Premières réactions au Motu proprio Traditionis Custodes

Les pre­mières réac­tions, très diverses, au Motu pro­prio Traditionis Custodes du Pape François paru le 16 juillet 2021 ne se sont pas fait attendre. En voi­ci quelques-​unes de car­di­naux, d’é­vêques, de supé­rieurs de com­mu­nau­tés Ecclesia Dei et de prêtres diocésains.

Lire Mgr Lefebvre en 1989 : « Après les ral­lie­ments son­ne­ra l’heure de vérité »

Le site de l’hebdomadaire Famille chré­tienne publie ce 17 juillet 2021 quelques réac­tions prises sur le vif :

« C’est un texte très offen­sant et très violent », estime l’abbé Paul-​Joseph, supé­rieur du dis­trict de France de la Fraternité Saint-​Pierre (FSSP), « On y parle d’une part de rejet du concile, or la Fraternité Saint-​Pierre n’a jamais reje­té le concile Vatican II. Pour nous, il ne pré­sente pas de dif­fi­cul­tés fon­da­men­tales mais uni­que­ment des demandes de pré­ci­sions sur cer­tains points que nous inter­pré­tons à la lumière de la tra­di­tion de l’Eglise comme le pré­co­nise Benoit XVI. » ajou­tant : « Nous sommes peu payés pour notre obéis­sance à Rome, obéis­sance qui est la pierre angu­laire de notre fon­da­tion ». Il sou­ligne : « La Fraternité Saint-​Pie X est fina­le­ment mieux trai­tée que nous ». C’est un constat d’é­chec, « Depuis notre créa­tion, nous avons essayé d’être dans cet esprit filial, avec le droit qui nous a été accor­dé de pou­voir émettre des cri­tiques construc­tives mais il demeure chez cer­tains une sus­pi­cion sur notre com­mu­nion ecclé­siale, notre état d’esprit, notre obéis­sance, notre recon­nais­sance de la vali­di­té et la fécon­di­té du mis­sel de Paul VI que nous n’avons jamais remise en cause. »

Supérieur de la plus impor­tante com­mu­nau­té Ecclesia Dei en France, l’ab­bé Benoît Paul-​Joseph s’in­quiète pour l’a­ve­nir : « Il n’y aura plus de sta­bi­li­té. Nous pas­sons de la bien­veillance à un régime de tolé­rance, illus­tré notam­ment par le fait que les messes tra­di­tion­nelles ne sont plus cen­sées être célé­brées dans des églises parois­siales, qu’il n’y aura plus d’érection de paroisses per­son­nelles et qu’on demande aux évêques de ne plus accep­ter de demande venant de nou­veaux groupes. C’est l’acheminement vers l’unique mis­sel de Paul VI. » Conclusion sans illu­sion : « Il s’agit donc d’un enca­dre­ment des der­nières per­sonnes atta­chées au mis­sel de Saint Pie V que l’on accom­pagne de façon thé­ra­peu­tique comme en soins pal­lia­tifs. »

Pour l’Abbé Mateusz Markiewicz, supé­rieur du dis­trict d’Europe de l’Institut du Bon Pasteur (IBP), ce texte est un « acte contre la cha­ri­té parce que nous ne savons pas sur quoi s’appuient les accu­sa­tions por­tées à notre encontre dans ces docu­ments car rien de ce qui est écrit n’est conforme à la réa­li­té » il remarque qu’« on punit des prêtres et des fidèles atta­chés à une messe mul­ti­sé­cu­laire tan­dis que des évêques en Allemagne pro­duisent qua­si­ment un schisme ».

L’abbé Guy-​Emmanuel Cariot, rec­teur de la basi­lique d’Argenteuil, qui ne célébre que le nou­veau rite, affirme res­sen­tir « beau­coup de tris­tesse parce que ce texte semble balayer les efforts faits par Benoit XVI pour main­te­nir l’unité de l’Eglise et mépri­ser les efforts faits depuis quinze ans par les com­mu­nau­tés tra­di­tio­na­listes. »

