En prévision du prochain Synode sur la famille (4–25 octobre 2015), deux réunions se sont tenues, l’une à Rome le 25 mai, l’autre à Accra au Ghana, du 8 au 11 juin. Très différentes l’une de l’autre.
La « journée de réflexion » à huis clos de la Grégorienne
Cette rencontre à huis clos a été révélée, le 22 mai, par le vaticaniste du Figaro Jean-Marie Guénois : « L’initiative est restée très discrète, voire secrète, mais elle est d’importance. Selon nos informations, trois épiscopats, allemand, suisse et français, se sont associés pour organiser à huis clos, lundi 25 mai, à Rome, dans les locaux de l’université jésuite de la Grégorienne, une journée d’études centrée sur l’accueil des divorcés remariés et des personnes homosexuelles dans l’Eglise. Des théologiens allemands de renom y prendront la parole devant un public choisi de cinquante personnes seulement. La conférence conclusive sera prononcée par le cardinal Reinhard Marx, président de la conférence des évêques allemands. Avec le cardinal Walter Kasper, ce prélat de poids – membre du C9, le conseil rapproché du Pape – travaille activement à une politique d’ouverture de l’Eglise catholique sur ces dossiers.
« Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, président du Conseil famille et société de la Conférence épiscopale française, introduira cette réunion, dont la lettre d’invitation, datée du 27 avril, est signée par les trois présidents des conférences épiscopales – dont Mgr Georges Pontier pour la France – avec les logos des trois conférences. Mais, curieusement, une petite poignée d’évêques français a été informée de cette initiative. Elle n’apparaît sur aucun agenda officiel : ni sur le site des trois conférences épiscopales, ni sur celui de l’université de la Grégorienne qui a fini, avec embarras, par confirmer au Figaro la tenue de la rencontre. Enfin, au Vatican, seules quelques personnalités ont reçu l’invitation. »
Le lendemain de la réunion, La Croix du 26 mai s’emploie à rassurer sur cette discrétion étrange : « Tenue à la Grégorienne, l’université jésuite romaine, la rencontre à huis clos se défend de servir de base à une ‘stratégie progressiste’ à l’approche d’un nouveau Synode, qui s’annonce difficile. Son objectif était, en amont de ce rendez-vous important, d’identifier comment articuler pratique pastorale et fidélité face aux situations conjugales et familiales complexes que l’Eglise rencontre sur le terrain : secondes unions stables, unions homosexuelles également stables et fidèles ou encore unions hors mariage fécondes.
(…) ‘Les mots les plus prononcés ont été miséricorde, accueil, pardon, accompagnement, gradualité, pédagogie divine. Les mots récusés : réglementation, formalisme, rigorisme’, résume un participant. »
Malgré tout La Croix doit reconnaître : « On ne peut pas arriver à la fin de ce deuxième Synode en répétant ce que l’Eglise a toujours dit », a prévenu un des invités l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale à Fribourg, cité par l’AFP, selon qui les participants veulent « que des choses bougent ».
Dans le National Catholic Register du 26 mai, le vaticaniste Edward Pentin signale la présence à cette rencontre du père Eberhard Schockenhoff, théologien moraliste : « les catholiques allemands de tournure plus traditionnelle y voient le ‘cerveau’ des attaques contre l’enseignement certain de l’Eglise au sein de l’épiscopat allemand. Il est connu comme critique de Humanae vitae et comme soutien du clergé homosexuel, ainsi que de tous ceux qui demandent une modification de l’éthique sexuelle. Dès 2010, il accordait un entretien où il rendait hommage à la permanence et à la solidarité que l’on constate au sein de certaines unions homosexuelles, d’une réelle ‘valeur éthique’ (sic), disait-il. Toute évaluation des actes homosexuels ‘doit être reléguée à l’arrière-plan’ parce que les fidèles se distancient toujours davantage de la ‘morale sexuelle catholique’ qui leur paraît ‘irréaliste et hostile’, affirmait-il. Le pape et les évêques ‘doivent prendre cela au sérieux et ne pas rejeter ces idées comme laxistes’, déclarait-il. Sans surprise, il propose de ‘libérer’ la théologie morale de la ‘loi naturelle’ et déclare que la conscience doit s’appuyer sur ‘l’expérience de vie des fidèles’. Il est partisan de l’accès des divorcés remariés à la communion au motif que cela ‘ne remet pas sérieusement en cause l’indissolubilité du mariage’ (sic). »
