Election du pape François – Une nouvelle ère ?

Il y a quelques semaines reten­tis­sait du haut de la log­gia de saint Pierre de Rome, le fameux « Habemus papam ! » François Ier venait d’être élu pape. Depuis cet évè­ne­ment, les médias ne cessent d’expliquer qu’une nou­velle ère s’est ouverte dans l’Eglise. Avec le nou­veau Souverain Pontife, proclament-​ils, l’Eglise du Christ va reve­nir à la source claire et rafrai­chis­sante de la pau­vre­té véri­table et de la sim­pli­ci­té évan­gé­lique. Adieu mozette et orne­ments riche­ment bro­dés, adieu céré­mo­nial pon­ti­fi­cal triom­pha­liste et vive le retour à la sim­pli­ci­té de « l’Eglise pauvre pour les pauvres ». [1] Le Monde applau­dit à tout rompre et a déjà jeté dans les pro­fon­deurs de l’oubli son pré­dé­ces­seur Benoit XVI pour­tant encore vivant.

Ce dépouille­ment ini­tié et encou­ra­gé par le der­nier Concile Vatican II semble avoir atteint son accom­plis­se­ment avec le pape François. En effet, à la dif­fé­rence de son pré­dé­ces­seur, le nou­veau pape fait peu d’allusions directes à Vatican II : il le vit ! Il est le pre­mier Successeur de Pierre à n’avoir jamais célé­bré la messe tra­di­tion­nelle puisqu’il fut ordon­né en décembre 1969, quelques semaines après que le Novus Ordo Missæ ait été imposé.

Le Cardinal Bergoglio fut un homme tota­le­ment habi­té par l’esprit du concile, à la source duquel il a nour­ri son sacer­doce. De même que Vatican II a vou­lu se cen­trer tota­le­ment sur l’homme, de même a‑t-​il cen­tré son apos­to­lat sur celui-​ci, l’orientant vers la lutte contre la pau­vre­té, l’injustice et la cor­rup­tion. Il l’a fait avec une réelle convic­tion, gagnant une grande popu­la­ri­té auprès des déshé­ri­tés. A cela il joi­gnait une vie simple et austère.

C’est ani­mé par ce même esprit que le Jeudi saint der­nier, comme « évêque de Rome », il est allé célé­brer la messe dans une pri­son romaine pour y laver les pieds de jeunes pri­son­niers par­mi les­quels se trou­vaient deux jeunes filles dont une était musul­mane ! Nous sommes en pré­sence d’un popu­lisme militant.

Pour celui qui fut le pri­mat d’Argentine, tout faste crée une bar­rière entre les pauvres et l’autorité ; aus­si faut-​il sim­pli­fier au maxi­mum ce qui peut l’être… La litur­gie ayant pour fina­li­té, selon lui, de ras­sem­bler les hommes et leur mani­fes­ter la ten­dresse de Dieu, il faut donc en ban­nir la solen­ni­té, l’or, l’encens et reve­nir à la sim­pli­ci­té de l’Evangile. Il ne s’agit pas tant d’un manque de goût ou d’une absence de culture litur­gique que la concré­ti­sa­tion d’une doc­trine vécue, celle que Vatican II a prô­née et qu’il applique en toute logique.

C’est cette même pen­sée qui habite le pape François depuis son élec­tion et le guide au tra­vers du dia­logue inter­re­li­gieux et de l’œcuménisme qu’il dit « vou­loir pour­suivre dans le sillage de ses pré­dé­ces­seurs ».[2] Les reli­gions, quelles qu’elles soient, sont au ser­vice de l’homme et doivent s’unir pour œuvrer à la réa­li­sa­tion du plan de Dieu sur l’humanité. Il faut donc qu’elles se ren­contrent et agissent ensemble pour défendre les causes uni­ver­selles en péril telles que le res­pect de la vie, l’écologie, la paix, la lutte contre toutes les exclu­sions que sus­citent la misère et l’injustice.

