Que peut-​on attendre du pape François ?

La ques­tion pour­rait paraître sau­gre­nue voire peu res­pec­tueuse. Et pour­tant cette ques­tion est légi­time et impor­tante. Légitime parce que ses pro­pos les plus récents n’au­gurent rien de bon ; impor­tant parce que, qu’il le veuille ou non, aux yeux du monde, il est le repré­sen­tant de l’Eglise catholique.

Un mois après son élec­tion au sou­ve­rain pon­ti­fi­cat, le mar­di 16 avril, dans l’ho­mé­lie de la messe qu’il pré­si­dait, le pape François en évo­quant le Concile Vatican II, rap­pe­lait son impor­tance et fus­ti­geait ceux qui osaient le critiquer : 

« après 50 ans, avons-​nous fait tout ce que nous dit l’Esprit Saint dans le Concile, dans cette conti­nui­té dans la crois­sance de l’Eglise qu’a été le Concile ? Nous fêtons cet anni­ver­saire en éri­geant une sorte de monu­ment au Concile mais nous nous inquié­tons sur­tout qu’ils ne nous dérangent pas. Nous ne vou­lons pas chan­ger. Il y a plus : cer­taines voix veulent reve­nir en arrière. Cela s’ap­pelle être des nuques raides, cela s’ap­pelle vou­loir domes­ti­quer l’Esprit Saint, cela s’ap­pelle être des cœurs lents et sans intelligence. »

On peut esti­mer, en se basant sur ses actes et ses décla­ra­tions, que le nou­veau pape est un fils incon­di­tion­nel du concile Vatican II, dont il a appli­qué beau­coup d’i­dées modernes lors­qu’il était évêque de Buenos Aires : une reli­gion cen­trée sur l’homme, l’oe­cu­mé­nisme et le dia­logue inter-​religieux, un refus de condam­ner l’er­reur, un apos­to­lat dévié vers une fin huma­ni­taire et humaniste.

Nous le savons, en fai­sant entrer au Concile les idéaux de la révo­lu­tion fran­çaise : liber­té, éga­li­té, fra­ter­ni­té, ce sont trois erreurs qui ont été éri­gées comme prin­cipes direc­teurs de l’ac­tion de l’Eglise et qui, par-​là même, pro­voquent son auto-​démolition : liber­té reli­gieuse (liber­té), col­lé­gia­li­té (éga­li­té) et oecu­mé­nisme (fra­ter­ni­té).

Pour la liber­té reli­gieuse comme pour l’oe­cu­mé­nisme (et son exten­sion qua­si néces­saire, le dia­logue inter-​religieux) le pape François n’a pas besoin d’in­no­ver, semble-​t-​il : il lui suf­fit de conti­nuer l’œuvre de ses pré­dé­ces­seurs. C’est d’ailleurs le sou­hait qu’il a expri­mé dès le début de son Pontificat (en par­ti­cu­lier dans son inter­ven­tion aux membres des autres reli­gions le 20 mars 2013).

La col­lé­gia­li­té quant à elle, si elle a été pro­fes­sée à de mul­tiples occa­sions depuis le Concile, n’a pas été mise en appli­ca­tion dans sa glo­ba­li­té, c’est-​à-​dire au degré suprême de la hié­rar­chie de l’Eglise, le Souverain Pontife. Paul VI, Jean-​Paul II, Benoît XVI ont en effet sou­vent agi avec auto­ri­té et conscients de leur auto­ri­té. Or il semble que ce ne soit pas la volon­té du nou­veau pape. Par exemple, dans l’a­vion qui le rame­nait des JMJ à Rome, dans la nuit du 28 au 29 juillet, il a dit aux journalistes : 

