Dissolution sociale, dissolution religieuse

Crédit photo : Lieselot Dalle sur Unsplash

Les contraintes sani­taires actuelles dis­solvent la socié­té, le gou­ver­ne­ment actuel du pape a ten­dance à dis­soudre l’Église.

Les contraintes sani­taires décré­tées par les gou­ver­ne­ments ont impo­sé à la popu­la­tion, volon­tai­re­ment ou non, une dis­so­lu­tion sociale. Les enfants désor­mais obli­gés d’étudier sans plus aller à l’école et leurs pères contraints de se fixer sur leur ordi­na­teur ont dû trou­ver, sous le même toit, le bon mode de vie pour ne pas se gêner mutuel­le­ment. Tous ont dû trou­ver, dans le même temps et dans le même lieu, le moyen de vaquer à des occu­pa­tions com­plè­te­ment dis­pa­rates les unes des autres. Le replie­ment sur soi est deve­nu une néces­si­té et le sort de tous. Voilà le para­doxe : un iso­le­ment uni­ver­sel. Qui ne voit le dilemme ter­rible auquel nous sommes accu­lés – un tota­li­ta­risme s’érige face à une démo­cra­tie qui se délite ? Les pen­seurs modernes, ron­gés par le mode opé­ra­toire binaire favo­ri­sé par l’ordinateur, résolvent tout, à coup d’algorithme, et ne sortent pas de la vieille ambi­guï­té : le choix entre la mul­ti­tude ou l’unité. Les uns veulent coûte que coûte pri­vi­lé­gier l’unité, même au prix d’écraser la mul­ti­tude, tan­dis que d’autres pré­tendent le contraire et lais­ser vivre la diver­si­té au risque d’ébranler l’unité. Les pères de famille éprouvent tous les jours cette ambi­guï­té ! Chacun de ses enfants demande une atten­tion par­ti­cu­lière à laquelle il est atten­tif sans nuire pour autant à l’unité de sa famille tout entière. C’est le b. a.-ba de tout prince bien né : « Comme les hommes existent nom­breux, cha­cun irait de son côté s’il n’y avait pas quelqu’un pour avoir soin du bien de la mul­ti­tude. » (Saint Thomas d’Aquin) Le pou­voir a jus­te­ment pour fonc­tion d’ordonner une mul­ti­tude, c’est-à-dire de l’unifier sans la détruire.

Le vice de la moder­ni­té consiste à voir une contra­dic­tion entre l’unité et la mul­ti­tude. Dès lors la pre­mière s’oppose néces­sai­re­ment à la seconde et l’instabilité devient endé­mique parce que cette oppo­si­tion est contre nature. On bas­cule alors d’un excès de pou­voir à son absence. Retenir cha­cun chez soi donne à l’État un pou­voir qua­si­ment direct sur tous. Le tota­li­ta­risme uni­taire prend la place d’une démo­cra­tie plu­rielle déliquescente.

Malheureusement cette dévia­tion révo­lu­tion­naire est entrée dans l’Église. La monar­chie divine fon­dée par Jésus-​Christ tend à deve­nir une plu­ra­li­té appe­lée syno­dale au détri­ment du pou­voir du pape. On bas­cule de l’unité à la plu­ra­li­té non seule­ment parce que le pou­voir du vicaire du Christ tend à se dis­soudre en toutes sortes d’assemblées mais plus encore parce que l’Église catho­lique s’étiole par œcu­mé­nisme au milieu d’un ensemble de reli­gions plus ou moins ido­lâtres. Cette gan­grène de l’Église de Jésus-​Christ qui la prive de son uni­té fon­cière la trans­forme en Église « conci­liaire ». La catho­li­ci­té est deve­nue une uni­ver­sa­li­té vague et sans règle ou cha­cun trouve son compte appuyé sur son sen­ti­ment per­son­nel. Voilà une autre forme d’isolement uni­ver­sel qui conduit subrep­ti­ce­ment à un pou­voir fort outrancier.

Cette erreur est vrai­ment dan­ge­reuse d’abord parce qu’elle cor­rompt la foi en l’unité de l’Église qui est un article de foi, comme le signi­fiait Pie VII : « Le Rédempteur des hommes, après avoir acquis cette Église au prix de son sang, a vou­lu que ce joyau de l’unité fût pour elle un attri­but propre et par­ti­cu­lier qu’elle conser­vât jusqu’à la fin des siècles. » Mais en plus l’intelligence est cor­ro­dée au point de ne plus sai­sir que le pape, vicaire de Jésus-​Christ, a un pou­voir direct sur cha­cun des chré­tiens comme sur cha­cun des évêques et des prêtres, en même temps que chaque évêque a aus­si un pou­voir direct sur cha­cune de ses ouailles et sur ses prêtres. Cette admi­rable com­po­si­tion fait de l’Église en même temps une famille, un dio­cèse et aus­si une cité poli­tique. C’est bien le seul cas où une ami­tié à la fois fami­liale, conju­gale, poli­tique et élec­tive uni­fie par­fai­te­ment tous les membres d’une mul­ti­tude de socié­tés moindres. La sainte Écriture use sou­vent de ces ana­lo­gies : « Si nous sommes enfants, nous sommes aus­si héri­tiers… » ou bien « moi, Jean, je vis la ville sainte… qui venait de Dieu parée comme une épouse » ou encore, « vous n’êtes plus des étran­gers qui sont hors de la mai­son, mais vous êtes citoyens de la même cité que les saints et domes­tiques de la mai­son de Dieu ». Saint Jean dit encore : « Je ne vous appel­le­rai plus ser­vi­teurs… mais je vous ai appe­lés mes amis parce que je vous ai fait savoir tout ce que j’ai appris de mon Père. » Même si les pou­voirs éta­blis s’ingénient à cor­rompre ces véri­tés, gar­dons au cœur la cha­ri­té qui est la seule ver­tu qui puisse unir par­fai­te­ment une diversité.

Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France

Source : Editorial de la revue Fideliter n° 259

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.