Que Dieu soit glorifié. Il l’est par la naissance de la charité dans de nouvelles âmes qui en avaient été jusqu’ici privées et par son accroissement dans celles qui en jouissaient déjà. Nous n’avons rien de mieux à désirer que cette effusion de l’amour divin dans nos cœurs. Nous supplions Dieu de guérir nos âmes affaiblies par le poids des péchés que nous avons commis et de vaincre en nous-mêmes nos propres résistances à sa grâce. Il désire notre sanctification bien plus que nous ne la voulons nous-mêmes. Ne tardons pas à lui ouvrir notre cœur ! C’est notre bel aujourd’hui qui est jour de grâce ; non pas ce demain incertain qui n’est pas encore et qui pourrait bien ne pas être.
Seigneur, tant que nous sommes vivants sur la terre, nous croyons qu’il n’est jamais trop tard pour commencer à vous aimer. Peu importe que nos vies aient été passées loin de vous et peut-être engluées dans le vice. Nous ne nous souvenons que d’une chose : votre miséricorde trouve son bonheur à nous guérir de nos blessures et à nous pardonner. Votre dessein pour les hommes demeure toujours identique. Il est de faire de nous vos amis et vos intimes.
Mais Seigneur, voyez comme nos cœurs sont obscurcis et nos âmes appesanties. La connaissance de vos désirs nous est si étrangère ! Donnez-nous la grâce de réaliser – ne serait-ce qu’un instant – la hauteur, la largeur, la profondeur des mots que vous nous dites. Ainsi, vous, notre Dieu, vous nous proposez d’être vos amis ? À nous qui vous avons tant offensé ? Vous voulez nous inviter à vous rejoindre, comme vous avez autrefois convié les apôtres et les disciples à vous suivre pendant votre vie publique ? Vous ne semblez nullement vous effaroucher de l’écart qui existe entre votre personne et les nôtres…
Comment, de notre côté, pourrions-nous hésiter ? Nous accordons tant d’importance aux marques d’estime qui nous viennent des grands de la terre et nous laisserions passer cette invite qui nous vient du Roi du Ciel ? Pourquoi tant de retard à nous dessaisir de nos attaches déréglées lorsque nous savons que nous n’emporterons rien dans notre éternité de tout ce qui nous charmait sur la terre ?
Seigneur, nous ne voulons pas laisser passer cet instant de grâce que vous nous procurez sans nous être déterminé à vous suivre, vous, notre seul Seigneur et notre seul Sauveur ! Qu’importe de devoir tout quitter si c’est pour vous trouver ? Et que pèse tout ce que nous quittons en comparaison de celui que nous trouvons ? Que devons-nous faire, Seigneur, pour vous suivre, nous qui voulons ne plus gâcher un seul instant de notre vie ?
Heureux jour où l’homme pleure ses péchés, où il aime Dieu d’un amour renouvelé et où il le chante d’un cantique nouveau !
Que celui qui est touché par la grâce de Dieu ne laisse pas passer cet instant sans se déterminer à changer de vie. La lumière qu’il recevra de Dieu pour son existence l’amènera peut-être à prendre une orientation décisive pour son existence. Qu’il la considère avec prudence et, s’il l’a éprouvée comme venant de Dieu, qu’il ne la rejette pas par faiblesse ou qu’il n’en repousse pas la mise en œuvre par négligence. Qu’il la soumette à ceux qui ont autorité sur lui ou peuvent lui venir en aide par leurs conseils.
Les grandes décisions, celles qui affectent une vie entière, restent cependant rares. En revanche, c’est dans le quotidien et dans l’instant qui passe que la grâce œuvre dans une âme, la pousse et la sollicite vers des pensées et des sentiments plus élevés et vers un agir plus désintéressé. Dieu qui nous veut saint ne manque pas de nous donner les grâces pour que nous puissions le devenir en réalité. Dieu qui versé son sang pour nous sauver et pour nous sanctifier n’a de cesse que son sang nous sauve et nous sanctifie effectivement. Mais prenons garde cependant car, comme le dit saint Augustin : « Le sang de ton Seigneur, si tu le veux, a été donné pour toi ; et si tu ne veux pas que cela soit, il n’a pas été donné pour toi. »
N’usons donc pas mal de notre liberté et ne perdons pas notre temps.
Nous ne savons pas les instants qu’il nous reste à vivre ; vivons dans la seconde présente sans nous plaindre et sans gémir, heureux de vivre encore sur la terre pour continuer à y aimer et à y adorer Dieu tant que nous y serons et pour nous y sanctifier et pour le glorifier sur la terre comme au Ciel.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 219