« Il ne faut pas lire au-​delà des mots. Le Pape est évêque, il est évêque de Rome et de là lui vient tout. C’est le pre­mier titre, ensuite viennent les autres titres. Mais croire que ceci veut dire que le suc­ces­seur de Pierre est un pri­mus inter pares (« pre­mier entre des égaux ») signi­fie aller au-​delà. Souligner le pre­mier titre, celui d’é­vêque de Rome, peut favo­ri­ser un peu l’oe­cu­mé­nisme. » Il ne nie pas qu’il soit pape certes quoi­qu’il pré­fère le qua-​lificatif d’é­vêque de Rome, mais il pro­fesse que si « l’é­glise de Rome est celle qui pré­side toutes les églises, [elle le fait] dans la charité. »

Nous ver­rons ce qui sor­ti­ra de cette concep­tion du nou­veau pape sur l’Eglise et l’au­to­ri­té dans l’Eglise ; sans doute va-​t-​on assis­ter à des réformes dans le sens d’une plus grande col­lé­gia­li­té au sein de l’Eglise. Nous ver­rons cela sans doute dans la réforme de la curie qui va venir.

En tout cas, plu­sieurs textes semblent capi­taux pour com­prendre le nou­veau pape : d’a­bord les pro­pos qu’il avait tenus, avant son élec­tion, lors de la congré­ga­tion géné­rale des car­di­naux avant d’en­trer en conclave : ils révèlent sa concep­tion très spé­ciale de l’Eglise, concep­tion qu’il a à nou­veau pro­fes­sée, que ce soit lors du congrès ecclé­sial à Rome en juin der­nier ou aux JMJ en juillet au Brésil. Ensuite, le livre « Je crois en l’homme ; conver­sa­tions avec Jorge Bergoglio » (éd. Flammarion ; 2013) qui publie les conver­sa­tions que le futur pape entre­tint avec deux jour­na­listes entre 2009 et 2010 à Buenos Aires et où il se révèle sans faux-fuyants.

On pour­ra lire aus­si avec inté­rêt l’en­tre­tien qu’il a eu avec les jour­na­listes dans l’a­vion le rame­nant à Rome après les JMJ (nuit du 28 au 29 juillet) ain­si que l’al­lo­cu­tion don­née aux classes diri­geantes du Brésil le matin du 27 juillet, où il prêche pour une « laï­ci­té de l’Etat, qui, sans as-​sumer comme propre aucune posi­tion confes­sion­nelle, mais res­pecte et valo­rise la pré­sence de la dimen­sion reli­gieuse dans la socié­té, en en favo­ri­sant ses expres­sions les plus con-​crètes, est favo­rable à la cohabi-​tation ente les diverses reli­gions. » Le but étant de « miser sur le dia­logue ou sur la cul-​ture de la ren­contre » afin de « construire un ave­nir meilleur pour tous ».

I – Allocution du cardinal Bergoglio à la Congrégation Générale des cardinaux avant l’entée en Conclave

C’est au cours de l’ho­mé­lie de la pre­mière messe qu’il a célé­brée à son retour à Cuba après l’é­lec­tion du nou­veau pape, que le car­di­nal Jaime Ortega a révé­lé les pro­pos que le car­di­nal Jorge Mario Bergoglio avait tenus alors. Il a pré­ci­sé que l’in­ter­ven­tion du car­di­nal Bergoglio s’ar­ti­cu­lait en quatre points et reflé­tait sa vision per­son­nelle de l’Eglise, telle qu’elle se pré­sente aujourd’­hui : « On a par­lé d’é­van­gé­li­sa­tion. C’est la rai­son de l’Eglise. […]

1) Evangéliser sup­pose un « zèle » apos­to­lique. L’Eglise est appe­lée à sor­tir d’elle-​même et à aller dans les péri­phé­ries, les péri­phé­ries géo­gra­phiques mais éga­le­ment exis­ten­tielles : là où réside le mys­tère du péché, la dou­leur, l’in­jus­tice, l’i­gno­rance, là où le reli­gieux, la pen­sée, sont mépri­sés, là où sont toutes les misères.

