marie.

« Cette dévo­tion est une dévo­tion répa­ra­trice, et fina­le­ment ado­ra­trice – ado­ra­trice de la Miséricorde de Dieu dans le don qu’il nous fait de Marie. » (R.P. Joseph de Sainte Marie, L’heure de Marie, Fatima, p.38).

À Fatima, il est un genre par­ti­cu­lier de péchés pour lequel Dieu demande répa­ra­tion : ceux qui sont com­mis contre le Cour Immaculé de Marie. Quelle rela­tion y a‑t-​il entre ces péchés et ceux qui sont com­mis immé­dia­te­ment contre Dieu lui-même ?

« Dieu lui-​même est bles­sé à tra­vers sa créa­ture, c’est le Christ qui est frap­pé lorsque ses membres le sont : « Saul ! Saul ! pour­quoi me persécutes-​tu ? » (Ac. IX, 4).

Or, la Très Sainte Vierge est, par­mi toutes les créa­tures, celle qu’il a le plus aimée. Il l’a conçue Immaculée pour être Mère de Dieu. On com­prend donc l’im­por­tance de tout péché com­mis contre Elle : c’est le Verbe lui-​même qui, en Elle, est atteint dans ce qu’il a de plus cher ; c’est le Cour du Christ qui souffre lorsque celui de sa Mère est bles­sé. Et cette souf­france, après celle que lui cause l’of­fense faite à son Père et à sa propre Divinité, est la plus indi­cible de toutes celles qu’il peut éprou­ver. » ( R.P. Joseph de Sainte Marie, op. cit., p.37).

Mais à cette rai­son fon­dée sur le fait de l’Incarnation, s’en ajoute une autre, qui relève du mys­tère de la Rédemption. La dévo­tion au Cour Immaculé de Marie est le don ultime de Dieu pour le salut du monde.

« C’est par elle que nous redé­cou­vri­rons le Cour et l’a­mour du Christ, que l’Eucharistie repren­dra sa place dans l’Église et y rede­vien­dra la source inépui­sable de vie. Car c’est par le Cour Immaculé de Marie que l’Esprit Saint nous est et nous sera don­né pour nous conver­tir, sau­ver nos âmes et ins­tau­rer dans le monde la paix et le règne de Dieu » (RP Joseph de Sainte Marie, Op., p.38).

Le temps se fait court. Répondons géné­reu­se­ment, chers ter­tiaires, aux demandes pres­santes de l’Église, du Sacré-​Cœur et du Cour Immaculé de Marie, nous invi­tant à la réparation.

« Voulez-​vous vous offrir à Dieu pour sup­por­ter toutes les souf­frances qu’il vou­dra vous envoyer, en acte de répa­ra­tion pour les péchés par les­quels II est offen­sé, et de sup­pli­ca­tion pour la conver­sion des pécheurs ? » (Notre-​Dame, à Fatima, 13 mai 1917).

+ Je vous bénis.

Abbé L.-P. Dubrœucq +