Attends, je regarde sur Wikipedia !

Crédit photo : Gerd Altmann / Pixabay

Wikipédia est une ency­clo­pé­die gra­tuite et en libre contri­bu­tion fon­dée par l’américain Jimmy Wales en 2001 qui contient en jan­vier 2021 envi­ron 2 200 000 articles. Chacun peut créer ou modi­fier un article dans la mesure où il res­pecte les prin­cipes fon­da­teurs (prin­cipe de neu­tra­li­té, licence libre et res­pect des règles de savoir-​vivre), sans obliga­tion d’avoir de pseu­do­nyme. Le carac­tère gra­tuit de cette ency­clo­pé­die la rend incon­tour­nable dans la recherche des infor­ma­tions : n’importe quelle sol­li­ci­ta­tion d’un moteur de recherche met en exergue un article de Wikipédia sur le sujet. 

L’argumentation de cet article s’applique essen­tiel­le­ment aux sujets les plus contro­versés de l’histoire, de l’actualité et des sciences. Il est évident que cette ency­clo­pé­die sera fiable pour ce qui concerne les infor­ma­tions secon­daires ou non débat­tues comme la date de la bataille de Marignan ou la des­crip­tion de la struc­ture chi­mique de l’iode. Notre cri­tique a toute sa valeur pour ce qui concerne les véri­tés stra­té­giques de l’his­toire, de la phi­lo­so­phie et de la science, c’est-à-dire celles qui struc­turent la connais­sance du monde.

Trois pro­blèmes majeurs découlent des prin­cipes fon­da­teurs de l’encyclopédie.

Le problème de la véracité des informations :

Wikipédia est une ency­clo­pé­die dont le point de vue est neutre, c’est à dire que les infor­ma­tions sont pré­sen­tées en pro­por­tion de leur noto­rié­té et du consen­sus dont elles font l’objet. L’encyclopédie explique ce prin­cipe de neu­tra­li­té de point de vue : « On ne peut don­ner plus de poids à une opi­nion ou à une thèse qu’elle n’en pos­sède réelle­ment, et pré­sen­ter ain­si une vue mino­ri­taire voire ultra-​minoritaire comme ayant autant de poids qu’une vue lar­ge­ment accep­tée.[1]»

En d’autres termes, il faut res­pec­ter un prin­cipe de pro­por­tion dans la pré­sen­ta­tion des dif­fé­rentes thèses, en trai­tant cha­cune en fonc­tion de sa « noto­rié­té », c’est-​à-​dire au nombre de ses sources, que chaque inter­naute peut diver­si­fier et aug­men­ter. Or la pré­sen­ta­tion des infor­ma­tions en fonc­tion d’un consen­sus fait abs­trac­tion de la véra­ci­té de ces infor­ma­tions, c’est à dire du lien entre l’idée expri­mée et la réalité.

Wikipédia est donc une ency­clo­pé­die qui fait abs­trac­tion de la véra­ci­té des informa­tions qu’elle pré­sente pour pri­vi­lé­gier leur noto­rié­té. Le risque est évident : elle pour­ra de la sorte pré­sen­ter des erreurs comme vraies en rai­son du consen­sus dont elles font l’objet.

Ainsi dans un article sur l’é­vo­lu­tion Wikipédia n’é­cri­ra pas, en par­ti­cu­lier dans l’intro­duction, que « deux thèses s’op­posent : la sélec­tion natu­relle selon Charles Darwin d’un côté, et le créa­tion­nisme de l’autre. » Mais on écri­ra plu­tôt : « la théo­rie darwi­nienne de l’é­vo­lu­tion est sou­te­nue par l’en­semble de la com­mu­nau­té scien­ti­fique mais cer­tains mou­ve­ments reli­gieux mino­ri­taires la con­testent au nom du créa­tionnisme.[2]» De plus, une source d’information qui pré­sente des connais­sances sui­vant le consen­sus dont elles font l’objet éta­blit un clas­sement des connais­sances de façon démocratique.

En conclu­sion, Wikipédia fait un tri des connais­sances de façon démocra­tique tout en les décon­nectant de la réa­li­té. L’en­cyclopédie se fait ain­si un organe effi­cace de la Pensée Unique, c’est à dire qu’un fait est consi­dé­ré comme vrai non pas parce qu’il s’est réel­le­ment pro­duit, mais parce qu’il est offi­ciel­le­ment recon­nu et enseigné.