2) Quand l’Eglise ne sort pas pour évan­gé­li­ser, elle devient auto­ré­fé­ren­tielle et tombe malade (cf. la femme toute cour­bée repliée sur elle-​même dont parle Luc dans l’Evangile (13,10–17). Les maux qui, au fil des temps, frappent les ins­ti­tu­tions ecclé­sias­tiques sont l’auto-​référentialité et une sorte de nar­cis­sisme théo­lo­gique. Dans l’Apocalypse, Jésus dit qu’il est à la porte, qu’il frappe à la porte. Bien enten­du, le texte se réfère au fait qu’il frappe à la porte de l’ex­té­rieur pour entrer… Mais je pense aux moments où Jésus frappe de l’in­té­rieur pour le lais­ser sor­tir. L’Eglise auto­ré­fé­ren­tielle pré­tend rete­nir le Christ à l’in­té­rieur d’elle-​même et ne le fait pas sortir.

3) Quand l’Eglise est une Eglise auto­ré­fé­ren­tielle, elle croit invo­lon­tai­re­ment avoir la lumière, une lumière qui lui est propre. […] Elle va vers un mal très grave dont on connaît le nom : « la spi­ri­tua­li­té mon­daine » (Selon Lubac, c’est le pire mal qui puisse arri­ver à l’Eglise). […] Il y a deux images de l’Eglise : l’Eglise évan­gé­li­sa­trice qui sème et l’Eglise mon­daine qui vit repliée sur elle-​même et pour elle-​même. Cette ana­lyse devrait appor­ter un éclai­rage sur les chan­ge­ments et réformes pos­sibles qui doivent être faites pour le salut des âmes.

4) Pensant au pro­chain pape, il faut un homme qui, de la contem­pla­tion et de l’a­do­ra­tion de Jésus Christ, aide l’Eglise à sor­tir d’elle-​même vers la péri­phé­rie exis­ten­tielle de l’hu­ma­ni­té, pour qu’elle devienne mère féconde de la douce et récon­for­tante joie d’é­van­gé­li­ser. »
Si l’on voit dans cette allo­cu­tion le rap­pel d’une véri­té, à savoir que l’Eglise est par nature mis­sion­naire, qu’elle doit évan­gé­li­ser avoir la véri­té est une faute et un leurre ?

II – « Je crois en l’homme » – quelques extraits

a) Foi

On ne voit nulle part une concep­tion tra­di­tion­nelle de la foi dans ces entre­tiens avec les deux jour­na­listes. Certes ce n’est pas un livre de dogme ou un caté­chisme mais il donne tout de même une sorte de défi­ni­tion de la foi : « La foi, c’est la ren­contre avec Jésus-​Christ » (page 96) ; « une véri­table ren­contre per­son­nelle avec Dieu, comme le veut la tra­di­tion chré­tienne » (page 196). Or, cette concep­tion, sans reje­ter expli­ci­te­ment la défi­ni­tion tra­di­tion­nelle de la foi, se rap­proche dan­ge­reu­se­ment de la foi moder­niste condam­née par saint Pie X dans l’en­cy­clique Pascendi.

b) Espérance

« Pour moi, l’es­pé­rance est dans la per­sonne humaine, dans ce qu’elle a dans le cœur. Je crois en l’homme. Je ne dis pas qu’il est bon ou mau­vais, mais je crois en lui, en la digni­té et la gran­deur de la per­sonne » (page 190) ; « il est utile de ne pas confondre opti­misme et espé­rance. L’optimisme est une atti­tude psy­cho­lo­gique face à la vie. L’espérance va au-​delà. C’est l’ancre qu’on lance dans le futur et qui per­met de tirer sur la corde pour arri­ver à ce à quoi on aspire. C’est s’ef­for­cer dans la bonne direc­tion. En plus l’es­pé­rance est théo­lo­gale : Dieu sert d’in­ter­mé­diaire. Pour toutes ces rai­sons, je crois que la vie triomphe » (page 197) : voi­là une défi­ni­tion curieuse à la fois de l’es­pé­rance et du terme « théo­lo­gal » : il semble que pour lui, l’es­pé­rance a pour prin­cipe, l’homme ; pour motif, la digni­té de la per­sonne humaine ; pour fin, la le triomphe de la vie ici-​bas ; Dieu n’est qu’un inter­mé­diaire pour arri­ver à cette fin.