Ce mou­ve­ment œcu­mé­nique et inter­re­li­gieux est orien­té vers l’action et ne peut-​être, en aucune façon, un appel à la conver­sion à entrer dans l’Eglise catho­lique seule arche de salut.… Lors de la pré­di­ca­tion de la messe célé­brée au len­de­main de son élec­tion devant les car­di­naux, le pape a pro­non­cé de belles paroles sur Notre Seigneur Jésus-​Christ hors duquel il ne peut y avoir d’apostolat fécond. Sans Lui, dit-​il « l’Eglise ne serait qu’une ONG ». Mais quelques jours plus tard, lors de la réunion au cours de laquelle il reçoit les res­pon­sables de toutes les reli­gions, le pape François demande aux reli­gions de s’unir pour sau­ver les valeurs essen­tielles, alors qu’une grande par­tie des chefs reli­gieux pré­sents ne recon­naissent pas la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ… N’y a t‑il pas là une contra­dic­tion ? Elle est mal­heu­reu­se­ment le propre du moder­niste que dénon­çait saint Pie X. Ce dia­logue, croyez-​le bien, sera plus effu­sif que jamais, comme il l’a mon­tré à maintes reprises à Buenos Aires ! Contrairement à son pré­dé­ces­seur, François Ier ne par­le­ra pas de l’herméneutique de la conti­nui­té de Vatican II avec la Tradition et ne cher­che­ra pas à la démon­trer. Il assu­me­ra de façon tota­le­ment décom­plexée cette rup­ture que la FSSPX dénonce depuis sa fondation.

Comme tout cela est éloi­gné de la théo­lo­gie catho­lique ensei­gnée par les papes jusqu’à Pie XII ! Le Souverain Pontife, de par sa fonc­tion, doit défendre, expli­quer et trans­mettre le dépôt de la foi qu’il a reçu du Christ. Ces atti­tudes nou­velles ensei­gnées et pra­ti­quées depuis plus de 50 ans par les papes suc­ces­sifs découlent d’une doc­trine nou­velle en rup­ture avec ce que le Concile Vatican I avait expri­mé au sujet de la fonc­tion du pape : « Le Saint-​Esprit n’a pas été pro­mis aux suc­ces­seurs de Pierre pour qu’ils fassent connaitre, sous sa révé­la­tion, une nou­velle doc­trine, mais pour qu’avec son assis­tance ils gardent et exposent fidè­le­ment la révé­la­tion trans­mise par les Apôtres, c’est-​à-​dire le dépôt de la foi ».[3]

C’est au pon­tife nou­vel­le­ment élu d’entrer dans la charge qu’il a reçu. Il n’a pas à l’adapter à ses goûts per­son­nels. Elle le trans­cende. Dans le cas contraire, il pren­drait alors le risque de la désacraliser.

A l’instant de son accep­ta­tion, le pape ne s’appartient plus : il est le Vicaire du Christ, c’est-​à-​dire la plus haute auto­ri­té sur la terre. Le port de ses insignes pon­ti­fi­caux, le faste du pro­to­cole et des céré­mo­nies qu’il pré­side, pro­tègent cette auto­ri­té, mani­festent les dons qu’il a reçus de Dieu et donnent joie et fier­té aux membres de l’Eglise. Ainsi sera mani­fes­tée la ver­tu de magna­ni­mi­té qui doit habi­ter le pape, c’est-​à-​dire sa gran­deur d’âme, qui pro­vient de la ver­tu de force dont il aura tant besoin pour accom­plir fidè­le­ment sa mis­sion et qu’il lui fau­dra mon­trer à la face d’un Monde hos­tile. Encore faut-​il qu’il veuille être pape et pas seule­ment évêque de Rome… Saint Thomas d’Aquin dit que le refus de ces hon­neurs légi­times est condam­nable.[4]

Cela n’empêche pas le pon­tife romain de mani­fes­ter de la sim­pli­ci­té et de la bon­té dans ses rela­tions avec autrui, bien au contraire ! Ses qua­li­tés per­son­nelles, sa sain­te­té, doivent édi­fier et ser­vir au rayon­ne­ment de la papau­té dans le monde. De la ver­tu de magna­ni­mi­té doit déri­ver celle de magni­fi­cence ; « voir et faire grand » pour la gloire de Dieu et l’honneur de la sainte Eglise. Ainsi s’explique le faste des offices pon­ti­fi­caux, de la litur­gie catho­lique qui honore Dieu, qui repro­duit sur terre un peu de la litur­gie céleste.

