L’action de grâce

Même que photo 40

Pourquoi remer­cier Dieu, être dans l’action de grâce ? Parce que Dieu est notre plus grand bien­fai­teur ; nous avons tout reçu de Lui.

Le vieux Tobie inter­roge son fils quand celui-​ci rentre sain et sauf de son long voyage, pro­té­gé qu’il a été par un jeune homme qui se révé­le­ra être l’ange Raphaël : Que pouvons-​nous don­ner à ce saint homme qui est venu avec vous ? Mon père, répondit-​il, quelle récom­pense lui donnerons-​nous ? Ou que peut-​il y avoir de pro­por­tion­né à ses bien­faits ? (…) Mais je vous prie mon père, de lui deman­der s’il dai­gne­rait accep­ter la moi­tié de tout le bien que nous avons appor­té (Tb 12, 1–2 et 4). 

Les Tobie constatent avoir reçu beau­coup de bien­faits d’une per­sonne. Ils veulent témoi­gner de leur recon­nais­sance, ils veulent remer­cier et faire un geste pro­por­tion­né, à la hau­teur des bien­faits reçus. Quant à nous, vis-​à-​vis du Bon Dieu, c’est la même chose : pour­quoi remer­cier Dieu, être dans l’action de grâce ? Parce que Dieu est notre plus grand bien­fai­teur ; nous avons tout reçu de Lui. Dieu a for­mé notre corps et créé notre âme à son image et à sa res­sem­blance (Genèse 1, 26). Le jour de notre bap­tême, Il a orné notre âme de la grâce sanc­ti­fiante et des ver­tus, et Il est venu habi­ter en nous, au centre de notre âme. Depuis ce jour, Il nous a adop­tés pour ses enfants et nous a fait ses héri­tiers. Il a don­né à cha­cun d’entre nous un ange pour le gar­der, ce qui ne l’empêche pas de prendre soin de nous jour et nuit. Notre Seigneur dit en effet : Les che­veux même de votre tête sont tous comp­tés. Ne crai­gnez donc point ; vous valez plus que beau­coup de pas­se­reaux (Lc 12, 7). 

On ne peut qu’être dans l’action de grâce quand on apprend que Dieu nous a déli­vrés du péché en envoyant son Fils : Dieu a tant aimé le monde qu’Il lui a don­né son Fils unique (Jn 3, 16). Et de ce fait, Notre Seigneur est prêt à nous par­don­ner, non seule­ment sept fois, mais soixante-​dix fois sept fois (Mt 18, 22). Remercions-​nous éga­le­ment assez un Dieu qui nous nour­rit de sa chair ? Et que dire des bonnes ins­pi­ra­tions qu’Il nous envoie, de nos pauvres prières qu’Il exauce ? Devant tous ces bien­faits, on ne peut que répé­ter le mot de Saint Paul : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? (1 Co 4, 7). 

Il existe une loi uni­ver­selle de la recon­nais­sance. Si un homme reçoit beau­coup de quelqu’un, il se sent obli­gé de le payer de retour, sous peine de pas­ser pour un ingrat. Saint Léonard de Port Maurice dit que cette loi est même obser­vée par les bêtes féroces qui deviennent quelque fois dociles envers leurs bien­fai­teurs. Alors, à com­bien plus forte rai­son doit-​elle être obser­vée par les hommes, doués d’intelligence et com­blés de tant de bien­faits par Dieu.

Il importe donc de remer­cier Dieu. Mais comme Tobie, il faut cher­cher à avoir une action de grâce pro­por­tion­née au bien­fait. Et cela semble dif­fi­cile, car le moindre don de Dieu vient d’une majes­té infi­nie ; est accom­pa­gné d’une cha­ri­té infi­nie ; donc acquiert un prix infi­ni, et oblige à une cor­res­pon­dance infi­nie. Alors, que faire ? Le roi David nous répond dans les psaumes : Que rendrai-​je au Seigneur pour tous les biens dont Il m’a com­blé ? Je pren­drai le calice du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur (Ps 115, 12–13). Saint Léonard com­mente : Le roi pro­phète avait en vue le saint sacri­fice de la Messe. On remer­cie donc ample­ment Dieu par la Messe. Le saint sacri­fice, écrit saint Irénée de Lyon, a été ins­ti­tué afin que nous ne soyons pas ingrats envers Dieu. Que fait en effet Notre Seigneur à la Messe ? Comme à la der­nière Cène, Il rend grâce à Dieu : Puis, ayant pris du pain, Il ren­dit grâce (Lc 22, 19). Notre Seigneur est Dieu ; son action de grâce a donc une valeur infi­nie, elle sur­passe toutes les actions de grâce des anges et des hommes. Le père de Cochem dit : Si depuis votre enfance vous n’aviez jamais ces­sé de remer­cier Dieu, vous auriez fait moins qu’en assis­tant à une seule Messe.