Sur le site ACI Stampa, le 27 mai, le journaliste italien Andrea Gagliarducci révèle comment s’est déroulé le conciliabule de la Grégorienne : « La réunion était strictement à huis clos, même si certains journalistes ont été autorisés à entrer, à condition qu’ils rapportent les propos tenus sans mentionner qui que ce soit par son nom. Et les observations finales ont été faites par le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence épiscopale allemande, et un de ceux qui, plus que tout autre, se sont battus au dernier Synode pour un aggiornamento substantiel de la doctrine sur les divorcés remariés et de la pastorale sur les homosexuels, avec pour slogan ‘le langage de l’Eglise n’est pas celui de l’exclusion’. (…)
« Plutôt que la recherche d’une stratégie pour le prochain synode, la réunion semble avoir représenté plutôt un sondage pour comprendre combien pourraient se mettre d’accord sur des positions d’ouverture totale en termes de pastorale de la famille. Un avant-goût de ce que pourrait être le prochain Synode des évêques, avec un groupe de personnes prêtes à agir dans la coulisse pour essayer de faire bouger l’opinion publique, et la porter contre les conclusions de l’assemblée, au cas où celles-ci ne respecteraient pas un certain sentiment commun. (…)
« La tonalité générale de la discussion était d’adapter la pastorale aux signes des temps, a raconté à ACI Stampa l’un des participants. Mais le secret le plus absolu est maintenu sur le contenu de la discussion. Un autre participant a souligné, demandant de ne pas mentionner son nom, qu’ ‘il est malheureusement interdit par les organisateurs de donner des interviews au sujet de la conférence’. »
Toutefois la bibliste Anne-Marie Pelletier a accordé un bref entretien à l’agence française I.Media, où elle a déclaré : « Tout le monde, ici, se place dans la fidélité au Christ. Chacun de nous a le sentiment d’avoir fait un acte ecclésial d’obéissance à l’Evangile. Ce qui me frappe, c’est que nous avons pris le risque de la nouveauté. Si l’Evangile c’est le Christ, nous sommes forcément attirés dans une problématique de l’inédit, de la nouveauté, où pour rester fidèle à la tradition il faut dire les choses autrement. Il s’agit de la vraie fidélité à la tradition et c’est évidemment plus coûteux que de concevoir la tradition comme la répétition d’une seule et même chose. » – Sans commentaire.
Dans la Nuova Bussola du 27 mai, Lorenzo Bertocchi, sous le titre « La révolution sexuelle dans l’amphi de la Grégorienne », écrit que, lors de cette rencontre, il a été question « avant tout, des unions homosexuelles. Parce que l’occasion du référendum irlandais était trop belle. Et, en fait, un très anonyme ‘prêtre et théologien allemand’ aurait dit que ‘la question n’est pas le thème du Synode, mais elle est de toute façon matière culturelle. Si entre deux personnes du même sexe, il y a une relation très forte, portant à une reconnaissance, elle doit devenir une contrainte pour l’Eglise aussi’. Il suffit de ne pas l’appeler mariage.
« Un ‘professeur’, en revanche, aurait exposé une idée très personnelle de la fidélité conjugale. ‘Avec l’allongement de la vie – rapporte le seul média italien admis (La Repubblica, ndlr) – la frontière de la fidélité se déplace elle aussi. Mais la discipline de l’Eglise, (est) loin d’être immobile. Après un échec, un abandon, on peut s’engager dans une nouvelle vie avec une autre personne. Ces problèmes nous viennent aussi de personnes engagées dans le magistère, en plus des fidèles’. (Applaudissements de la salle)
« La question, on le sait, tourne autour d’une interprétation du développement du dogme qui va au-delà de l’homogénéité, pour pousser vers la transformation. Un ‘évêque allemand’ a affirmé que ‘les dogmatiques disent que l’enseignement de l’Eglise est fixe. Au contraire, il y a un développement. Et nous avons besoin d’un développement de la sexualité’. Le problème est précisément de savoir où on veut en venir avec le ‘développement’, le cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l’a répété maintes et maintes fois. A cet égard, les paroles d’Anne-Marie Pelletier à Vatican Insider sont significatives. La bibliste française, qui a assisté à la réunion, a déclaré que ‘si, à la fin du Synode, l’Eglise continue à affirmer ce qu’elle a toujours dit, ce serait un échec’.
« Mais revenons à l’amphi de la Grégorienne, où sont cités généreusement Freud et Fromm, parmi les gourous de la révolution sexuelle, et certains théologiens ne font pas dans le subtil pour placer leurs arguments. ‘L’absence de sexualité – a dit l’un des intervenants – peut être comparée à la faim, à la soif… (etc., usque ad nauseam, ndlr)’.
