Lettre aux mamans n° 10

N° 10 – Mars 2007

hère Madame,

En for­mant le cœur, c’est aus­si le carac­tère de l’en­fant que l’on forme. Et, à ce pro­pos, je vou­drais pré­ci­ser que si dans les pre­mières années de l’en­fant il incombe plus à la maman de for­mer son cœur, c’est sur­tout parce qu’il est plus proche de vous que du père, appe­lé à lon­gueur de ses jour­nées au loin, pour gagner le pain quo­ti­dien. Cependant, c’est au père de par­faire ce rôle à mesure que l’en­fant gran­dit. L’enfant regarde sa mère pour apprendre à vivre et à l’i­mi­ter. Il en est de même pour le père qui repré­sente la force, l’éner­gie, la vaillance et la viri­li­té : ce dont l’en­fant, deve­nu ado­les­cent, aura besoin pour être un « homme ». Le père remplit-​il ce rôle ? Je dis ceci, en pas­sant, car mon pro­pos s’a­dresse spé­cia­le­ment à vous, Chère Madame, non à votre époux ! C’est pour les pères de famille que vient d’être édi­té un excellent livre (court mais conden­sé, rassurez-​vous !), et qui explique les pro­blèmes de l’é­du­ca­tion de notre époque. Cependant, je vous invite à le lire….et, si vous le jugez bon, à l’of­frir à votre époux. Vous y trou­ve­rez d’ex­cel­lents conseils.

Pour déve­lop­per le cœur de l’en­fant, donnons-​lui d’a­bord de bons exemples, afin de lui apprendre à aimer le bien, le bon. Et il me semble que le pre­mier exemple à lui don­ner, c’est Notre Père des Cieux, notre Créateur. Votre enfant, depuis son Baptême, pos­sède cette grâce sanc­ti­fiante qui fait de son âme le Temple de Dieu, la Maison de Dieu et, tout natu­rel­le­ment, vous lui par­le­rez de la « bon­té » de Dieu, qu’Il s’ap­pelle le « Bon Dieu » parce qu’Il est bon. Cette âme si pure n’a pas besoin de « com­prendre » pour croire. L’enfant croit ce que maman lui dit ; il aime ce Dieu qui habite dans son petit cœur, sa maman le lui a dit et elle croit et aime, elle aus­si, le Bon Dieu (exemple de maman). Cela lui suf­fit. Ah ! Chère Madame, si vous saviez la puis­sance que vous avez pour faire entrer dans le cœur de votre petit toutes ces notions de vie chré­tienne, uni­que­ment parce que vous êtes sa maman. Personne ne peut vous rem­pla­cer aus­si par­fai­te­ment à cet âge et dans ce rôle. Pour faire gran­dir dans l’âme de votre enfant la foi reçue au Baptême, il faut savoir « consa­crer » votre temps pour lui par­ler de ce Dieu qui habite en lui. Plus il vivra de cette véri­té (et vous aus­si !) plus cette for­ma­tion du cœur se fera aisé­ment. Plus ces notions lui sont don­nées jeune (ce n’est jamais trop tôt) plus il appren­dra vite à avoir un bon cœur. N’oubliez jamais qu’il est plus facile de cor­ri­ger les vices chez le petit, avant que celui-​ci ait déjà acquis une habi­tude ; c’est pour­quoi mon insis­tance à com­men­cer le plus tôt pos­sible, (et pour­quoi pas dès le ber­ceau, car là l’en­fant « teste » déjà ses parents !).

Pour faire vivre le cœur, il faut domp­ter ou maî­tri­ser les sens qui le détruisent en le contre­fai­sant. Le cœur contient la vie ; la sen­si­bi­li­té mal diri­gée (par égoïsme) le pro­fane, l’é­teint et, de ce fait, conduit à une défor­ma­tion du cœur.

Expliquons un peu. Aimer, c’est se don­ner et don­ner à autrui ; être sen­suel, c’est se cher­cher, c’est prendre pour soi. C’est l’in­verse, comme vous le voyez.

Il faut com­battre donc les défauts qui sont les formes enfan­tines et ado­les­centes des vices. Ce que nous ne cor­ri­geons pas main­te­nant, gran­dit et consti­tue plus ou moins des vices et, hélas, des habi­tudes vicieuses. Tout péché est un égoïsme : c’est pré­fé­rer « soi », « son caprice » à l’autre (à savoir la volon­té de Dieu trans­mise par maman). Le meilleur moyen de cor­ri­ger cet égoïsme, c’est de lui don­ner l’oc­ca­sion de « poser » des actes posi­tifs, de faire des actes d’a­mour, de charité.