Saint Thomas d’Aquin enseigne éga­le­ment qu’il faut remer­cier Dieu par la Messe. Il explique qu’il y a un devoir de recon­nais­sance ; il faut rap­por­ter les grâces reçues à son Auteur. Mais cela doit se faire par la même voie qui nous a trans­mis ces grâces. Or Notre Seigneur est la voie par laquelle nous arrive tout bien. C’est donc par Lui, immo­lé sur l’autel, que nos actions de grâce doivent remon­ter au Ciel.

Il faut remer­cier par la Messe. Il faut aus­si remer­cier quand nous avons com­mu­nié. C’est le moment que l’on nomme pré­ci­sé­ment l’action de grâce. Comment la faire ? Nous résu­me­rons ce que dit le théo­lo­gien Tanquerey, dans son manuel de spi­ri­tua­li­té. Il enseigne que l’action de grâce com­men­ce­ra par un acte de silen­cieuse ado­ra­tion, d’anéantissement, et de dona­tion com­plète de nous-​mêmes à Celui qui, étant Dieu, se donne tout entier à nous. Dans une note, il remarque : Beaucoup de per­sonnes oublient ce pre­mier devoir d’adoration et se mettent aus­si­tôt à deman­der des faveurs, sans se dou­ter que nos demandes seront d’autant mieux accueillies que nous aurons tout d’abord ren­du nos devoirs à Celui qui nous fait l’honneur de sa visite. Viennent alors de doux col­loques entre l’âme et l’hôte divin. On écoute atten­ti­ve­ment le Maître, l’Ami ; on lui parle res­pec­tueu­se­ment, sim­ple­ment, affec­tueu­se­ment. Pour que ces col­loques ne dégé­nèrent pas en rou­tine, il est bon de varier le sujet de la conver­sa­tion, en pre­nant tan­tôt une ver­tu et tan­tôt une autre, en par­cou­rant dou­ce­ment quelques paroles de l’Évangile.

On n’oublie pas de remer­cier Notre Seigneur des lumières qu’Il veut bien nous com­mu­ni­quer… comme aus­si des obs­cu­ri­tés et des séche­resses dans les­quelles Il nous laisse de temps en temps. On s’offre aus­si à faire les sacri­fices néces­saires pour réfor­mer et trans­for­mer sa vie, en par­ti­cu­lier sur tel point déter­mi­né. Enfin, c’est aus­si le moment de prier pour toutes les per­sonnes qui nous sont chères, pour les grands inté­rêts de l’Église, aux inten­tions du Souverain Pontife, pour les évêques, les prêtres. Ne crai­gnons pas de rendre notre prière aus­si uni­ver­selle que pos­sible : c’est le meilleur moyen d’être exaucé.

Pour ceux qui sou­haitent une méthode encore plus simple, nous pou­vons citer le caté­chisme : « L’action de grâce consiste à s’entretenir avec Notre Seigneur pré­sent en nous et à faire des actes d’adoration, de remer­cie­ment, de demande, d’offrande et de réso­lu­tion. » Ces cinq actions se retiennent faci­le­ment avec l’acrostiche « Ardor » : A comme ado­rer, R comme remer­cier, D comme deman­der, O comme offrir, R comme résolution.

On se demande com­bien de temps accor­der à l’action de grâce après la com­mu­nion. Il est sou­hai­table de la faire tant que Notre Seigneur est sub­stan­tiel­le­ment pré­sent en nous par l’eucharistie. Or Notre Seigneur est réel­le­ment pré­sent tant que n’ont pas été digé­rées les espèces eucha­ris­tiques, soit envi­ron pen­dant un quart d’heure. Les Tobie, eux, n’ont pas fait les choses à moi­tié. Quand l’ange Raphaël dis­pa­raît, il est écrit : Alors, s’étant pros­ter­nés le visage contre terre pen­dant trois heures, ils bénirent Dieu (Tb 12, 22) On peut lire en note qu’ils étaient abî­més dans la prière et la reconnaissance.

Que la Très Sainte Vierge Marie, qui en son Magnificat nous montre com­ment remer­cier Dieu, nous aide à faire l’action de grâce, à nous entre­te­nir avec son Fils. Car, comme le disait un confrère en ser­mon : « L’action de grâce donne des grâces ! »

Abbé Vincent Grave

Source : Lou Pescadou n° 210