c) Charité et zèle apostolique

La cha­ri­té semble-​t-​il consiste pour lui à aller vers les autres et à accep­ter la visite de l’autre, qu’il soit Jésus-​Christ ou un homme. Ainsi, le car­di­nal Bergoglio rap­pelle la néces­si­té abso­lue pour l’Eglise d’être mis­sion­naire, qui pour lui com­mence par le devoir « d’al­ler vers les gens, de connaître cha­cun par son nom » (page 80) ; « voi­la ce qu’est pour moi un pas­teur, quel­qu’un qui va vers les gens » (page 85).

Mais recon­nais­sant que d’être accueillant, que d’al­ler vers l’autre n’est pas suf­fi­sant, il estime qu’il faut aus­si le « faire par­ti­ci­per à la joie du mes­sage évan­gé­lique, à la féli­ci­té de vivre chré­tien­ne­ment » (page 85).

Pour lui, l’obs­tacle majeur à ce mes­sage évan­gé­lique est de « ne voir que ce qu’il y a de néga­tif, ce qui nous sépare, n’est pas le fait d’un bon catho­lique. […] si l’on n’as­sume pas le fait, que, dans la socié­té, il y a des per­sonnes qui vivent sui­vant des cri­tères dif­fé­rents et même oppo­sés aux nôtres, que nous ne les res­pec­tons pas et ne prions pas pour elles, jamais elles ne seront rache­tées dans notre cœur (?). Nous devons faire en sorte que l’i­déo­lo­gie ne gagne pas sur la morale » (page 86).

Reconnaissant que cela risque tout de même d’a­me­ner à une reli­gion à la carte, à « consi­dé­rer la reli­gion comme un pro­duit de consom­ma­tion, un phé­no­mène lié à un cer­tain théisme dif­fus, éla­bo­ré avec les para­mètres du New Age » (page 87), il estime que « ce serait grave si cela expri­mait l’ab­sence d’une ren-​contre per­son­nelle avec Dieu » (page 88) ; et de conclure : « je pense qu’il faut réin­ven­ter le fait reli­gieux en tant que mou­ve­ment visant la ren­contre avec Jésus-​Christ » (page 88)

On recon­nait dans ces pro­pos des idées justes : devoir pour l’Eglise d’être mis­sion­naire, devoir de bien­veillance envers les autres, conscience du pro­blème de pro­tes­tan­ti­sa­tion des catho­liques qui se font une reli­gion à la carte.

Mais : 1 – la cause de ce der­nier point est occul­tée : c’est la non pro­cla­ma­tion de la Vérité, « à temps et à contre-​temps » ; 2 – le remède pro­po­sé, « une ren­contre per­son­nelle avec Jésus-​Christ » peut faci­le­ment être com­pris selon des prin­cipes pro­tes­tants puisque décon­nec­tés des véri­tés de Foi (« l’i­déo­lo­gie »). L’expérience seule compte, ce que saint Pie X condam­nait comme l’une des erreurs modernistes.

D’ailleurs, selon lui, « plus les agents pas­to­raux (les caté­chistes, mis­sion­naires, etc.) découvrent la pié­té popu­laire, plus l’i­déo­lo­gie s’es­tompe, parce qu’ils se rap­prochent des gens et de leurs pro­blèmes, avec une her­mé­neu­tique réelle, éma­nant du peuple lui-​même » (page 89) : le dogme et l’au­to­ri­té qui la pro­clame semblent donc tous deux être à la remorque du vécu du peuple de Dieu : rien n’est plus moder­niste que cette conception !