« La discussion a ensuite porté sur la manière dont est possible un ‘développement’ du dogme, parce qu’on ne peut pas perdre le contact avec les gens. Au fond, tout est contenu dans une question lancée par un ‘prêtre et professeur’, un dilemme qui a secoué les tables où les participants étaient assis. ‘Que pouvons-nous dire à une jeunesse qui ne se retrouve pas dans les orientations de l’Eglise ? Comment mettre en place une pratique de l’eros ? Ici, nous sommes confrontés à des problèmes avec lesquels nous devons compter, sinon les gens finiront par s’éloigner’. »
Le 29 mai, sur son blog chiesa, le vaticaniste italien Sandro Magister commente cette « réunion très discrète » : « L’épiscopat allemand représente la pointe la plus avancée et la plus combative de ce front réformiste. La dernière en date de ses déclarations officielles – elle a été diffusée, en plusieurs langues, au commencement de ce mois de mai – a été sa réponse au questionnaire qui avait été distribué par Rome dans la perspective de la prochaine session du Synode. En lisant cette déclaration, on constate que l’Allemagne met déjà largement en pratique ce que le magistère de l’Eglise interdit et que le Synode devrait encore discuter. C’est-à-dire l’accès des divorcés remariés à la communion, l’acceptation des remariages de divorcés, l’approbation des unions homosexuelles. »
La rencontre des évêques africains au Ghana
Organisée par le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, la rencontre avait pour thème : « La famille en Afrique. Quelles expériences et quelles contributions pour la XIVe assemblée ordinaire du Synode des évêques ?« . Elle n’a pas eu droit au même traitement médiatique que la journée d’études du 25 mai à la Grégorienne.
Le 15 juin, sur son blog chiesa, Sandro Magister la présente ainsi : « Cinq cardinaux et quarante-cinq évêques, en provenance du même nombre de pays d’Afrique, ont tenu une réunion à Accra, la capitale du Ghana, du 8 au 11 juin. Une rencontre qui a eu lieu au grand jour et non pas de manière presque secrète comme celle de certains de leurs collègues allemands, français et suisses qui s’étaient donné rendez-vous, quelques jours plus tôt, à l’Université pontificale grégorienne, à Rome.
« L’objectif était le même pour les deux rencontres : préparer la prochaine session du Synode consacré à la famille. Toutefois, alors que la réunion qui s’est tenue à l’Université grégorienne avait pour objectif de changer la discipline de l’Eglise en ce qui concerne le divorce et l’homosexualité, l’orientation de celle qui a eu lieu à Accra avait un but opposé.
« La feuille de route a été donnée par le cardinal guinéen Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin, dès les premières phrases qu’il a prononcées : ‘ne pas avoir peur de réaffirmer l’enseignement du Christ à propos du mariage’; ‘au synode, parler de manière claire et d’une seule voix, avec un amour filial envers l’Eglise’ ; ‘protéger la famille contre toutes les idéologies qui tendent à la détruire et, par conséquent, également contre les politiques nationales et internationales qui empêchent de promouvoir ses valeurs positives’. Cette feuille de route a recueilli un consensus complet. (…)
« En plus de Sarah, les autres cardinaux africains présents étaient le Camerounais Christian Tumi, le Kenyan John Njue, le Tanzanien Polycarp Pengo et l’Ethiopien Berhaneyesus D. Souraphiel, qui a été créé cardinal par le pape François lors du dernier consistoire. (…)
« Afin de répondre à la question contenue dans le titre, les prélats présents ont discuté, le premier jour, sur la base de quatre introductions thématiques, avant de se répartir en groupes de travail et, le jour suivant, à partir de cinq autres schémas de discussion. L’un de ces schémas, qui était intitulé « Les attentes du Synode« , a été lu aux membres du groupe par le théologien et anthropologue, le père Edouard Ade, secrétaire général de l’Université Catholique d’Afrique Occidentale, qui est implantée à Cotonou, au Bénin, et à Abidjan, en Côte d’Ivoire. »
Voici quelques extraits du rapport du P. Ade qui répondent sans détour aux propositions progressistes des évêques européens :
