Éditorial du Supérieur du District de France pour la Lettre aux Amis et bienfaiteurs n°97.
Bien chers Amis et bienfaiteurs,
Une fois les Hébreux entrés au désert après leur sortie d’Egypte, Yahvé demanda à Moïse qui les conduisaient, de réaliser une arche d’alliance ainsi qu’un tabernacle. Il s’agissait de matérialiser le lieu où serait célébré le culte qui lui est dû, en attendant l’édification du Temple de Jérusalem.
Ce Tabernacle devait être resplendissant, élevé à l’aide des matériaux les plus précieux pour attester la grandeur et la sainteté du Seigneur. Moïse, revêtu de l’autorité divine, sollicita donc la générosité des Hébreux, qui apportèrent de nombreux objets et bijoux, pour beaucoup en or.
Les corbeilles présentées pour recueillir les offrandes de chacun débordèrent vite de colliers, bagues, boucles d’oreilles, et toutes autres parures à tel point que Moïse fut contraint de proclamer qu’il ne pouvait plus recevoir de dons ! Lire le Lévitique, qui décrit la splendeur du projet et les quantités importantes d’or requises pour sa réalisation, permet de mesurer l’enthousiasme des Hébreux, que l’écrivain sacré prend d’ailleurs la peine de souligner.
Aujourd’hui, il s’agit pour chacun de nous de contribuer à reconstruire le Tabernacle de Dieu, à savoir l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Toute sorte de dons est possible, mais le plus précieux des matériaux à offrir est l’or des personnes consacrées : des prêtres, des religieux, des religieuses. En imitant Moïse à ma bien modeste place, je voudrais donc encourager les fidèles du district de France à cette générosité dont l’Église catholique a tant besoin aujourd’hui.
Un premier aspect, purement matériel, consiste en l’aumône pour les séminaires et les noviciats. Il ne s’agit certes que d’un bien extérieur, l’argent, dont on se détache afin de l’offrir à Dieu. Cependant, cette aumône matérielle exprime un véritable sentiment intérieur, qui est le désir de contribuer à l’éclosion et à la réussite des vocations sacerdotales et religieuses. De surcroît, elle peut manifester une grande perfection, un grand amour de Dieu et des âmes, comme le fit remarquer Notre-Seigneur à propos de l’aumône de la veuve : « Ils ont donné de leur superflu, mais elle a donné de son nécessaire, tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Mc XII, 44). Nul doute qu’une telle offrande participera à solliciter du cœur de Dieu les vocations dont nous avons besoin ; autant, d’ailleurs, que les dons effectués à notre Congrégation à travers ses œuvres, ses écoles ou ses prieurés, puisque le but premier, et même exclusif, de la Fraternité Saint-Pie X est les vocations et le sacerdoce.
Ce premier geste pour les vocations, qui a l’avantage d’être accessible à chacun, même aux moins fervents, est bien insuffisant. Car il ne servira de rien s’il n’y a personne dans les séminaires ou dans les noviciats ! Il est donc nécessaire d’ajouter à cette offrande l’aumône de notre prière pour les vocations. Ce sera d’une portée bien plus grande. Et c’est d’ailleurs souvent un peu plus difficile car il s’agit en effet de donner de son temps, de son cœur, de son attention, de sa disponibilité, le tout avec persévérance.
Si l’aumône purement matérielle comme lors de la quête annuelle pour les séminaires constitue un don d’« argent », au sens propre comme au sens figuré, l’aumône de la prière est supérieure car elle représente déjà l’« or », analogue aux offrandes des Hébreux dans le désert. Cette aumône de la prière est une action bonne, louable, nécessaire, et à nouveau accessible à tous, en toutes circonstances. Il faut s’y adonner d’autant plus qu’elle répond à la recommandation de Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même : « Priez le Maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers à sa moisson. » (Math. IX, 38)
Néanmoins il est possible d’aller plus loin encore. Cette troisième étape consiste à faire le don de nos proches chaque fois que nous nous trouvons dans les circonstances adéquates. Ce devoir incombe en tout premier lieu aux parents qui doivent être disposés, et même désireux, de donner leurs enfants à Dieu et à l’Église. Les enfants appartiennent à leurs parents, qui les aiment : c’est donc ainsi un or très pur, un or splendide que les parents peuvent offrir à Dieu, comme firent les Israélites dans leur enthousiasme méritoire.
