Saint Pierre invite à être soumis à toute autorité, tout en agissant comme des hommes libres. « Comportez-vous en hommes libres, non certes en hommes qui font de la liberté un voile jeté sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu. » (I Petr. 2, 16) Etonnante liberté qui consiste à être serviteur, là où saint Paul affirme : « nous ne sommes pas fils de la servante, mais de la femme libre, et cette liberté, c’est le Christ qui nous l’a donnée. » (Gal 4, 30)
Une servitude qui libère, un esclavage qui affranchit : s’agit-il là d’une pieuse langue de bois ? La démocratie moderne a eu le culot de parer sa tyrannie intellectuelle du vocable de liberté, aussi on est porté à se méfier. Mais la parole de Dieu, « plus pure que l’argent, purifiée sept fois au creuset » (Ps 11), pèse plus que notre fausse monnaie.
En quoi consiste la liberté chrétienne ?
Saint Jean de la Croix dit qu’une seule pensée de l’homme est plus grande que le monde, et que, partant, Dieu seul en est digne. Le cœur de l’homme est fait pour Dieu, rien de ce qui est en dessous de Dieu ne peut le contenter. Dès lors, l’âme devrait être indifférente à tout ce qui n’est pas Dieu. La vraie liberté n’est rien d’autre que cette indifférence d’une âme qui a mieux à faire que de s’amuser aux fanfreluches du monde, parce qu’elle veut s’ordonner à Dieu qui la dépasse et seul la comble.
L’esclavage consiste précisément à se laisser prendre par le monde : « L’homme n’échappe à l’obéissance des choses d’en haut qui le nourrissent que pour choir dans la servitude des choses d’en bas qui le dévorent. » (Gustave Thibon). Et comme notre cœur blessé par le péché originel balance encore vers ces biens, il ne deviendra libre qu’en se laissant émonder.
« Ô libre arbitre, si misérablement esclave de ta liberté lorsque tu n’es pas cloué par l’amour de la Croix ! » s’exclame sainte Thérèse d’Avila. La vraie liberté ne s’obtient pas en écrivant son nom partout, à l’encre plus ou moins sympathique ; elle s’obtient par le renoncement. Mais alors, saint Augustin peut dire à l’âme ainsi purifiée : « Aime, et fais ce que tu veux : si tu te tais, tais-toi par amour ; si tu parles, parle par amour ; si tu corriges, corrige par amour ; si tu pardonnes, pardonne par amour ; aie au fond du cœur la racine de l’amour : de cette racine il ne peut rien sortir que de bon. » [1]
Abbé Nicolas Cadiet
- Saint Augustin, Commentaire de la première épître de saint Jean, VII, 8.[↩]