Encore Assise ? – Editorial de M. l’abbé Christian Bouchacourt – Novembre 2016

Abbé Christian Bouchacourt,
Supérieur du District de France 

Depuis 1986, la Fraternité Saint-​Pie X conteste publi­que­ment, au nom même des prin­cipes catho­liques, ce qu’on peut appe­ler « la démarche d’Assise », telle qu’elle a été mise en place par Jean-​Paul II, puis reprise suc­ces­si­ve­ment (avec des inflexions) par Benoît XVI et François.

Commençons par pré­ci­ser ce qui ne consti­tue pas pour nous un pro­blème par­ti­cu­lier. Que les Papes, que la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, tra­vaillent, dans la mesure de leurs pos­si­bi­li­tés, au main­tien ou à l’é­ta­blis­se­ment de la paix consti­tue une démarche tout à fait légi­time. On connaît l’a­nec­dote rap­por­tée à pro­pos de saint Pie X s’a­dres­sant à l’am­bas­sa­deur qui sol­li­ci­tait une béné­dic­tion pour les armées de l’Empire austro-​hongrois : « Je ne bénis que la paix ».

Parmi les démarches qu’une telle recherche de la paix peut engen­drer, notam­ment en ces temps de mon­dia­li­sa­tion, il peut en par­ti­cu­lier être oppor­tun d’a­voir contact avec d’autres chefs reli­gieux pour que, dans leur ordre propre, cha­cun d’eux appelle ses fidèles à oeu­vrer pour la paix. 

Beaucoup plus contes­table, en revanche, est l’i­ni­tia­tive d’être « ensemble pour prier ». Elle avait engen­dré, lors de la pre­mière réunion en 1986 des scènes publiques de syn­cré­tisme qui firent vrai­ment scan­dale. Même si ces erre­ments semblent avoir été cor­ri­gés depuis, il reste que l’i­mage du Pape priant en même temps que des chefs de (fausses) reli­gions induit invin­ci­ble­ment dans l’es­prit la convic­tion que toutes les démarches reli­gieuses sont légi­times et plus ou moins égales. Il est objec­ti­ve­ment impos­sible qu’une telle image n’en­gendre pas l’in­dif­fé­ren­tisme religieux. 

Mais notre contes­ta­tion est plus pro­fonde que celle qui porte sur ces consé­quences (très graves, déjà). C’est le prin­cipe même de la ren­contre d’Assise pour la paix qui nous paraît enta­chée d’une dra­ma­tique erreur théologique. 

Le Pape, en effet, n’est pas un habile diplo­mate recher­chant seule­ment les condi­tions psy­cho­lo­giques d’un accord de paix ponc­tuel. Ce qu’il vise, c’est la paix en soi, la véri­table paix. Or, l’unique paix solide et pro­fonde, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ, « lui qui est notre paix » (Ep 2, 14). Et, comme l’ex­prime saint Paul à cet endroit, c’est par son sang qu’il opère cette récon­ci­lia­tion, qu’il abat le mur de sépa­ra­tion, qu’il récon­ci­lie les peuples. 

En ne rap­pe­lant pas cette don­née essen­tielle, en ne prê­chant pas « à temps et à contre­temps » le règne du Christ, « règne de jus­tice, d’a­mour et de paix » (Préface du Christ-​Roi), en pri­vant les hommes de cette véri­té capi­tale que la paix ne peut adve­nir que par le Christ Sauveur, « car il n’a été don­né aucun autre nom sous le ciel » qui puisse assu­rer aux hommes une paix durable et vraie, la démarche d’Assise pèche sans aucun doute contre la foi catholique.

Abbé Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District de France de la FSSPX

Sources : Lettre à nos frères prêtres n° 71/​La Porte Latine du 2 novembre 2016

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.