Lettre n° 29 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de septembre 1985

Chers Amis et Bienfaiteurs,

uand S. Exc. Monseigneur Marcel Lefebvre fête­ra ses 80 ans dans quelques semaines, il pour­ra jeter un coup d’œil en arrière sur une vie bien rem­plie et bénie par Dieu : mis­sion­naire en Afrique, arche­vêque de Dakar et délé­gué apos­to­lique du Saint-​Siège pour 64 dio­cèses, évêque de Tulle, Supérieur géné­ral de la Société des Pères du Saint-​Esprit comp­tant (à l’époque) 5000 membres.

Cependant l’œuvre la plus belle, la plus grande et la plus impor­tante lui a été réser­vée par la Providence divine pour la fin de sa vie : l’engagement total dans la lutte pour sau­ver la sainte Eglise, ses dogmes, le règne social de son Seigneur et Maître, pour sau­ve­gar­der le sacer­doce catho­lique et le Saint Sacrifice de la Messe par la fon­da­tion de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X.

Depuis quinze ans, des jeunes gens du monde entier quittent leur famille, leur pro­fes­sion, leur situa­tion et leur patrie, atti­rés par le rayon­ne­ment de la force de sa foi et par le feu de sa cha­ri­té, afin de se lais­ser for­mer dans nos sémi­naires et d’y mon­ter les marches de l’autel. Gaudium meum et coro­na mea ! C’est par ces mots de saint Paul qu’il s’adressait il y a quelque temps à ces jeunes gens : « Vous êtes ma joie, vous êtes ma cou­ronne ! » Cette année, il y en a 70 de vingt pays, sans comp­ter les voca­tions des frères et sœurs.

La Fraternité pour­rait for­mer, dans le monde entier, un cler­gé fort dans la foi ; Ecône devien­drait ain­si le modèle de la for­ma­tion sacer­do­tale en notre temps », me disait récem­ment un car­di­nal ; cette parole m’a sem­blé son­ner presque comme une prophétie.

En effet, nous envi­sa­geons la fon­da­tion de deux nou­veaux sémi­naires : l’un en Afrique noire, sur les lieux où tra­vailla jadis le Père Marcel ; l’autre en Inde, pour tout le ter­ri­toire asia­tique. Mais ce ne sont pas les seuls signes de la béné­dic­tion visible de Dieu. Nous atten­dons, avec ô com­bien de joie, la date toute proche de l’ordination sacer­do­tale, la pre­mière à avoir lieu au Séminaire Notre-​Dame Corédemptrice de La Reja en Argentine, qui por­te­ra le 1er décembre le nombre de nos confrères à 160.

Nous nous sen­tons com­blés par les misé­ri­cordes du Seigneur à la vue des dix nou­velles églises et des vingt et quelques nou­velles cha­pelles que nous avons pu ouvrir au cours de cette année dans le monde entier ; à la vue des nou­velles écoles fon­dées en France, en son­geant à la retraite prê­chée au Liban fin juillet et au par­rai­nage de notre apos­to­lat en Asie, pris en charge par la cha­ri­té fra­ter­nelle effec­tive de nos fidèles du prieu­ré de Sarrebruck…

L’appel à la croi­sade pour la sainte Eglise paraît trou­ver un écho de jour en jour plus vaste grâce à votre col­la­bo­ra­tion effi­cace, chers amis et bien­fai­teurs. Réduite à un petit reste, la chré­tien­té a recours à l’autodéfense face à l’œuvre des­truc­trice des nova­teurs. Tandis que de sa droite, elle recons­truit le Sanctuaire ren­ver­sé, de sa gauche, elle repousse les ennemis.

Paisible, mais ferme, elle part en mis­sion à la recon­quête du ter­rain per­du. Elle raf­fer­mit ceux qui doutent, éclaire les igno­rants, répri­mande les pécheurs, console les affli­gés, par­donne les torts subis, sup­porte patiem­ment les impor­tuns, prie Dieu pour les vivants et les morts.

Bien sûr, nos adver­saires ne res­tent pas non plus inac­tifs. La soi-​disant théo­lo­gie de la libé­ra­tion, qui n’est qu’un mar­xisme à façade reli­gieuse, a éta­bli à ce jour, dans la seule Amérique latine, 120.000 com­mu­nau­tés de base. En Afrique et en Asie, l’inculturation, qui ne fait rien d’autre que rame­ner au vieux paga­nisme les chré­tiens de ces régions, s’étend constam­ment sous la pous­sée de ses idéologues.

Mais res­tons chez nous : l’Europe n’a rien à envier aux autres ! Grâce à l’approbation des évêques, un nou­veau droit matri­mo­nial vient d’être accep­té en Suisse, qui est à la fois contraire au droit natu­rel et à la révé­la­tion divine, et qui détruit com­plè­te­ment l’autorité dans la famille. En Allemagne, le pré­sident de la Conférence épis­co­pale, le car­di­nal Höffner, et le pré­sident de l’Eglise Evangélique d’Allemagne, M. Lohse, ont signé une décla­ra­tion com­mune d’après laquelle les mariages mixtes peuvent être conclus dans l’une ou l’autre Eglise et les enfants qui en naissent être bap­ti­sés et éle­vés dans l’une ou l’autre confes­sion. En ce qui concerne le Saint Sacrifice de la Messe et la Cène pro­tes­tante, le docu­ment parle de « concor­dance mal­gré quelques différences » !

De tels évêques ont-​ils encore la foi catho­lique ? Et, en de telles condi­tions, que peut-​on attendre du Synode extra­or­di­naire qui aura lieu à Rome du 25 novembre au 8 décembre pro­chain ? En tout cas, nous renon­çons d’avance à « redé­cou­vrir le vrai Vatican II » avec le Cardinal Ratzinger, un Vatican II soi-​disant mal com­pris et mal inter­pré­té. Nous nous en tenons plu­tôt à la parole de Notre Seigneur : on recon­naît l’arbre à ses fruits ; or on constate par tout le monde des symp­tômes d’une intoxi­ca­tion gra­vis­sime. L’existence de 70.000 prêtres apos­tats n’est qu’un symp­tôme par­mi beau­coup d’autres.

« Priez sans cesse », nous aver­tit l’Apôtre à la suite du Seigneur, qui nous exhorte à « veiller et à prier ». Tenir bon dans la foi, per­sé­vé­rer dans la prière, pour­suivre l’action apos­to­lique et aspi­rer à la sain­te­té, tel est le com­man­de­ment de l’heure.
Que la Médiatrice de toutes grâces nous y aide ; qu’Elle récom­pense par d’abondantes grâces du Ciel votre sou­tien géné­reux à notre œuvre. Qu’elle ramène l’Eglise éga­rée à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ pauvre, humble, crucifié !

Rickenbach, en la fête des saints Côme et Damien, 27 sep­tembre 1985

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur Général

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