– Les illusions d’une pseudo-ouverture : « Les Pères synodaux doivent être au clair avec les illusions d’une pseudo-ouverture au monde. A en croire les médias, un pays qui semble prendre la tête des artisans de l’ouverture de la doctrine catholique aux réquisits du monde contemporain, est l’Allemagne. Mais si nous comparons les statistiques de pratiques religieuses qui nous viennent de ce pays, elles sont révélatrices d’une grande illusion : les communautés protestantes qui bénissent déjà des unions homosexuelles et qui acceptent le divorce, l’avortement et l’euthanasie n’ont que 3,5% de pratiquants contre 10,8% pour les catholiques. Il est donc faux que l’ouverture au monde augmentera le nombre de pratiquants catholiques. Au contraire, une telle ouverture de dilution dans l’esprit du monde ôterait à l’Eglise l’énorme chance qu’elle a de présenter aux jeunes les valeurs d’absolu qu’ils iront malheureusement, faute de mieux, chercher dans les groupes extrémistes, les groupes djihadistes, les groupes terroristes, etc. Car, plus qu’on ne le pense, la génération montante est en quête de sens et de valeurs spirituelles élevées. Elle est fatiguée de la culture consumériste que lui impose le monde globalisé ; et elle attend sans le dire de voir une Eglise solidement enracinée en Jésus-Christ qui ait le courage de lui proposer les valeurs hautes, de lui présenter la sainteté comme une voie accessible à tous. »
– Nécessité d’appliquer au Synode les règles du discernement des esprits : « L’Eglise en Synode ne doit pas poursuivre la fin qui est la sienne de façon oblique. Cette marche vers la fin requiert droiture de la pensée et pureté de l’intention, comme l’enseigne Baudouin de Ford. Il arrive en effet, que ‘certaines choses peuvent prendre l’aspect de vertus véritables, comme d’ailleurs de vices, et tromper les yeux du cœur. Par leurs séductions propres, elles peuvent troubler la vue de notre intelligence au point de lui faire prendre souvent pour du bien des réalités mauvaises en fait, et inversement de lui faire discerner du mal là où, en fait, il n’y en a pas. C’est là un aspect de notre misère et de notre ignorance, qu’il nous faut beaucoup déplorer et grandement redouter’. C’est pour cela que l’apôtre saint Jean nous recommande d’éprouver les esprits pour voir s’ils viennent vraiment de Dieu. Grâce à ce sens du discernement, les Pères synodaux doivent rester vigilants sur la stratégie de l’Ennemi du genre humain qui, comme un lion, rugit et rode, cherchant qui dévorer. En fait, il fait le tour de l’Eglise pour voir par quel point faible s’engouffrer. Nous sommes invités à lui résister dans la foi (cf. 1 P 5,8–9). »
– Repérer les oppositions artificielles : « L’une de ses grandes manœuvres (celles de l’Ennemi du genre humain) est de faire beaucoup de publicité en créant artificiellement des oppositions : on entendra les médias parler beaucoup de ‘conservateurs’ et de ‘rénovateurs’, de ceux qui sont pour la ‘doctrine élitiste’ et de ceux qui sont pour la ‘pastorale relativiste’. Dans ces oppositions artificielles, poussées à l’extrême, il va créer des positions intermédiaires cherchant à proposer des positions attendrissantes avec des ‘aménagements minimes’. Mais en fait, comme nous l’enseigne la géométrie, le plus petit écart au point de départ devient un grand écart au point d’arrivée. Donc la stratégie ici sera de trouver la plus petite ‘ouverture’ qui pourra contenter toutes les parties pour le temps du Synode. Mais l’herméneutique de cette ‘petite concession’ – pensons ici aux cas particuliers pour lesquels certains dont on ne peut douter de l’orthodoxie, réclament une attention miséricordieuse – pourra demain conduire à de grandes divergences doctrinales. Il faudra peut-être expliquer aux médias que les Pères synodaux ne vont pas en compétition à Rome avec l’espoir de ramener pour leurs Eglises locales des trophées. Il n’y a qu’une seule victoire à attendre : celle de l’esprit de l’Evangile sur l’esprit du monde. »
– Dénoncer les anticipations pastorales hasardeuses : « Certains pasteurs sans l’autorisation du Saint-Siège ont déjà introduit des pratiques contraires à la discipline commune et cherchent à voir le Synode entériner de telles pratiques. De telles attitudes pastorales doivent être dénoncées avec la dernière rigueur. »
– Nécessité d’une grande vigilance : « La méthode utilisée par le Prince de ce monde pour essayer de déstabiliser l’Eglise est celle du ‘cheval de Troie’. Et voici les ‘troyens’ qu’il pourrait poster tout au long de l’assemblée synodale :