C’est à vous, Chère Madame, qu’il appar­tient d’ap­prendre à votre enfant ces petits actes qui vous semblent ano­dins mais qui sont sem­blables à des petites graines qui vont ger­mer dans le cœur de votre enfant. Regardez encore Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Elle voyait ses parents don­ner de la nour­ri­ture et vêtir des pauvres… Elle n’a­vait de cesse de « don­ner », elle aus­si, ses bot­tines à une petite fille qui mar­chait pieds nus. Si, à notre époque, il y a moins de pauvres, il y a d’autres occa­sions pour faire naître dans le cœur de l’en­fant la géné­ro­si­té : don­ner ses jouets à des enfants qui n’en ont pas (aujourd’­hui, il est effrayant de consta­ter com­bien les enfants sont gavés de jouets pour Noël), apprendre à rendre ser­vice,… à ran­ger ses propres affaires dans sa chambre, à bien faire son lit… On peut lui apprendre très jeune, en lui fai­sant « aimer » – je dis bien aimer - l’ordre et la pro­pre­té. Il faut l’exi­ger avec fer­me­té (c’est-​à-​dire : tou­jours et avec constance !) mais aus­si avec dou­ceur et amour. Dans toutes les exi­gences de la maman, l’en­fant doit sen­tir le cœur de la mère ; je dis bien : le cœur, c’est-​à-​dire l’a­mour, et non la sen­si­ble­rie qui est voi­sine de la mol­lesse. Cet amour de la maman montre à l’en­fant que vous vou­lez le conduire à mieux faire. Car l’en­fant est heu­reux quand il réa­lise une chose bonne qui fait plai­sir à sa maman ; encore faut-​il que vous pre­niez le temps de mani­fes­ter votre satis­fac­tion pour sa bonne action. L’enfant a besoin d’être encou­ra­gé, cela l’in­cite à recom­men­cer. D’où l’im­por­tance du regard vigi­lant de maman.

Quels sont les autres défauts à cor­ri­ger ? Ce sont pour cer­tains, la gour­man­dise ou la jalou­sie, pour d’autres, la vani­té ou l’or­gueil, voire l’es­prit de domi­na­tion : toutes ces ten­dances qui nous res­tent depuis le péché ori­gi­nel sont à com­battre car elles des­sèchent le cœur. On remarque sou­vent que le petit « pro­dige », orgueil de sa maman, a géné­ra­le­ment le cœur sec, (cen­tré sur lui-​même) parce qu’il ne rêve que de briller et de s’at­ti­rer des louanges. Dans un cas de petit « pro­dige », Chère Madame, si vous en avez un par­mi les enfants que Dieu vous a don­nés, soi­gnez la ver­tu d’hu­mi­li­té par beau­coup de géné­ro­si­té (et sur­tout en évi­tant de le flat­ter : ce serait le pire !). Un pro­dige, c’est sou­vent un enfant qui a plus de faci­li­tés qu’un autre : aus­si doit-​il apprendre à par­ta­ger ce que Dieu lui a don­né, et non pas jouir pour lui seul et, par­fois, culti­ver la paresse ! Ainsi, qu’il sache don­ner de son temps pour aider un cama­rade moins favo­ri­sé, etc,… J’ai tou­jours remar­qué qu’un adulte vrai­ment intel­li­gent pos­sède cette ver­tu d’hu­mi­li­té. L’humilité est la véri­té. Même si notre connais­sance des choses est grande, qu’est-​elle par rap­port à Dieu ? Rien.… Apprenons à l’en­fant à res­ter à sa place, quoi qu’il ait reçu.

On dit sou­vent que l’en­fant, par nature, est ingrat ! Oui ! car il a ten­dance à tout rap­por­ter à lui. Mais que faisons-​nous pour le cor­ri­ger ? C’est à vous, Chère Madame, de lui apprendre à dire « MERCI », ce mot qui dit tant de choses venant du cœur. C’est une habi­tude qui s’est per­due dans la nou­velle géné­ra­tion. C’est si rare d’en­tendre aujourd’­hui un enfant dire ce simple mot : mer­ci. Quel dommage !

Merci, c’est un élan du cœur vers l’autre. Un exemple : au lieu de se replier avec une gour­man­dise allé­chée sur ce qu’il a reçu dans son assiette, lui apprendre à regar­der la per­sonne qui l’a ser­vi et lui faire dire « Merci Maman ». Vous me direz : que de petites choses ! Oui, Chère Madame, il est néces­saire de semer beau­coup de graines dans un champ pour récol­ter une belle mois­son. Que dire quand il s’a­git de for­mer l’âme de votre enfant, afin qu’elle devienne le temple du Dieu Très Haut, pour Sa gloire. Comment votre enfant saura-​t-​il rendre grâces à Dieu si sa maman ne lui a pas appris ? Quelle res­pon­sa­bi­li­té ! C’est ce qu’Il vous invite à faire chaque jour, avec Sa grâce toute puis­sante, ne l’ou­bliez pas.

« Sortir de soi-​même, oublier ce petit monde que l’on est pour soi, s’hu­mi­lier et se gran­dir à la fois dans une entre­prise qui dépasse et exalte les forces d’un indi­vi­du, là est le secret du bon­heur ».

(à suivre)

Une Religieuse.

Adresse cour­riel de la Lettre aux mamans sur l’éducation

Conseil de lecture :

« Le rôle déci­sif du père dans l’é­du­ca­tion des enfants », de James B. Stenson (Ed. Le Laurier – 19 Passage Jean Nicot – 75007 PARIS).

On peut aus­si le trou­ver aux Editions Clovis.