Le problème de l’information travestie

Un même évé­ne­ment objec­tif est expo­sé dif­fé­rem­ment par les sujets qui la perçoi­vent (dans le choix du voca­bu­laire, des dé­tails rela­tés, dans l’esprit de la rédac­tion, etc.). Cela peut aller très loin, sur­tout si l’intelligence est faus­sée : cer­taines idéolo­gies ont l’ambition de relire et réin­ter­pré­ter à leur manière les faits pas­sés et même tout type de connais­sance. Ce genre de manipu­lation de l’information est très actuel et trouve un exemple patent dans le cas de l’avortement qui est aujourd’hui dési­gné par le terme épu­ré d’« acte médi­cal » ou d’« IVG » alors qu’il s’agit d’un type spéci­fique d’assassinat.

Wikipédia est en libre contri­bu­tion et cha­cun peut pré­sen­ter l’informa­tion selon sa manière de voir (dans le choix du vo­cabulaire, des détails rela­tés, dans l’esprit de la ré­daction, etc.). Or la ma­nière de pré­sen­ter l’infor­mation (de façon incom­plète ou sans nuance ou encore sim­ple­ment faus­sée) peut la tra­ves­tir et ser­vir cer­taines idéo­lo­gies ou cer­taines causes de pro­pa­gande, ce qu’on constate par exemple dans l’article « Révolution Française ». Le terme géné­ral de « vio­lences » y est pré­fé­ré au terme « mas­sacres » plus ennuyeux car il sug­gère un cou­pable (les révo­lu­tion­naires) et des vic­times (la popu­la­tion réfrac­taire ou l’Église) :

« Elle fut mar­quée par des périodes de grande vio­lence, notam­ment pen­dant la Terreur, dans le cadre de la ten­ta­tive de contre-​révolution de la guerre de Vendée, au cours de laquelle plu­sieurs cen­taines de mil­liers de per­sonnes trou­vèrent la mort, lors des insur­rec­tions fédé­ra­listes ou dans le cadre de luttes entre fac­tions révolution­naires rivales, qui ont abou­ti à la mort suc­cessive des prin­ci­pales figures révolution­naires.[3]»

Wikipédia peut donc pré­sen­ter des informa­tions tra­ves­ties qui servent cer­taines causes de pro­pa­gande sui­vant les per­sonnes qui contribuent.

On peut faire le même constat pour l’article « Voltaire ». Chacun connaît le racisme as­sumé de ce triste indi­vi­du qui n’hésite pas à écrire : « Enfin je vois des hommes qui me paraissent supé­rieurs à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres ani­maux de cette espèce.[4]»

Wikipédia lui-​même défi­nit le racisme comme une idéo­lo­gie qui, par­tant du postu­lat de l’exis­tence de races au sein de l’es­pèce humaine, consi­dère que cer­taines caté­gories de per­sonnes sont intrin­sè­que­ment supé­rieures à d’autres. Or voi­ci ce qu’on trouve dans l’article « Voltaire » sur Wikipédia :

On doit lire Voltaire avec les réfé­rences du XVIIIe siècle : le mot « race » à cette époque n’a pas du tout le sens que lui a don­né le XIXe siècle et n’a aucune connota­tion péjo­ra­tive (du fait que l’eu­gé­nisme scien­ti­fique n’est pas encore pré­sent au XVIIIe siècle), ain­si que le terme « intel­li­gence ». « Race » désigne davan­tage un ca-​RAC-​tère, un genre, un type, et « intel­li­gence » les qua­li­tés intel­lec­tuelles propres.

Et encore : D’autres notent que l’existence de pas­sages contra­dic­toires dans l’œuvre de Voltaire ne per­met pas de conclure pé­remptoirement au racisme ou à l’antisémi­tisme du phi­lo­sophe.[5]

Personne n’ignore que Voltaire étant un per­son­nage sacré de la République, son ra­cisme est aujourd’hui gênant en rai­son de l’idéologie ambiante alors qu’il ne posait pas de dif­fi­cul­té lors de la Révolution.

Le problème de l’argument d’autorité :

L’esprit humain sai­sit la véra­ci­té d’une idée sui­vant qu’il en a l’évidence (appré­hen­sion par les sens), ou qu’il la déduit par raisonne­ment (démons­tra­tion). Toutes les véri­tés ne sont cepen­dant pas connues uni­que­ment de ces deux manières par notre esprit : beau­coup ne sont consi­dé­rées comme vraies qu’en rai­son de la fia­bi­li­té de la source qui trans­met l’information, c’est l’argument d’autorité[6].

Un élève-​officier de Saint Cyr n’a jamais vu la bataille d’Austerlitz et ne la ver­ra jamais. Cependant il en connaît l’existence avec cer­ti­tude et a vibré aux héroïques exploits de ses pré­dé­ces­seurs par le récit qu’en a fait son pro­fes­seur d’histoire.

