Entretien avec l’abbé Sélégny sur les vocations

La Porte latine : Monsieur l’ab­bé, vous êtes Secrétaire géné­ral de la Fraternité Saint Pie X depuis 1996, voyez-​vous une évo­lu­tion dans le nombre des voca­tions depuis cette date ?

Abbé Arnaud Sélégny : Si l’on comp­ta­bi­lise les entrées dans les 5 sémi­naires qui reçoivent une pre­mière année – c’est-​à-​dire si on exclut Écône qui ne pos­sède pas l’an­née de spi­ri­tua­li­té – nous arri­vons au chiffre de 46 entrées pour cette année, en nous sou­ve­nant que les sémi­naires de l’hé­mi­sphère Sud, celui d’Argentine et celui d’Australie, ont leur ren­trée au mois de mars. L’année de mon arri­vée, il y avait eu 47 entrées ! C’est dire que l’é­vo­lu­tion est plu­tôt à la sta­bi­li­té. Au cours des dix der­nières années, la moyenne des entrées dans les sémi­naires s’é­ta­blit à 44,5, c’est dire encore que cette année se situe dans un milieu. Lorsque l’on sait que la moi­tié envi­ron des sémi­na­ristes de pre­mière année sont fina­le­ment ordon­nés, l’on peut rai­son­na­ble­ment espé­rer que cette année 2005 pro­dui­ra une grosse ving­taine de prêtres en 2011.

LPL : Quels sont les cri­tères d’ins­crip­tion dans les sémi­naires de la Fraternité ?

AS : Les cri­tères sont ceux que l’Église a tou­jours uti­li­sés : l’i­do­néi­té, ou capa­ci­té du can­di­dat à pour­suivre les études exi­gées et à vivre son sacer­doce de manière sainte, pleine et épa­nouie. Ceci inclut tant les capa­ci­tés intel­lec­tuelles néces­saires, ce qui est réa­li­sé géné­ra­le­ment par le niveau bac, que la ver­tu qui sera deman­dée au prêtre, tout au moins la capa­ci­té à acqué­rir cette ver­tu durant la durée du sémi­naire. L’adaptation à notre vie par­ti­cu­lière, celle de la Fraternité sera éga­le­ment un signe impor­tant : comme dans toute socié­té ecclé­sias­tique, le sujet doit pou­voir accom­plir toutes les obli­ga­tions requises par les sta­tuts de la Société ; enfin il faut un mini­mum de san­té. Vous voyez, rien que de très traditionnel.

LPL : Y a‑t-​il une simi­li­tude quant au pro­fil des candidats ?

AS : En fait, les pro­fils sont variables, car dans le monde contem­po­rain le pas­sé de ces sémi­na­ristes, de ces futurs prêtres, peut-​être très divers. Certains ont tou­jours été dans une famille catho­lique, voire tra­di­tion­nelle, d’autres sont des conver­tis, d’autres ont sui­vi des par­cours variés après avoir plus ou moins oublié la foi avant de la retrou­ver. Il n’y a donc pas de pro­fil type. De plus, la socié­té contem­po­raine génère chez nombre de sujets des dif­fi­cul­tés qui ren­dront la vie com­mune dif­fi­cile et qui sont très diver­se­ment ren­con­trées par­mi les candidats.

LPL : Est-​il exact que cette année les écoles de la Fraternité ont don­né de nom­breuses vocations ?

AS : C’est exact, par­ti­cu­liè­re­ment pour la France : sur 21 entrées, 18 d’entre elles sont pas­sées par nos écoles, que ce soit pour une for­ma­tion com­plète ou pour seule­ment un ou deux ans. Ceci est tout à fait remar­quable et montre la place de plus en plus pré­pon­dé­rante que les voca­tions tirées de nos écoles ont dans nos sémi­naires. Nous devons nous en réjouir dou­ble­ment : d’une part à cause du nombre de voca­tions qui sortent des écoles et qui est l’un des fruits espé­rés de l’im­mense chan­tier que repré­sente cette édu­ca­tion dis­pen­sée par le dévoue­ment des prêtres de notre Société, et d’autre part car la qua­li­té des can­di­dats est sou­vent meilleure lors­qu’ils sortent de nos éta­blis­se­ments. Ils ont alors acquis de nom­breuses bases qui font sou­vent cruel­le­ment défaut chez ceux qui ne sont pas pas­sés par nos écoles. J’ouvre ici une paren­thèse pour dire la grande satis­fac­tions que nous pro­curent ces écoles de la Tradition, car je ne veux exclure ni les écoles de filles, ni les autres écoles tenues par des Sociétés amies ou par des laïcs. Il y a envi­ron 6.000 enfants sco­la­ri­sés ain­si de par le monde qui sont l’a­ve­nir de l’Église par tout ce qu’ils ont reçu et qu’ils pour­ront ain­si trans­mettre. Ceci éclate tout par­ti­cu­liè­re­ment dans les voca­tions, et pas seule­ment en France mais aus­si aux États-​Unis où de nom­breux sémi­na­ristes sortent des deux grandes écoles que nous pos­sé­dons à St. Mary’s et à Post Falls.

LPL : Vous avez cer­tai­ne­ment des sémi­na­ristes qui ont reçu des for­ma­tions très diverses ?