Vis-​à-​vis de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion, son atti­tude est floue : il ne semble pas adhé­rer à cette erreur mais a tou­jours refu­sé de la condam­ner comme telle. D’abord parce qu’il n’aime pas le mot « condam­na­tion », ni ce qu’il repré­sente : « je ne par­le­rai pas non plus de condam­na­tion de cer­tains aspects, mais d’une dénon­cia­tion » (page 89) ; ensuite parce que c’est l’ex­cès de ce mou­ve­ment qu’il faut dénon­cer selon lui, pas le mou­ve­ment lui-​même. En par­ti­cu­lier, son prin­cipe pre­mier, qui était d’al­ler vers les pauvres, est bon et fut « un mes­sage fort de l’après-​concile », « un mou­ve­ment issu d’un tour­nant effec­tué par l’Eglise » (pages 88 à 90).

d) La morale

Le futur pape parle du pro­blème de l’a­dap­ta­tion de l’Eglise au monde moderne. Il rap­pelle avec rai­son que « le rôle essen­tiel de l’Eglise n’est pas de réduire le nombre de pré­ceptes ni de faci­li­ter telle ou telle mesure » (page 80) pour plaire au monde. Mais en même temps, il répète que pour lui, le rôle de l’Eglise est « plu­tôt de sor­tir et d’al­ler vers les gens » (id.), et non pas spé­cia­le­ment de rap­pe­ler les exi­gences de la vie morale catholique.

Revenant sur le déca­lage dont cer­tains accusent l’Eglise entre sa morale et le vécu concret des gens, il rap­pelle à juste titre là aus­si qu’il existe des prin­cipes moraux natu­rels, ins­crits en nous, inchan­geables. Son ensei­gne­ment paraît clair sur l’a­vor­te­ment, l’eu­tha­na­sie ou l’ho­mo­sexua­li­té par exemple.

Mais en même temps, son com­bat pour les prin­cipes moraux repose, comme ses pré­dé­ces­seurs immé­diats, sur la digni­té de la per­sonne humaine et non sur Dieu et sa loi (pages 99–100).

En outre, s’il dit que la morale ne change pas, il estime, qu’en nous, c’est la prise de conscience de ce qui est bien ou mal qui évo­lue : prin­cipe qui fina­le­ment laisse ouverte la porte à une morale toute sub­jec­tive. Il prend l’exemple de la peine de mort : pen­dant long­temps dit-​il on a cru la peine de mort légi­time, mais l’homme a enfin pris conscience de l’im­mo­ra­li­té d’une telle chose parce que la vie est un bien sacré intan­gible (page 94).

e) Application de sa concep­tion de la morale sur le mariage des prêtres :

« si l’Eglise chan­geait un jour sur ce point, ce serait pour une rai­son cultu­relle, dans un endroit pré­cis, non de façon uni­ver­selle ou en sui­vant un choix per­son­nel » ; « à l’heure d’au­jourd’­hui, je sous­cris à la posi­tion de Benoît XVI : le céli­bat doit être main­te­nu, j’en suis convain­cu » : actuel­le­ment donc, il estime que le céli­bat ecclé­sias­tique doit être main­te­nu mais la prise de conscience peut évo­luer. Dans un autre livre co-​écrit avec le rab­bin Abraham Skorka, rec­teur du Séminaire rab­bi­nique latino-​américain, datant de la même époque que « Je crois en l’homme » (« Sur la terre comme au ciel », Robert Laffont, 2010) (1), il disait aus­si être « pour l’ins­tant favo­rable au main­tien du céli­bat, avec ses avan­tages et ses incon-​vénients, parce que, sur dix siècles, on a eu plus d’ex­pé­riences posi­tives que de défaillances ». « C’est une ques­tion de dis­ci­pline, pas de foi. Cela peut chan­ger » concluait-​il.