Ainsi dans le cas où il n’y a pas l’évidence de la véra­ci­té d’une infor­ma­tion ou qu’on ne peut la déduire, il est natu­rel de faire confiance à une source d’information lors­que celle-​ci est suf­fi­sam­ment cré­dible, comme un pro­fes­seur d’histoire.

Wikipédia est une source d’information à libre contri­bu­tion qui met sur le même plan l’autorité de tous les experts et scien­ti­fiques dont cer­tains ne sont pas dignes de con­fiance en rai­son de leur idéo­lo­gie favo­ri­sant une relec­ture du pas­sé. On trouve un exemple de cela au sujet du géné­ral révo­lu­tion­naire Westermann, qui a dit à l’issue des mas­sacres en Vendée :

« Il n’y a plus de Vendée, citoyens républi­cains. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’a­viez don­nés, j’ai écra­sé les enfants sous les sabots des che­vaux, mas­sa­cré les femmes, qui, au moins pour celles-​là n’en­fanteront plus de Brigands. Je n’ai pas un pri­son­nier à me repro­cher. J’ai tout exterminé. »

On peut lire dans l’article « François-​Joseph Westermann » de Wikipédia un commen­taire de cette citation :

« L’authenticité de cette cita­tion est cepen­dant mise en doute par l’his­to­rien Alain Gé­rard, qui attri­bue l’in­ven­tion de ce pas­sage à l’his­to­rien légi­ti­miste Jacques Crétineau- Joly.[7]»

Il faut savoir que l’historien Alain Gérard est enga­gé dans la mou­vance stalino-​maoïste, la pire expres­sion poli­tique du com­mu­nisme[8], lequel relit l’histoire selon le prisme marxiste.

On ne peut dire qu’une source d’informa­tion qui met sur le même plan l’autorité de tous les experts et scien­ti­fiques dont cer­tains ne sont pas dignes de confiance en rai­son de leur idéo­lo­gie favo­ri­sant une relec­ture du pas­sé soit une source cré­dible et digne de confiance.

Wikipédia n’est donc pas une source fiable, c’est à dire suf­fi­sam­ment cré­dible et digne de confiance.

Un instrument efficace de propagande

Comme l’a indi­qué la Vierge Marie à Fatima, « la Russie répan­dra ses erreurs dans le monde entier ». Avec le recul des années, nous pou­vons trans­crire cette phrase en uti­lisant les termes désor­mais indi­qués par l’histoire : l’URSS a répan­du l’idéologie maté­ria­liste der­rière le rideau de fer et au-​delà. Comme toute Révolution, l’idéologie com­mu­niste a sur­vé­cu à la chute de l’insti­tution qui lui a don­né le jour pour se perpé­tuer avec d’autres visages, d’autres adminis­trations, sous d’autres cieux.

Parmi les grands ins­tru­ments de la marche vers un gou­ver­ne­ment maté­ria­liste mon­dial[9], inter­net et toutes ses appli­ca­tions sont d’un grand secours. Or concer­nant la révo­lu­tion cultu­relle, Wikipédia est un pré­cieux atout puisqu’il est gra­tuit, acces­sible à tous et don­nant des réponses immé­diates. A la vitesse du clic nous sommes connec­tés à la pro­pa­gande telle qu’elle a été ima­gi­née par Orwell dans « 1984 » ou mise en pra­tique par les ser­vices de pro­pa­gande sovié­tiques, chi­nois ou fas­cistes[10].

Mao Zedong avait fal­si­fié l’histoire de fa­çon bru­tale en détrui­sant les monu­ments et le sou­ve­nir des Quatre Vieilleries (Anciennes Habitudes, Idées, Coutumes et Culture) sui­vant la doc­trine com­mu­niste : « Du pas­sé fai­sons table rase ». Or ce que Mao a fait, Wikipédia a tout pour le faire, et de façon col­la­bo­ra­tive et démo­cra­tique, en toute impunité.

En pra­tique elle le fait pour cer­tains sujets bien ciblés (ce qui touche à la théo­rie de l’évolution, à la révo­lu­tion fran­çaise, crise moder­niste, crise sani­taire, mon­dia­lisme et à tous les sujets struc­tu­rants de l’his­toire, de la phi­lo­so­phie et de la science).

Ainsi trouvons-​nous dans l’article « mariage », une notion fon­da­men­tale pour la socié­té, la défi­ni­tion : « Le mariage est une union conju­gale contrac­tuelle et/​ou rituelle, à durée illimi­tée, déter­mi­née ou indéter­minée, recon­nue et enca­drée par une ins­ti­tu­tion juri­dique ou reli­gieuse qui en déter­mine les modali­tés » , qui inclut les unions contre-​nature. Le Robert défi­nis­sait la même notion en 1970 : « Union légi­time d’un homme et d’une femme ». La déna­tu­ra­tion de la réa­li­té du mariage a pro­vo­qué la déna­tu­ra­tion de sa défi­ni­tion, évo­lu­tion datée en France de 2013 et qui a lieu dans le monde depuis 2001, ce qui est enté­ri­né par Wikipédia.

