Dans un entretien accordé au Catholic Herald, le cardinal Raymond Burke, l’un des deux survivants parmi les quatre cardinaux qui ont présenté leurs Dubia au pape François à propos de l’Exhortation Amoris laetitia, s’est expliqué sur ce qu’il avait voulu dire en parlant récemment de notre temps comme « réalistement apocalyptique », affirmant que la « confusion, la division et l’erreur au sein de l’Eglise » pouvaient être un signe de la fin des temps.
Un nouvel entretien explosif du cardinal Burke
« Aujourd’hui la confusion dans l’Eglise va encore plus loin, car elle porte sur le fait de savoir s’il y a des actes intrinsèquement mauvais ce qui, évidemment, constitue le fondement même de la loi morale. Lorsque ce fondement commence à être remis en question au sein de l’Eglise, alors, l’ordre de la vie humaine dans son ensemble et l’ordre de l’Eglise elle-même sont en danger », a‑t-il déclaré.
Et d’expliquer :
« Il y a donc le sentiment que, dans le monde d’aujourd’hui, fondé sur le sécularisme avec une approche complètement anthropocentrique qui nous fait penser que nous pouvons créer notre propre sens de la vie, de la famille, etc., l’Eglise elle-même semble être dans la confusion. En ce sens-là, on peut avoir le sentiment que l’Eglise donne l’apparence de ne pas vouloir obéir aux commandements de Notre Seigneur. Alors, peut-être, sommes-nous arrivés à la Fin des temps. »
Après avoir souligné qu’un an après la soumission des Dubia, aucune réponse ni même d’accusé de réception n’était venu du Saint-Père malgré le sérieux des questions posées, le cardinal Burke a refusé d’en dire davantage sur une éventuelle « correction »… « pour le moment ». Quant à sa récente nomination à un poste subalterne à la Signature apostolique, dont il avait naguère la charge, il a souligné que celle-ci est « d’une certaine manière logique » vu ses compétences en droit canonique et spécialement en jurisprudence : « Au-delà, je ne voudrais pas spéculer sur ce que cela peut vouloir dire », a‑t-il répondu à une question du journaliste Paolo Gambi.
Interrogé sur l’attitude du Vatican à l’égard du protestantisme, et notamment la phrase de Mgr Nunzio Galantino affirmant que la réforme avait été « un événement du Saint Esprit », et des rumeurs à propos d’une commission qui travaille sur une interprétation sacramentelle commune de l’Eucharistie – « Mourrons-nous tous protestants ? », a demandé Gambi –, le cardinal Burke a répondu :
« Eh bien, je ne vois pas comment on peut dire que la division de l’Eglise a été un acte du Saint Esprit. Cela ne veut tout simplement rien dire. Et je ne sais pas quelle est la nature de cette commission, mais il n’est pas possible d’avoir une célébration eucharistique en commun avec les luthériens, parce qu’ils ne croient pas en l’Eucharistie comme l’Eglise catholique l’enseigne, et de manière très significative, ils ne croient pas en la doctrine de la transsubstantiation, le fait que la substance du pain et du vin, au moment de la consécration de la messe, est changée en la substance du Corps et du Sang du Christ. Que des catholiques s’engagent dans une sorte d’Eucharistie œcuménique reviendrait à abandonner la foi catholique. Il s’agit là d’un œcuménisme profondément faux qui causerait un grave tort à la foi et aux âmes. »
A propos des célébrations liturgiques plus ou moins expérimentales, interrogé sur le fait de savoir si cette « nouvelle façon de célébrer la messe est une conséquence nécessaire de Vatican II », le cardinal Burke a répondu :
« La forme précise du rite révisé de la messe n’est pas une conséquence nécessaire du concile Vatican II. En fait, la réforme du rite de la messe telle qu’elle a été mise en œuvre n’a pas suivi de manière aussi fidèle qu’elle l’aurait dû ce que le concile Vatican II nous a enseigné et ce qu’il voulait. C’est pourquoi nous parlons aujourd’hui d’une « réforme de la réforme » : en d’autres termes, nous devons réexaminer de quelle manière le rite de la messe peut-être réformé de manière plus fidèle selon le Concile.