C’est parce que cette magni­fi­cence habi­tait le saint Curé d’Ars qu’il s’exclama un jour : « rien n’est trop beau pour Dieu ! ». Les pauvres, parce qu’ils sont pauvres n’auraient-ils pas le droit d’assister à de belles litur­gies qui rendent digne­ment gloire à Dieu et les élèvent aus­si au des­sus de leurs misères ?

La splen­deur de la litur­gie trans­cende les siècles et les per­sonnes. Elle consti­tue le patri­moine de l’Eglise offert à tous ses enfants pour les aider à louer Dieu et atti­rer sur eux les bon­tés divines. La solen­ni­té de la litur­gie mani­feste la foi qui anime l’Eglise catholique.

Cette magna­ni­mi­té et cette magni­fi­cence brillèrent de façon exem­plaire en saint Pie X, issu d’un milieu social très modeste. Il accep­ta les hon­neurs exté­rieurs dus à sa charge pour le bien de l’Eglise, bien que son humi­li­té per­son­nelle y répu­gnât, tout en conser­vant une pau­vre­té édi­fiante dans sa vie personnelle.

Son ensei­gne­ment fut d’une grande fer­me­té unie à une admi­rable béni­gni­té envers ceux qui l’approchaient. Sous son pon­ti­fi­cat, l’Eglise connut un grand rayon­ne­ment. Il la sau­va de bien des périls inté­rieurs et exté­rieurs, sur­tout celui du modernisme.

Il fut un pape aimé de tous, admi­ré, res­pec­té par les puis­sants mais craint et haï des enne­mis de l’Eglise qui ne lui par­don­nèrent jamais sa fer­me­té doc­tri­nale et diplo­ma­tique qui déjoua leurs plans. Car, faut-​il le rap­pe­ler ? L’autorité n’est pas reçue pour plaire aux hommes mais pour pro­pa­ger la véri­té et le bien et dénon­cer l’erreur et empê­cher le mal. C’est ce qu’enseignait saint Paul : « le prince est pour toi ministre de Dieu pour le bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant ministre de Dieu pour tirer ven­geance de celui qui fait le mal, et le punir ».[5] « Tout res­tau­rer dans le Christ » comme l’a fait saint Pie X, tra­vailler à la recons­truc­tion du règne social du Christ. Voilà un pro­gramme radi­ca­le­ment oppo­sé aux maximes du der­nier concile, qui seul pour­ra sor­tir l’Eglise de la crise qui l’accable aujourd’hui et appor­ter paix et pros­pé­ri­té aux nations.

Que le nou­veau pape s’inspire de son saint pré­dé­ces­seur et qu’il ait pré­sent devant les yeux ces autres paroles de saint Paul ; « Si je vou­lais encore plaire à des hommes, je ne serais plus le ser­vi­teur du Christ ».[6]

La sain­te­té per­son­nelle d’un pon­tife ou d’un membre de la hié­rar­chie catho­lique serait-​elle suf­fi­sante pour sor­tir l’Eglise de la crise ? Mgr Lefebvre, dans son Itinéraire Spirituel, répond de manière fort claire à cette question :

« J’entends dire : « vous exa­gé­rez ! Il y a de plus en plus de bons évêques qui prient, qui ont la foi, qui sont édi­fiants… » Seraient-​ils des saints, dès lors qu’ils admettent la fausse liber­té reli­gieuse, donc l’État laïque, le faux œcu­mé­nisme, donc l’admission de plu­sieurs voies de salut, la réforme litur­gique, donc la néga­tion pra­tique du sacri­fice de la Messe, les nou­veaux caté­chismes avec toutes leurs erreurs et héré­sies, ils contri­buent offi­ciel­le­ment à la révo­lu­tion dans l’Eglise et à sa destruction. 

« Le pape actuel et ces évêques ne trans­mettent plus Notre Seigneur Jésus-​Christ mais une reli­gio­si­té sen­ti­men­tale, super­fi­cielle, cha­ris­ma­tique où ne passe plus la vraie grâce de l’Esprit-​Saint dans son ensemble. Cette nou­velle reli­gion n’est pas la reli­gion catho­lique ; elle est sté­rile, inca­pable de sanc­ti­fier la socié­té et la famille.