La libre contri­bu­tion nous ras­sure – Oh, cette ency­clo­pé­die est issue de la contribu­tion com­mune, elle est donc fiable – et ce­pendant ne nous y trom­pons pas : l’informa­tion reste sur Wikipédia si (et seule­ment si) elle est offi­cielle, c’est à dire cor­res­pond au cou­rant actuel de pen­sée. Sinon, elle est re­lativisée ou éva­cuée par les logi­ciels de ges­tion (les « bots ») ou par le 0,7 % des con­tributeurs (soit 530 per­sonnes) qui produi­sent 50% des articles pré­sents sur l’encyclopédie[11]. Aujourd’hui la cen­sure est décriée lorsqu’elle pro­tège la véri­té, mais elle est lar­ge­ment pra­ti­quée lorsque, au détri­ment de celle-​ci, elle sert les inté­rêts du moment.

Nous trou­vons par exemple dans l’article « femme » en 2004 : « Une femme est un être humain adulte de sexe fémi­nin[12]». Le même ar­ticle dit aujourd’hui en 2021 : « Une femme est un être humain de sexe ou de genre fémi­nin et d’âge adulte ». La théo­rie du genre étant l’idéologie du moment, la défi­ni­tion d’une réa­li­té aus­si immuable que celle de la femme est ame­née à évo­luer pour être mise au goût du jour. La moindre modi­fi­ca­tion par un tiers est immé­dia­te­ment sup­pri­mée par un bot.

Wikipédia est donc la trans­crip­tion en temps réel de la Pensée Unique en rai­son de son mode de fonc­tion­ne­ment qui est de na­ture à fal­si­fier l’information. Malheureuse­ment elle fait aujourd’hui auto­ri­té sur tous les sujets.

Alors que faire ?

Rien ne se perd. Jamais. Revenons à nos bonnes vieilles biblio­thèques où l’information ne varie pas, où les auteurs font auto­ri­té en rai­son de leur crédi­bilité, où le grand récit de l’histoire ne change pas sui­vant la pro­pa­gande du moment.

Ayons les idées claires, aimons à creu­ser cer­tains sujets qui sont détour­nés par la pro­pagande actuelle en uti­li­sant de bons guides : ces his­to­riens, ces phi­lo­sophes et ces scien­ti­fiques qui ont eu le cou­rage d’af­firmer les véri­tés contre les erreurs dominantes.

Au nom de l’Intelligence, repre­nons avec plai­sir les bons vieux livres que nous avions délais­sés et souf­flons la pous­sière accumu­lée sur la tranche : écou­tons le bruit des pages qui nous enseignent la science issue des siècles et ouvrons nos esprits aux véri­tés sans âge. Certes, l’écran lumi­neux ne déploie­ra pas devant nos yeux les flots char­meurs de la mou­vante actua­li­té ; mais le Livre fixe­ra dans nos esprits et dans nos cœurs la rigou­reuse Histoire des hommes, ses leçons, leurs gran­deurs et leurs erreurs. À l’école de la Vérité ain­si sau­ve­gar­dée, nous pour­rons alors pré­tendre lut­ter ferme­ment contre le mon­dia­lisme en marche en atta­quant de front la des­truc­tion métho­dique de la pensée.


Abbé Florent Marignol

Notes de bas de page
  1. Article « Neutralité de point de vue »[]
  2. Article « Neutralité de point de vue »[]
  3. Article « Révolution fran­çaise »[]
  4. Voltaire, Traité de Métaphysique, cha­pitre 5[]
  5. Article « Voltaire »[]
  6. Voir à ce sujet St Thomas, Somme Théologique, Ia IIae, qu.1, art. 4[]
  7. Aticle « Joseph Westermann »[]
  8. « L’esprit, l’é­lan, le prag­ma­tisme. Entretien avec Alain Gérard », Recherches ven­déennes n° 21, 2014, p. 136.[]
  9. Cf. Chroniques du Mondialisme, Pierre Hillard, Cultures et Racines, 2020.[]
  10. Cf. Petite Histoire de la Désinformation, Vladimir Volkoff, Editions du Rocher, 1999[]
  11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jimmy_Wales#Position_par_rapport_%C3%A0_Wikip%%20C3%A9dia[]
  12. Article « Femme »[]