Abbé Christian Bouchacourt,
Supérieur du District de France
Depuis 1986, la Fraternité Saint-Pie X conteste publiquement, au nom même des principes catholiques, ce qu’on peut appeler « la démarche d’Assise », telle qu’elle a été mise en place par Jean-Paul II, puis reprise successivement (avec des inflexions) par Benoît XVI et François.
Commençons par préciser ce qui ne constitue pas pour nous un problème particulier. Que les Papes, que la hiérarchie ecclésiastique, travaillent, dans la mesure de leurs possibilités, au maintien ou à l’établissement de la paix constitue une démarche tout à fait légitime. On connaît l’anecdote rapportée à propos de saint Pie X s’adressant à l’ambassadeur qui sollicitait une bénédiction pour les armées de l’Empire austro-hongrois : « Je ne bénis que la paix ».
Parmi les démarches qu’une telle recherche de la paix peut engendrer, notamment en ces temps de mondialisation, il peut en particulier être opportun d’avoir contact avec d’autres chefs religieux pour que, dans leur ordre propre, chacun d’eux appelle ses fidèles à oeuvrer pour la paix.
Beaucoup plus contestable, en revanche, est l’initiative d’être « ensemble pour prier ». Elle avait engendré, lors de la première réunion en 1986 des scènes publiques de syncrétisme qui firent vraiment scandale. Même si ces errements semblent avoir été corrigés depuis, il reste que l’image du Pape priant en même temps que des chefs de (fausses) religions induit invinciblement dans l’esprit la conviction que toutes les démarches religieuses sont légitimes et plus ou moins égales. Il est objectivement impossible qu’une telle image n’engendre pas l’indifférentisme religieux.
Mais notre contestation est plus profonde que celle qui porte sur ces conséquences (très graves, déjà). C’est le principe même de la rencontre d’Assise pour la paix qui nous paraît entachée d’une dramatique erreur théologique.
Le Pape, en effet, n’est pas un habile diplomate recherchant seulement les conditions psychologiques d’un accord de paix ponctuel. Ce qu’il vise, c’est la paix en soi, la véritable paix. Or, l’unique paix solide et profonde, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ, « lui qui est notre paix » (Ep 2, 14). Et, comme l’exprime saint Paul à cet endroit, c’est par son sang qu’il opère cette réconciliation, qu’il abat le mur de séparation, qu’il réconcilie les peuples.
En ne rappelant pas cette donnée essentielle, en ne prêchant pas « à temps et à contretemps » le règne du Christ, « règne de justice, d’amour et de paix » (Préface du Christ-Roi), en privant les hommes de cette vérité capitale que la paix ne peut advenir que par le Christ Sauveur, « car il n’a été donné aucun autre nom sous le ciel » qui puisse assurer aux hommes une paix durable et vraie, la démarche d’Assise pèche sans aucun doute contre la foi catholique.
Abbé Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District de France de la FSSPX
Sources : Lettre à nos frères prêtres n° 71/La Porte Latine du 2 novembre 2016