Rendez-​nous la messe !

Il y a quelques jours, alors que se pré­pa­raient les mesures de « décon­fi­ne­ment » à par­tir du 11 mai, le pré­sident de la République avait lais­sé entendre que, si la plu­part des com­merces, les écoles ain­si que de nom­breux lieux publics pour­raient rou­vrir à par­tir de cette date, en revanche les fidèles demeu­re­raient pri­vés de céré­mo­nies dans leurs églises.

Rendez-​nous la messe !

Voilà le cri que l’on a alors enten­du mon­ter à l’adresse des auto­ri­tés, non seule­ment de la part de fidèles pri­vés de sacre­ments, mais encore de pas­teurs pri­vés de leurs bre­bis. D’ordinaire conci­liants, ils avaient pour cer­tains retrou­vé des accents vigou­reux pour dénon­cer l’injuste situa­tion faite à l’Église catholique.

Si la vie reprend dans les rues, les écoles, les entre­prises, les maga­sins, et que les seuls lieux où l’on ne puisse se rendre sont les églises, quel triste aveu de maté­ria­lisme de la part d’un pré­sident qui avait pour­tant décla­ré en 2018 que « si les catho­liques ont vou­lu ser­vir et gran­dir la France », c’est « parce qu’ils étaient por­tés par leur foi en Dieu et par leur pra­tique reli­gieuse », rap­pelle C. D’Ornellas dans Valeurs Actuelles. Ne fallait-​il voir dans ces mots de « de traîtres res­sorts élec­to­raux », demande l’éditorialiste ?

Reste qu’on ne demande un droit qu’à celui qui a le pou­voir de l’accorder. En deman­dant la pos­si­bi­li­té de rou­vrir le culte aux fidèles, il ne s’agit abso­lu­ment pas de deman­der à l’État le droit de rendre un culte à Dieu, s’exclame un autre prêtre (Père Danziec, Valeurs Actuelles). C’est un devoir de rendre à Dieu ce culte et il appar­tient à l’autorité ecclé­sias­tique de le régler, comme le rap­pelle mon­sieur l’abbé Gleize.

Résultat : pas de ras­sem­ble­ment dans les églises avant le 2 juin.

Prêtres et évêques, qui ont selon eux « joué le jeu du confi­ne­ment » se sentent d’autant plus floués que l’État paraît capable d’une cer­taine flexi­bi­li­té quant à l’application de ces règles. Les médias ont rela­té cette note de la direc­tion dépar­te­men­tale de la Sécurité publique du Calvados deman­dant aux forces de l’ordre de ne pas « inter­ve­nir dans des quar­tiers à forte concen­tra­tion de popu­la­tion sui­vant le rama­dan, pour rele­ver un tapage, contrô­ler un regrou­pe­ment de per­sonnes ras­sem­blées après le cou­cher du soleil ». Ce qui ren­force chez les catho­liques l’idée selon laquelle « ce report vise sur­tout à ne pas rou­vrir les cultes avant la fin du rama­dan le 23 mai », selon un prêtre inter­ro­gé par Le Figaro dans son édi­tion du jeu­di 23 avril.

Rendez-​nous la messe ! les évêques ne furent pas écoutés.

Rendez-​nous la messe !

Voilà le cri que l’on entend s’élever depuis cin­quante ans à l’adresse des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques, de la part de fidèles et de prêtres à qui l’ont a vou­lu arra­cher le tré­sor de la messe tri­den­tine pour leur ser­vir « la messe de Luther », selon l’expression de Mgr Lefebvre.

Alors que le pape Paul VI avait vou­lu, au moins dans les faits, inter­dire tota­le­ment la messe de tou­jours, un cer­tain « décon­fi­ne­ment » inter­vint sous ses suc­ces­seurs en 1984 et en 2007, per­met­tant l’usage du rite tra­di­tion­nel mais sous condi­tion. Reste que l’on inter­dit ou limite l’usage de quelque chose seule­ment si on a le pou­voir de le faire. Faut-​il men­dier le droit de célé­brer le culte de Dieu selon le vrai rite catho­lique de la messe, auquel la bulle Quo Primum Tempore de saint Pie V avait octroyé un usage perpétuel ?

En outre, « A messe nou­velle cor­res­pond caté­chisme nou­veau, sacer­doce nou­veau, sémi­naires nou­veaux, uni­ver­si­tés nou­velles, Église cha­ris­ma­tique, pen­te­cô­tiste, toutes choses oppo­sées à l’or­tho­doxie et au magis­tère de tou­jours » (Mgr Lefebvre, Déclaration du 21 novembre 1974). Or, une condi­tion récur­rente de ces indults est de recon­naître la légi­ti­mi­té de cette messe nou­velle. Ce qui ren­force chez les catho­liques de la Tradition l’idée d’une manœuvre pour faire accep­ter le Concile et son nou­veau magis­tère à tra­vers la réforme la plus visible qui est issue.

Sans condi­tion, sans les nou­veau­tés conciliaires,

Rendez-​nous la messe de tou­jours ! Les évêques écouteront-ils ?

Source : La Porte Latine du 29 avril 2020