AS : Il y a en effet cer­tains de nos sémi­na­ristes qui sortent tout juste du lycée, alors que d’autres sont déjà à bac + 3 voire bac + 5 ou ont même exer­cé un métier avant de se pré­sen­ter à la porte du sémi­naire. Les années sont d’ailleurs très variées sous ce point de vue. Elles com­portent des dif­fé­rences sou­vent mar­quées. On trouve par­mi ceux qui ont reçu une for­ma­tion : des ingé­nieurs, des avo­cats, des pro­fes­seurs, des méde­cins et d’autres pro­fes­sions encore.

LPL : Quels sont les pays repré­sen­tés dans nos séminaires ?

AS : Il y a aujourd’­hui une tren­taine de natio­na­li­tés repré­sen­tées dans nos sémi­naires dont voi­ci la liste : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grande-​Bretagne, Irlande, Italie, Pays-​Bas, Pologne, Suède, Tchéquie, Suisse et Ukraine pour l’Europe ; Canada, États-​Unis, Mexique, République Dominicaine, Colombie, Brésil, Chili, Argentine et Uruguay pour le conti­nent amé­ri­cain ; Cameroun, Gabon et Afrique du Sud pour l’Afrique ; Philippines et Indes pour l’Asie ; Australie et Nouvelle-​Zélande pour le 5e conti­nent ;. Vous pou­vez ain­si réa­li­ser que la Fraternité est vrai­ment inter­na­tio­nale et que les jeunes gens viennent du monde entier pour être for­més dans nos sémi­naires, ce qui ne peut que nous réjouir ; d’une part car nous sommes heu­reux de pou­voir réa­li­ser la for­ma­tion clé­ri­cale de can­di­dats venant de ces pays et d’autre part car nous reflé­tons ain­si davan­tage l’u­ni­ver­sa­li­té de l’Église.

LPL : L’Amérique du Nord n’est-​elle pas en train de faire mieux que la France ?

AS : Je répon­drais oui et non à cette ques­tion ! En effet, l’en­trée dans l’an­née de spi­ri­tua­li­té est de 12 sujets pour le sémi­naire de Winona alors qu’elle est de 21 pour notre sémi­naire de Flavigny. Mais il est vrai que l’Amérique du Nord a reçu en sus 20 pré-​séminaristes, c’est-​à-​dire une ving­taine de jeunes gens qui vivent au sémi­naire la même vie que les sémi­na­ristes et font une année pré­pa­ra­toire en vue d’y entrer. Si l’on ajoute ce chiffre au pre­mier on obtient le résul­tat de 32 ! D’autant que cette année tous les sémi­na­ristes entrés l’an­née der­nière au pré-​séminaire sont fina­le­ment pas­sés en pre­mière année. Mais je pré­fère com­pa­rer ce qui est com­pa­rable, et dans ce sens il y a eu moins d’en­trées à Winona cette année. Cependant, Flavigny n’a qu’à bien se tenir car si les vingt per­sé­vèrent, en sus de ceux qui entre­ront direc­te­ment en année de spi­ri­tua­li­té l’an­née pro­chaine, il devrait y avoir une entrée record à Winona ce qui doit créer une belle ému­la­tion pour l’avenir.

LPL : Combien prévoit-​on d’or­di­na­tions pour 2006 ?

AS : Si Dieu veut, et si tous per­sé­vèrent jus­qu’au bout, nous pour­rions avoir une ordi­na­tion de 18 membres comp­ta­bi­li­sés sur la tota­li­té de l’année.

LPL : De com­bien de prêtres aurions-​nous besoin pour satis­faire toutes les demandes ?

AS : Vaste ques­tion ! Mgr Fellay a l’ha­bi­tude de dire que si on lui four­nit 50 ou 100 prêtres de plus il n’au­ra pas de dif­fi­cul­té à leur trou­ver immé­dia­te­ment une place. Je pense que cela est cer­tain pour le pre­mier chiffre et pas loin d’être vrai pour le second. En effet, nos ouvres gran­dissent sans cesse et les besoins se font tou­jours plus pres­sants. Il ne faut pas oublier non plus que tous les membres ne peuvent pas avoir tou­jours la même san­té et des prêtres malades doivent être rem­pla­cés. Il y a éga­le­ment des décès. Il y a enfin, dans la ter­rible crise qui secoue l’Église et qui ne manque pas de nous tou­cher, de temps en temps éga­le­ment des départs, tous ces évé­ne­ments pro­vo­quant des néces­si­tés qu’il faut bien com­bler d’une manière ou d’une autre. Disons cepen­dant que la Providence nous a tou­jours aidés dans le déve­lop­pe­ment de la Fraternité et que même si nous sommes dans des années de vaches maigres, le Maître de la mois­sons nous a four­ni, dans les années de vaches grasses, ce qui nous était nécessaire.
Cependant, j’ex­horte tous les fidèles à prier tous les jours et à deman­der au Maître de la vigne d’en­voyer tou­jours davan­tage d’ou­vriers dans cette néces­si­té extrême où nous nous trou­vons. Nous devrions tous nous faire un devoir de prier chaque jour pour les voca­tions. Il existe d’ailleurs en France une ouvre des­ti­née à ce but : la croi­sade pour les vocations.