Williamson : Benoît XVI reconnaît des erreurs – Le Figaro du 13/​03/​09

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Le Pape a écrit jeudi une lettre aux évêques du monde entier sur l’affaire Williamson.

C’est un pape bles­sé qui prend la plume pour s’ex­pli­quer sur le fond et recon­naître des « erreurs ». Benoît XVI a écrit jeu­di aux quelque 5 000 évêques du monde entier pour rendre compte de sa déci­sion de lever l’ex­com­mu­ni­ca­tion, annon­cée le 24 jan­vier der­nier, au béné­fice de quatre évêques ordon­nés illi­ci­te­ment par Mgr Marcel Lefebvre en 1988. Dont le fameux Mgr Richard Williamson, qui conti­nue à sou­te­nir des thèses négationnistes.

Dans cette lettre, tra­duite en six langues, le Pape entend répondre aux évêques « per­plexes » et aux fidèles qui « l’ac­cu­saient (…) de vou­loir reve­nir en arrière, au temps d’a­vant le Concile ». Des catho­liques à qui il adresse un reproche : « J’ai été pei­né du fait que même des catho­liques, qui au fond auraient pu mieux savoir ce qu’il en était, aient pen­sé devoir m’of­fen­ser avec une hos­ti­li­té prête à se mani­fes­ter. » Et de féli­ci­ter aus­si­tôt ses « amis juifs » : « C’est jus­te­ment pour cela que je remer­cie d’au­tant plus les amis juifs qui ont aidé à dis­si­per rapi­de­ment le mal­en­ten­du et à réta­blir l’at­mo­sphère d’a­mi­tié et de confiance, qui – comme du temps du pape Jean-​Paul II -, comme aus­si durant toute la période de mon pon­ti­fi­cat a exis­té et, grâce à Dieu, conti­nue à exister. »

Avant d’ex­pli­quer sa déci­sion, le Pape refor­mule la pro­blé­ma­tique de toute l’af­faire : « Le fait que le cas Williamson se soit super­po­sé à la levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion a été pour moi un inci­dent fâcheux impré­vi­sible. Le geste dis­cret de misé­ri­corde envers quatre évêques, ordon­nés vali­de­ment mais non légi­ti­me­ment, est appa­ru tout à coup comme tota­le­ment dif­fé­rent : comme le démen­ti de la récon­ci­lia­tion entre chré­tiens et juifs, et donc comme la révo­ca­tion de ce que le Concile avait cla­ri­fié en cette matière pour le che­mi­ne­ment de l’Église. Une invi­ta­tion à la récon­ci­lia­tion avec un groupe ecclé­sial impli­qué dans un pro­ces­sus de sépa­ra­tion se trans­for­ma ain­si en son contraire : un appa­rent retour en arrière par rap­port à tous les pas de récon­ci­lia­tion entre chré­tiens et juifs faits à par­tir du Concile, des pas, dont le par­tage et la pro­mo­tion avaient été dès le début un objec­tif de mon tra­vail théo­lo­gique personnel. »

Niveau « dis­ci­pli­naire » et volet « doctrinal »

Il recon­naît ensuite deux erreurs. Le manque d’in­for­ma­tion sur Mgr Williamson dont il appa­raît que le Pape ne connais­sait pas le dos­sier : « Il m’a été dit que suivre avec atten­tion les infor­ma­tions aux­quelles on peut accé­der par Internet aurait per­mis d’a­voir rapi­de­ment connais­sance du pro­blème. J’en tire la leçon qu’à l’a­ve­nir au Saint-​Siège nous devrons prê­ter davan­tage atten­tion à cette source d’in­for­ma­tions. » Et note aus­si­tôt « une autre erreur » : « la por­tée et les limites de la mesure (…) n’ont pas été com­men­tées de façon suf­fi­sam­ment claire au moment de sa publication ».

Il faut donc tout réex­pli­quer et le Pape se lance. Il dis­tingue « le niveau dis­ci­pli­naire » de la levée des excom­mu­ni­ca­tions, de son volet « doc­tri­nal ». Avec cettecon­clusion sans ambi­guï­té : « Tant que les ques­tions con­cernant la doc­trine ne sont pas éclair­cies, la Fraternité n’a aucun sta­tut cano­nique dans l’Église, et ses ministres – même s’ils sont libé­rés de la puni­tion ecclé­sias­tique -, n’exercent de façon légi­time aucun minis­tère dans l’Église. » Jeudi, la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X a salué cette lettre et s’est enga­gée à entrer dans un dia­logue sur le fond. D’où, aus­si, cette annonce de réforme de struc­ture au sein du Vatican : le rat­ta­che­ment de la com­mis­sion Ecclesia Dei (en charge du dia­logue avec les inté­gristes) à la congré­ga­tion pour la doc­trine de la foi car, pré­cise le Pape, « les pro­blèmes qui doivent être trai­tés à pré­sent sont de nature essen­tiel­le­ment doc­tri­nale et re­gardent sur­tout l’ac­cep­tion du Concile Vatican II et du magis­tère post-​conciliaire des papes ».

Après ces aspects tech­niques, Benoît XVI aborde l’es­prit de sa déci­sion. Il com­mence par une mise au point sur le schisme lefev­briste : « On ne peut geler l’au­torité magis­té­rielle de l’Église à l’an­née 1962 ; ceci doit être bien clair pour la Fraternité. » Mais, précise-​t-​il, « les grands défen­seurs du Concile » doivent « accep­ter la foi pro­fes­sée au cours des siècles et ne peuvent cou­per les racines dont l’arbre vit ». Autre cadrage, l’op­por­tu­ni­té de sa déci­sion qui fut mise en doute. Il répond par deux argu­ments : dans un monde où « le vrai pro­blème » est de voir « Dieu dis­pa­raître de l’ho­ri­zon des hommes », la « prio­ri­té suprême et fon­da­men­tale » est de « conduire les hommes vers Dieu ». Dans cette voie la « cré­di­bi­li­té » des croyants est une carte maî­tresse. Elle repose sur leur « uni­té », au sein de l’Église catho­lique – « l’œ­cu­mé­nisme est inclus dans la prio­ri­té suprême » ; et par « le dia­logue interreligieux ».

Second argu­ment qui n’a­vait jusque-​là jamais été abor­dé, l’en­jeu de cette réin­té­gra­tion. Il est « de pré­ve­nir les radi­ca­li­sa­tions ». Responsabilité que l’Église par­tage avec « la socié­té civile ». Benoît XVI appelle donc « à sor­tir des étroi­tesses » pour assu­mer « l’en­ver­gure » de l’Église. Et pose une ques­tion : « Le fait de s’en­ga­ger à réduire les dur­cis­se­ments et les rétré­cis­se­ments (…) peut-​il être tota­le­ment erroné ?»

Jean-​Marie Guénois in Le Figaro