« Une seule chose est néces­saire pour la conti­nua­tion de l’Eglise catho­lique : des évêques plei­ne­ment catho­liques, sans aucune com­pro­mis­sion avec l’er­reur, qui font des sémi­naires catho­liques, où des jeunes aspi­rants pour­ront se nour­rir au lait de la vraie doc­trine, met­tront Notre Seigneur Jésus-​Christ au centre de leurs intel­li­gences, de leurs volon­tés, de leurs cœurs ; une foi vive, une cha­ri­té pro­fonde, une dévo­tion sans bornes les uni­ront à Notre Seigneur ; ils deman­de­ront comme Saint Paul que l’on prie pour eux, pour qu’ils avancent dans la science et la sagesse du « Mysterium Christi » où ils décou­vri­ront tous les tré­sors divins.(…) Le concile c’est l’i­gno­rance de Jésus-​Christ et de son Règne. C’est le mal des mau­vais anges, c’est le mal qui est le che­min de l’en­fer ».[7]

Alors, faut-​il déses­pé­rer pour autant et se lamen­ter sur les mal­heurs de notre temps ? Surtout pas ! Ce serait sté­rile et oppo­sé à l’esprit catho­lique. Car comme le dit la Sainte Ecriture, « abys­sus abys­sum invo­cat »,[8] l’abime de l’épreuve appelle sur ceux qui aiment Dieu la sur­abon­dance de sa grâce. Il donne aujourd’hui à ceux qui veulent res­ter fidèles, des grâces insignes qu’Il ne don­nait pas hier. Aussi, gar­dons cou­rage ! Comme l’a deman­dé Notre Dame à Fatima, prions plus que jamais, pour le pape et offrons des péni­tences pour lui afin que l’Esprit-Saint l’illumine, le guide et lui donne la force de res­tau­rer la Tradition qui sau­ve­ra l’Eglise. C’est un devoir pour cha­cun d’entre nous, prêtres et laïcs.

Comme jamais nous avons aus­si un devoir de sain­te­té, afin qu’au milieu des ténèbres, brille dans nos âmes l’image du Rédempteur. Que le Christ règne en nous, dans vos foyers, dans toutes nos acti­vi­tés. Dieu se lais­se­ra ain­si flé­chir et se hâte­ra d’exaucer nos prières en voyant se reflé­ter en nos âmes son Fils Bien Aimé.

Enfin, étu­dions les prin­cipes qui doivent nous gui­der dans le rude com­bat de la foi qu’il nous faut mener. Pour vous y aider paraî­tra, ces pro­chaines semaines en langue espa­gnole, le Catéchisme catho­lique de la crise dans l’Eglise écrit par l’abbé Gaudron, de la FSSPX, qui a connu une grande dif­fu­sion dans le dis­trict de France. Il vous aide­ra à mieux com­prendre ce qu’est la révo­lu­tion reli­gieuse que nous sommes en train de vivre et vous don­ne­ra des argu­ments pour répondre aux objec­tions que l’on peut vous présenter.

Courage, chers Amis ! Avec Foi, Espérance et Charité, conti­nuons à tra­vailler avec per­sé­vé­rance au ser­vice du Christ-​Roi, cha­cun à notre place loin des rumeurs, dans la clar­té de la véri­té. N’oublions pas que Pâques suit de près le Vendredi Saint !

La pas­sion de l’Eglise se ter­mi­ne­ra à l’heure que Dieu vou­dra. Ce n’est pas de l’optimisme béat que je vous exprime là, mais bien la confiance en ces paroles de notre Sauveur : « dans le monde vous aurez à souf­frir. Mais gar­dez cou­rage, j’ai vain­cu le monde » ![9]

Que Dieu vous bénisse !

Padre Christian Bouchacourt, Supérieur de District América del Sur

Notes de bas de page
  1. François, le 14 mars, dis­cours aux car­di­naux au len­de­main de son élec­tion.[]
  2. François, lors de l’audience du 20 mars aux diverses confes­sions chré­tiennes et aux autres reli­gions.[]
  3. Pie IX : « Pastor Æternus », 18 juillet 1870, 4e ses­sion du Concile Vatican I.[]
  4. IIa IIae, Question 129, a 1 et 3.[]
  5. Ro XIII, 3–4.[]
  6. Galates I, 10.[]
  7. Mgr Lefebvre : « Itinéraire Spirituel », pro­logue, p. 9–10, édi­tion de 1990.[]
  8. Psaume XCI, 8.[]
  9. Evangile selon saint Jean, XVI, 33.[]

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.