« 1. Inventer un ‘nouveau langage’ pour les vérités inviolables : ce réquisit d’un nouveau langage à trouver est très présent dans la Relatio Synodi et dans tous les débats qui se mènent depuis la clôture de l’assemblée extraordinaire d’octobre 2014. Il est vrai que la nouvelle évangélisation et l’effort d’inculturation de la foi dans le monde contemporain appellent une forme de communication qui rejoigne le contemporain, un peu comme Jésus utilisait en son temps les paraboles pour se faire comprendre de ses auditeurs. Mais comme l’Evangile nous le montre, ces mêmes paraboles n’étaient pas comprises de tous, même des disciples qui partageaient la même vie que Jésus. Il fallait qu’il leur explique en particulier le sens des paraboles. Avons-nous le droit d’occulter ce travail de l’explication ? Est-ce vraiment le mot qui dérange le contemporain ou la réalité à laquelle renvoie le mot ? (…)
« 2. Le discours sur les valeurs : dans la Relatio Synodi, il a été aussi beaucoup question des valeurs positives à trouver chez les ‘divorcés remariés’, dans les ‘unions homosexuelles’, etc. Il y a lieu ici de maintenir fermement à l’école de saint Thomas d’Aquin la distinction entre l’affirmation du ‘bien’ chez le pécheur et l’affirmation du ‘bien’ dans sa situation peccamineuse. Autrement il faudrait dire aussi que la polygamie entre baptisés est une valeur, car c’est bien de cela qu’il s’agit dans le cas des ‘séparés-réengagés’ (i.e. divorcés ‘remariés’). Pour forcer la comparaison : admettre qu’il y a des valeurs positives dans ces unions contraires à l’Evangile, c’est reconnaître aussi qu’il y a du bien dans un groupe de terroristes, dans une mafia ou toute autre association du genre, pour la simple raison que les gens qui vivent dans ces réseaux sont capables d’oubli de soi, de solidarité, de fidélité et de bien d’autres valeurs que l’on retrouve dans des associations de bienfaisance.
« 3. ‘Idéalisation’ des exigences évangéliques : il est une expression qui revient souvent dans les discussions en cours sur la famille chrétienne et le mariage catholique avec son indissolubilité, son unicité, ses exigences de fidélité et son ouverture à la procréation. Ils sont présentés comme des ‘idéaux’. Derrière cette forme de présentation se cache en fait un grand danger, car avec cela l’observation des commandements de Dieu est présentée comme un but élevé, mais inatteignable par le commun des mortels. S’il en était ainsi, l’Evangile ne serait pas une Bonne Nouvelle pour l’homme mais un fardeau qu’il serait inutile de lui proposer.
« 4. Les ambiguïtés et les propos équivoques : déjà dans la Relatio Synodi mais aussi dans les débats qui se mènent aujourd’hui, il s’opère des glissements dans les formulations. On commence par dire une chose qui doctrinalement ne souffre aucune contestation et l’on finit par une proposition irrecevable ou équivoque. Ainsi il est dit : nous ne voulons pas de ‘mariage pour tous’, mais nous plaidons pour que l’Eglise tienne compte des ‘valeurs vécues’ dans d’autres formes d’union stable, fidèle, etc.
« Or saint Ignace nous a prévenus sur de telles idées : examiner si le début bon conduit à une bonne fin, car l’Ennemi du genre humain a l’art de se transformer en Ange de lumière. Il suggère à l’âme fidèle des pensées conformes à la piété et finit par l’entraîner dans ses idées perverses. C’est pour cela que saint Ignace nous recommande de savoir reconnaître le serpent à sa queue. »
Commentaire : Le document du P. Ade répond avec une grande pertinence aux propositions hétérodoxes des cardinaux Walter Kasper et Reinhard Marx. Il faut souhaiter que dans une prochaine étape, le P. Ade applique le même discernement critique à certains documents conciliaires qui, de l’aveu de leurs rédacteurs, contenaient eux aussi des ambiguïtés sémantiques et doctrinales, destinées à être exploitées ultérieurement en faveur d’une ouverture toujours plus grande à l’esprit du monde.
Reprenant le titre de l’ouvrage du père Ralph Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre (Dominique Martin Morin éd.), on espère que, formés au discernement des esprits et exerçant un juste sens critique, les évêques africains empêcheront le Rhin de se jeter dans le lac Volta (Ghana) ou, plus exactement, qu’ils ne permettront pas à une doctrine et à une pastorale frelatées de venir polluer ces pays de mission qui devront, en octobre prochain, rappeler à l’Europe ce qu’ils ont reçu d’elle, au temps où elle était vraiment missionnaire. Car on ne doit souhaiter qu’une victoire : « celle de l’esprit de l’Evangile sur l’esprit du monde ».
Sources : Figaro/Croix/NCr/Acistampa/IMedia/Nuova Bussola/chiesa/trad. J. Smits, benoitetmoi, Ch. de Pechpeyrou – DICI n°318 du 10/07/15