Stella Maris n° 43 de décembre 2008
Abbé Dominique Rousseau
On lit dans les Actes des Apôtres un mot que saint Pierre rapporte comme venant de Notre-Seigneur : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. » Essayons de revenir à ce temps béni des débuts de l’Église où, à l’imitation du Christ et des premiers chrétiens, il venait de soi d’aider, spontanément, chacun donnant de sa personne, de son temps, de ses énergies, pour le profit du prochain. Il me semble qu’il est bon aujourd’hui de raviver la flamme qui vacille en ce domaine, avant qu’elle ne s’éteigne et que l’on parle du don de soi, gratis, comme d’un souvenir des temps antiques, passés et révolus. Un peu comme les objets de valeur que l’on contemple à travers une vitrine, classés dans le rayon « Antiquités ».
À vous confier le fond de ma pensée, je vous avoue être bien étonné de la mentalité qui s’installe de plus en plus dans nos rangs. « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient atteints… » Nous faisons des comptes d’épicier. Tout ce qui n’est pas rétribué, monnayé, est si difficile à obtenir. Voulez-vous lire une petite histoire ? La voici : un jeune garçon donna un jour à sa maman une facture, pour tous les travaux et menus services qu’il lui avait rendus : pour être allé acheter du pain, 1,50 € ; pour avoir mis la table trois fois, 0,45 € ; pour avoir balayé la cuisine pendant une semaine, 3 €. Pour ne pas alourdir la facture, je vous fais grâce de quelques frais. La maman prit la note de son cher petit, régla l’addition et quelques temps plus tard, lui donna la sienne : pour les nuits passées à son chevet quand il était malade : rien ; pour les repas depuis sa naissance jusqu’à maintenant : rien ; pour les vêtements et les médicaments achetés : rien ; pour tout : RIEN. Les yeux humides, après avoir avalé sa salive, l’enfant demanda pardon à sa maman qui s’était tant donnée pour lui. La leçon avait porté ses fruits.
Rendre service va à l’encontre de l’égoïsme, du petit confort douillet. Ne disons pas : « J’ai déjà donné ! » Avoir une telle attitude n’est pas digne d’un chrétien. Il nous arrive de vouloir rendre service, mais au moins, que cela se sache et soit vu ! Cette attitude n’est pas meilleure, elle est simplement intéressée. On voudrait bien donner un peu, même beaucoup au besoin, mais en retour être gratifié, honoré, reconnu. Comme cette disposition n’est pas chrétienne… Faire des tâches ménagères, telles qu’en font toutes les mamans chez elles, n’est pas déshonorant, que je sache. Nous apprenons ici à nos élèves à manier le balai, à retrousser leurs manches pour nettoyer les toilettes, à faire la vaisselle. Cela va de soi. Sans doute tout cela doit-il être surveillé, afin que les poussières, d’un coup de balai un peu vif, ne disparaissent pas sous les meubles…
Quittons résolument cet esprit qui tue les âmes : « J’ai déjà donné… » Pauvres êtres qui en sont arrivés à ce point, je les plains amèrement. Souhaitons qu’ils se réveillent, en écoutant la parole salvatrice : « Tout ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à Moi que vous l’aurez fait. »
Le plus bel acte de service gratuit et sans retour n’est-il pas la venue au monde du Messie ? C’est pour nous, ce n’est pas pour lui, qu’il s’est incarné : pour notre salut. C’est l’acte de bienveillance et de bienfaisance le plus total et le plus plénier qui ait jamais existé. Noël est vraiment la mise en place de ce service généreux, spontané de la part de Dieu qui, par amour pour nous, déchus de notre dignité, a mis « les mains dans le cambouis », jusqu’à mourir pour nous sauver, nous apprenant qu’il n’y a pas de plus beau cadeau que de donner sa vie pour ceux que l’on aime.
Abbé Dominique Rousseau