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Dans le cadre du débat sur le prochain Synode sur la famille convoqué par le Pape François, nous publions en exclusivité un article signé par l’archevêque de Milan, le cardinal Angelo Scola [Photo ci-dessus]. Dans sa forme intégrale, il paraîtra dans le prochain numéro (16/2014) de la publication bolognaise « Il Regno », publiée tous les quinze jours par le Centre éditorial déhonien de Bologne.
« Souvent, l’Eglise est accusée d’insensibilité et de manque de compréhension à l’égard de la réalité des divorcés remariés sans que l’on réfléchisse attentivement à la raison de cette position qu’elle considère fondée sur la révélation divine.
En fait, il ne s’agit pas d’un jugement arbitraire du Magistère de l’Eglise, mais de la prise de conscience de la nature singulière de la différence sexuelle et du lien indissociable entre l’Eucharistie et le mariage.
Dans cette perspective, il faut rappeler deux éléments qu’il est nécessaire de continuer à approfondir. Certes, dans l’Eucharistie, à certaines conditions, il y a un aspect de pardon, mais cependant ce n’est pas un sacrement de guérison. La grâce du mystère eucharistique actualise l’unité de l’Église comme épouse et corps du Christ, ce qui exige de celui qui reçoit la communion sacramentelle la possibilité objective de se laisser incorporer parfaitement à lui.
À la lumière de cette relation intrinsèque, nous devons dire que ce qui empêche l’accès à la réconciliation sacramentelle et à l’Eucharistie n’est pas un seul péché toujours susceptible d’être pardonné quand la personne se repent et demande pardon à Dieu. Ce qui rend impossible l’accès à ces sacrements est en revanche « l’état » (la condition de vie) dans lequel ceux qui ont établi un nouveau lien se retrouvent. Une condition qui demande d’être modifiée pour pouvoir correspondre à ce qui se réalise dans les deux sacrements.
Dans le même temps, il est important de mettre beaucoup mieux en évidence comment le non-accès aux sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie pour ceux qui ont mis en place un nouveau lien ne doit pas être considéré comme une « punition » par rapport à leur état, mais comme l’indication d’un chemin possible, avec l’aide de la grâce de Dieu et de l’immanence dans la communauté ecclésiale. Pour cette raison, chaque communauté ecclésiale est appelée à mettre en place toutes les formes appropriées pour leur participation effective à la vie de l’Église, tout en respectant leur situation particulière et pour le bien de tous les fidèles.
Sans nier la douleur et la blessure, la non-accession au sacrement de l’Eucharistie invite à un chemin vers la pleine communion qui adviendra au moment et de la façon qui seront déterminés à la lumière de la volonté de Dieu.
Dans le cadre d’une anthropologie adéquate, il est décisif ensuite d’examiner attentivement l’expérience commune : tout homme est défini comme « individualisé » dans la différence sexuelle, qui ne peut jamais être dépassée. Ne pas tenir compte du caractère indépassable de la différence sexuelle revient à confondre le concept de différence avec celui de diversité. Cela se produit souvent dans la culture contemporaine qui substitue au binôme « identité-différence » celui d’ « égalité-diversité ».
La diversité met en jeu la relation à l’autre (« interpersonnelle »). Au contraire, ce que nous expérimentons dans la différence indique une dimension indépassable dans mon ego intérieur (« intra-personnelle »). C’est quelque chose qui concerne l’identité constitutive de chaque sujet.
Les causes de nullité matrimoniale
Il convient également de prendre soigneusement en considération la condition de ceux qui croient en conscience que leur mariage n’a pas été valide.
La singularité de la différence sexuelle et la relation intrinsèque entre le mariage et l’Eucharistie, imposent une réflexion approfondie sur les problématiques liées à la déclaration de nullité du mariage. Quand le besoin s’en fait sentir et que la requête est présentée par les époux, il devient essentiel de vérifier rigoureusement si le mariage était valide et donc s’il était indissoluble. Nous savons combien il est difficile pour les personnes concernées de revenir sur leur passé, marqué par des souffrances profondes. A ce niveau également se manifeste l’importance de concevoir de façon unifiée la doctrine et la discipline canonique.
Parmi les questions à approfondir, il faut mentionner la relation entre la foi et le sacrement du mariage, sur laquelle Benoît XVI est revenu à plusieurs reprises. En fait, l’importance de la foi dans la validité du sacrement de mariage est l’une des questions que la situation culturelle actuelle, en particulier en Occident, oblige à évaluer très attentivement. Aujourd’hui, au moins dans certains contextes déterminés, on ne peut pas tenir pour acquis que les époux lors de la célébration de leurs noces ont l’intention « de faire ce que l’Eglise entend faire. » Un manque de foi pourrait aujourd’hui conduire à exclure les bienfaits eux-mêmes du mariage. S’il est vrai qu’il n’est pas possible de juger ultimement de la foi d’une personne, on ne peut cependant pas nier la nécessité d’un minimum de foi sans lequel le sacrement du mariage n’est pas valable.
Comme on peut le voir aussi dans l’Instrumentum laboris, il est souhaitable qu’à propos des procédures de nullité l’on s’efforce d’une certaine façon de non seulement gagner du temps – en respectant pleinement toutes les démarches nécessaires – mais de rendre plus évident le caractère pastoral intime de ces procédures. En ce sens, la réunion de la prochaine assemblée extraordinaire pourrait suggérer au pape de valoriser davantage le ministère de l’évêque. Concrètement, il pourrait suggérer de vérifier la faisabilité de l’hypothèse, sans doute complexe, pour donner vie à un procès canonique de caractère non-judiciaire et ayant comme référent ultime non pas pas un juge (ou un panel de juges), mais l’évêque ou son délégué. Je veux dire un processus régulé par la loi de l’Eglise, avec des modalités officielles pour l’obtention de preuves et pour leur évaluation.
A titre purement exemplatif, on pourrait envisager de recourir aux dispositifs suivants : la présence dans chaque diocèse (ou dans un ensemble de petits diocèses) d’un service à l’écoute de situations de fidèles ayant des doutes sur la validité de leur mariage ; auprès duquel on pourrait commencer une procédure d’évaluation de la validité du lien, rigoureuse dans la collecte des éléments de preuve, conduite par un responsable désigné à cet effet, à transmettre à l’évêque, avec l’avis du même responsable, du défenseur du lien et d’une personne assistant le demandeur. L’évêque serait appelé à se prononcer sur la nullité. Contre sa décision, il serait toujours possible de faire appel (par l’un ou l’autre des conjoints) au Saint-Siège. Cette hypothèse ne veut pas être un stratagème pour faire face à la situation délicate des divorcés remariés, mais vise à rendre plus évident le lien entre la doctrine, la pastorale et la discipline canonique. »
Angelo card. Scola
Sources : – Traduction par Belgicatho