L’abbé Timothée Pattyn, curé de la paroisse de la Trinité en Beaujolais et ancien de la Fraternité Saint-​Pierre, estime que « cela va bra­quer les fidèles et les prêtres qui ne se sentent pas com­pris. Certains vont se diri­ger vers la Fraternité Saint-​Pie X, d’autres vont se remettre en porte à faux avec les évêques, des évêques vont ral­lu­mer des guerres là où il n’y en avait plus… Ce texte déchire les arti­sans d’unité qui célèbrent volon­tiers la forme extra­or­di­naire, en adhé­rant au concile, à la forme ordi­naire et au magis­tère des papes [post-​conciliaires]. » Il ajoute : « avec ce texte, cer­tains ont désor­mais le sen­ti­ment d’être les vilains petits canards, et d’être sur­veillés de près. »

Le car­di­nal Burke, qui affirme ne pas pou­voir com­prendre com­ment le nou­veau Missel romain est « l’expression unique de la lex oran­di du rite romain », a éga­le­ment remis en ques­tion dans le National Catholic Register le ton du motu pro­prio, obser­vant qu’il est « mar­qué par une dure­té envers les fidèles qui adorent dans la forme extra­or­di­naire. » Concernant l’enquête à laquelle François se réfère dans le motu pro­prio, le car­di­nal a décla­ré que « compte tenu de la nature dras­tique de la légis­la­tion, il sem­ble­rait juste de don­ner un rap­port détaillé du résul­tat de l’enquête, qui véri­fie éga­le­ment la nature scien­ti­fique de l’enquête. »

De son côté, le car­di­nal Sarah, a émis un tweet laco­nique : « Prions un moment auprès de la grande fresque de Michel-​Ange dans la cha­pelle Sixtine. Il y a repré­sen­té le Jugement der­nier. Mettons nous à genoux devant la majes­té divine. Les saints sont là, ils portent les ins­tru­ments de leur mar­tyr. Le soir approche et déjà le jour baisse. »

Sur le site du jour­nal La Croix, quelques évêques réagissent également.

Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras (Pas-​de-​Calais), relève que le cli­mat était glo­ba­le­ment apai­sé : « Dans la très grande majo­ri­té des cas, les rela­tions se passent bien même s’il peut y avoir çà et là quelques risques de divi­sion. Mais il y a des pays où la situa­tion peut être plus cli­vée. » Il ajoute cepen­dant sur Vatican News que « la forme extra­or­di­naire devait res­ter extra­or­di­naire. Et petit à petit, on a vou­lu dire que la forme extra­or­di­naire était meilleure que l’ordinaire » , et aus­si : « le Pape Benoit avait intro­duit pour le bien pour la cha­ri­té cette dis­tinc­tion, mais cer­tains s’en sont ser­vis mal­heu­reu­se­ment contre ce qu’elle vou­lait ser­vir. D’où la réac­tion du Pape François. […] Le Pape pose des condi­tions claires et pré­cises, nous sor­tons d’un cer­tain flou qui pou­vait exis­ter. » Pour lui, « le Saint-​Père demande un renou­veau eucha­ris­tique et une nou­velle atten­tion à la litur­gie pour toute l’Église, et pas seule­ment pour le mis­sel extra­or­di­naire mais pour le mis­sel romain de Paul VI. » (Cf à ce pro­pos la vidéo « Quand le Pape François célèbre la nou­velle messe »)

Mgr Battut, évêque de Blois (Loir-​et-​Cher), dénonce lui aus­si le dévoie­ment de l’u­sage du Motu pro­prio Summorum Pontificum de Benoît XVI : « Il consiste à se com­por­ter comme si le Concile Vatican II lui-​même – dont est issue la messe de Paul VI – était dis­qua­li­fié. Certains milieux ont com­pris à tort que la forme ordi­naire consti­tuait une forme litur­gique de seconde caté­go­rie, une sous messe… Des gens sans scru­pules se sont ser­vis du Motu pro­prio de Benoit XVI. Ces per­sonnes (qui sou­vent n’ont même pas lu le Concile) ont dit en sub­stance : “Rome a déjà cédé sur la messe donc Rome va bien­tôt aus­si reve­nir sur le Concile Vatican II… Nous ne fai­sons qu’anticiper le renie­ment par Rome du Concile et nous le jetons aux orties.” »

Le com­mu­ni­qué de la Conférence des Evêques de France (CEF), pour sa part, fait tout sim­ple­ment écho à la déci­sion du Pape François : « Chaque évêque aura à cœur d’être à la hau­teur des enjeux décrits par le Saint Père », pré­ci­sant que « cela se fera par le dia­logue et deman­de­ra du temps. »