Un retraitant vient en chartreuse pour rencontrer Dieu, et il commence par rencontrer une personne inattendue : lui-même. La surprise n’est pas particulièrement agréable.
Témoignage d’un chartreux.
Cette surprise est pourtant nécessaire : la vie spirituelle sera un combat permanent, en particulier contre soi-même, et il faut connaître à la fois ses capacités et ses adversaires. « Car quel est celui de vous qui, voulant bâtir une tour, ne s’assied d’abord, et ne suppute les dépenses qui sont nécessaires, afin de voir s’il aura de quoi l’achever ? Ou quel roi, sur le point de faire la guerre à un autre roi, ne s’assied d’abord, afin d’examiner s’il pourra, avec dix mille hommes, marcher contre celui qui s’avance sur lui avec vingt mille ? » (Lc 14, 28 ; 31)
Alors que faut-il savoir ? En premier lieu, ce qu’est la nature humaine, avec ses grandeurs et les tares qui la frappent depuis le péché originel ; quels secours Dieu nous a prodigués avec la vie de la grâce ; mais aussi, et surtout, qui nous sommes. Il s’agit de se connaître soi-même avec son tempérament, ses fautes passées, ses mauvaises habitudes ainsi que ses qualités et ses facilités.
Ceci peut paraître facile. Et pourtant :
Chacun tourne en réalités,
Jean de La Fontaine, Le statuaire et la statue de Jupiter
Autant qu’il peut, ses propres songes :
L’homme est de glace aux vérités ;
Il est de feu pour les mensonges.
Il y aura là une première victoire à arracher : Dieu est vérité, et veut que nous aussi nous vivions dans le vrai, non dans les illusions que nous nous forgeons complaisamment. Pour cela, rien de plus profitable que de se considérer à la lumière de l’Evangile :
La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu, parce que nous y trouvons et Dieu et notre misère.
Blaise Pascal, Pensées, n°527 (éd. Brunschvicg).
Abbé Nicolas Cadiet