Chers parents, donner ses enfants à Dieu c’est prier chaque jour pour qu’ils aient la vocation et y répondent. C’est les consacrer à Dieu dans votre cœur. Tous ne seront sans doute pas appelés, mais peut-être l’un ou l’autre, et ce sera une grande grâce, un honneur et une magnifique bénédiction pour votre famille !
Donner ses enfants à Dieu, c’est avoir une grande estime du sacerdoce et de la vie religieuse. C’est veiller à parler en bien des prêtres, des religieux, des religieuses, en manifestant particulièrement la sainteté de leur état, au-delà des inévitables défauts humains. C’est ne pas hésiter à montrer que vous préféreriez, si telle est la volonté de Dieu, voir votre fille religieuse plutôt qu’infirmière ou juge, votre fils prêtre plutôt que charpentier, avocat ou trader.
Donner ses enfants à Dieu, c’est entretenir dans sa famille un climat de générosité, terreau principal pour l’éclosion des vocations. Que la notion de service, de don, de spontanéité dans l’effort soit à l’honneur dans vos familles et une priorité dans votre éducation !
Donner ses enfants à Dieu, c’est parler avec enthousiasme de la possibilité d’une vocation. C’est encourager tous ses enfants à s’éprouver sur ce point, avec l’aide de sages conseillers. La question de la vocation ne doit pas être un sujet tabou, même s’il convient de respecter la discrétion requise. Personne n’hésite à parler en famille de la perspective du mariage, des petits-enfants à venir : a fortiori, devez-vous parler avec vos enfants de la vocation sacerdotale ou religieuse en toute liberté, en toute simplicité. Car discourir sur l’éventualité d’un mariage futur n’a jamais contraint personne à se marier, de même parler librement et simplement de la vocation ne forcera jamais qui que ce soit à entrer au séminaire ou au noviciat.
En revanche, ce peut être l’occasion d’une réflexion fructueuse pour l’enfant, qui l’aidera à répondre à une éventuelle vocation, si effectivement le Seigneur lui fait l’honneur de l’appeler à Lui.
Chers parents, cette atmosphère familiale que nous venons de décrire ne créera jamais la vocation ni ne se substituera au choix libre et responsable du jeune homme ou de la jeune fille. Mais elle permet à une éventuelle vocation de se développer harmonieusement, elle procure les meilleures conditions pour qu’elle s’épanouisse et, avant cela, elle attire de grandes bénédictions sur la famille généreuse qui est prête à donner ses enfants à l’Église, peu importe d’ailleurs ce qu’il adviendra en réalité.
Enfin, si l’aumône matérielle, l’aumône de la prière, l’aumône d’un enfant sont les trois premiers aspects qui contribueront à reconstruire le Tabernacle de Dieu, à savoir l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ, il reste à considérer l’offrande ultime, le don du plus beau des bijoux : l’aumône de soi-même, par laquelle l’Église bénéficie des vocations nombreuses et saintes dont elle a besoin.
En effet, la vocation n’est pas uniquement pour les autres. Les jeunes, garçons et filles, doivent se sentir concernés personnellement, intimement, par l’appel de Dieu à Le servir exclusivement. Le Tabernacle de Dieu, la sainte Église du Christ ne se rebâtira pas sans eux. Certes, comme son nom l’indique, une « vocation » est le fruit d’un appel spécifique de Dieu. Mais la générosité, la disponibilité, le désir de servir sont la matière dans laquelle le Seigneur peut plus facilement faire retentir cet appel.
L’Église a besoin de prêtres, de religieux, de religieuses. L’Église a besoin de saints prêtres, de saints religieux, de saintes religieuses. L’Église a besoin de beaucoup de saints prêtres, de beaucoup de saints religieux, de beaucoup de saintes religieuses. Que les meilleurs de ses enfants se lèvent et répondent à l’appel de Dieu ! Qu’au sein des familles chrétiennes, qu’au sein des communautés paroissiales de la Tradition se lèvent des vocations en phalanges nombreuses !
Au fond de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, se trouve la chapelle de la confrérie « Marie Reine du Clergé », érigée en 1908 par l’archevêque de Paris pour « favoriser les œuvres de recrutement et de sanctification du clergé en ce lieu même où saint Vincent de Paul fonda ses Prêtres de la Mission ».
Nous prierons donc avec confiance et persévérance la bienheureuse Vierge Marie Reine du Clergé de susciter, de favoriser, de soutenir les vocations sacerdotales et religieuses nombreuses et saintes dont nous avons besoin.