C’est exac­te­ment ce que Mgr Pietro Parolin, actuel nonce apos­to­lique au Vénézuela, et nom­mé secré­taire d’Etat du Saint-​Siège (il pren­dra ses fonc­tions le 15 octobre pro­chain à Rome) exprime lui aus­si dans un entre­tien don­né au quo­ti­dien véné­zué­lien « El Universal » publié le 8 sep­tembre. A suivre donc…

f) Sur l’oe­cu­mé­nisme et la réuni­fi­ca­tion des confes­sions chrétiennes

« Je me réjouis des démarches qui ont été entre­prises avec le mou­ve­ment oecu­mé­nique. Nous, les catho­liques et les évan­gé­liques [?], nous sen­tons plus proches quand nous coha­bi­tons avec d’autres. Nous recher­chons une diver­si­té récon­ci­liée. Je ne crois pas qu’on puisse, à l’heure actuelle, pen­ser à la réunion, ou à l’u­ni­té totale, mais plu­tôt à une diver­si­té récon­ci­liée qui implique que l’on marche ensemble, en priant et en tra­vaillant ensemble, et qu’en­semble nous cher­chions la ren­contre dans la véri­té » (page 196) : Rien de nou­veau sous le soleil, c’est « l’u­ni­té dans la diver­si­té » chère à Benoit XVI, « pour trans­mettre la vraie paix du Christ à toute l’hu­ma­ni­té ».

Le pape François semble donc être un digne fils du Concile Vatican II, en par­ti­cu­lier sur le ter­rain de l’oe­cu­mé­nisme et du dia­logue inter­re­li­gieux, mais aus­si la liber­té reli­gieuse. Sa concep­tion de l’au­to­ri­té en géné­ral et de l’au­to­ri­té suprême dans l’Eglise laisse augu­rer une appli­ca­tion du prin­cipe de la col­lé­gia­li­té au degré suprême de l’au­to­ri­té dans l’Eglise, le Souverain Pontificat.

C’est un homme de dia­logue qui cherche à l’ex­cès la conci­lia­tion au détri­ment de la pro­cla­ma­tion de la Vé-​rité catho­lique. Il semble plus proche d’un Jean-​Paul II, qui l’a éle­vé à l’é­pis­co­pat et au car­di­na­lat (ou même de Jean XXIII), que de Benoît XVI : prin­ci­pa­le­ment parce qu’il ne semble pas être un théo­lo­gien mais un pas­teur. En outre, il ne s’in­té­resse aucu­ne­ment à la litur­gie tra­di­tion­nelle, qu’il n’a sans doute pas beau­coup connue.

Son com­bat rejoint celui du Concile Vatican II et de Jean-​Paul II pour l’ins­tau­ra­tion d’une paix dans le monde, avec peut-​être une par­ti­cu­la­ri­té : la lutte contre la pauvreté.

Comme Jean-​Paul II, il semble pieux au pre­mier abord, avec une théo­lo­gie spi­ri­tuelle sans doute plus clas­sique que ce der­nier, en rai­son de son appar­te­nance à la Compagnie de Jésus. Mais sa théo­lo­gie est très axée sur l’ex­pé­rience per­son­nelle du contact avec Jésus et en cela, il est proche des mou­ve­ments pro­tes­tants modernes qu’il connaît bien par ailleurs. Sa morale est empreinte de sub­jec­ti­visme et c’est peut être aus­si sur ce ter­rain (et sur celui du céli­bat ecclé­sias­tique) que des inno­va­tions auront lieu.

Abbé Thierry Legrand +

Sources : Le Saint-​Vincent n° 3 de sep­tembre 2013

(1) Notons que dans ce livre le mot Trinité n’ap­pa­raît qu’une fois, quand le car­di­nal expose le cur­sus d’é­tudes du sémi­naire… Nulle part il n’af­firme que Jésus Christ est Dieu dans ce livre .