« Certainement, le Concile a ordonné quelques réformes du rite de la messe. Cependant, certains ont condamné la réforme parce qu’elle a été mise en œuvre de manière trop violente, d’une certaine manière, de telle sorte que tant d’aspects en ont été enlevés qu’il était difficile de voir la continuité entre les rites d’avant et après le Concile. Evidemment, cette continuité est essentielle, parce que le rite de la messe nous est parvenu depuis les premiers siècles chrétiens comme une réalité organique vivante ; on ne peut pas avoir une « nouvelle » messe au sens d’un rite totalement nouveau de la messe. Il nous faut d’une certaine manière exprimer la tradition apostolique telle qu’elle nous est parvenue. »
Paolo Gambi pose alors la question : « Est-il possible aujourd’hui de demander la liturgie traditionnelle et de ne pas être considéré, pour cette raison, comme un « ennemi » du pape François, voire de l’Eglise tout entière ? »
Le cardinal Burke répond :
« Oui ; en réalité, la célébration des deux formes du rite romain – la forme la plus ancienne traditionnelle, et la forme ordinaire – doit être considérée comme normale dans l’Eglise. Depuis le Motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI en 2007, les prêtres sont libres de célébrer la forme extraordinaire. Il ne doit donc y avoir aucune raison de croire que la célébration de la forme extraordinaire du rite romain est le signe de ce qu’une personne soit d’une façon ou d’une autre quelqu’un qui proteste contre le pape ou qui serait son ennemi. »
Evoquant le cas de Mgr Fonlupt de Rodez qui avait intégré des éléments hindous dans une messe d’ordination sacerdotale – et ce à deux reprises, en juin dernier comme nous le rapportions en juin dernier, et déjà en décembre 2012 – Paolo Gambi demande ce qui peut encore nous garder dans l’unité.
Réponse du cardinal : « Mieux que « ce » qui peut nous garder dans l’unité il faut parler de « qui ». Celui qui nous maintient dans l’unité est Jésus-Christ, qui vient à nous par la tradition ininterrompue de l’Eglise, dans son enseignement, son culte sacré, sa discipline et son gouvernement. Je n’ai pas entendu parler de l’épisode auquel vous faites allusion, mais un évêque qui prétend ordonner un prêtre selon un rite étranger a rompu la communion avec l’Eglise. »
A propos de la situation de l’Ordre de Malte le cardinal Burke a rappelé qu’il en a été de fait écarté : « Le pape a annoncé que son seul représentant auprès de l’Ordre est l’archevêque Mgr Becciu. Il m’a laissé le titre de « cardinal patron » mais je n’ai actuellement aucune fonction. Par conséquent je ne reçois aucune communication que ce soit de la part de l’Ordre de Malte ou du Pape. »
Pour finir, Paolo Gambi s’est autorisé une frivolité : « Pardonnez-moi de poser une dernière question bête : quelle serait votre première action si vous étiez élu pape ? » La réponse a fusé :
« Je ne crois pas qu’il existe une quelconque menace de cela. Je crois, sans me référer à moi-même, que la première chose que n’importe quel pape doit faire est simplement de faire une profession de foi avec l’Eglise tout entière, en tant que vicaire du Christ sur terre. La plupart des papes l’ont fait, la plupart du temps à travers une première lettre encyclique, comme celle de saint Pie X, l’encyclique E Supremi. De même, Redemptor hominis de Jean-Paul II est une sorte de profession de foi, qui rappelle une nouvelle fois que l’Eglise est le Corps du Christ, que l’Eglise appartient au Christ et que nous sommes tous obéissants à son service. »
Sources : catholicherald /Traduction de Jeanne Smits pour RITV