L’abbé Bernard de Lacoste Lareymondie, actuel directeur du séminaire international Saint-Pie X à Ecône, est heureux de former des prêtres à l’endroit même où a été fondée une œuvre qui transmet le sacerdoce catholique dans toute sa pureté doctrinale et sa charité missionnaire.
Le Rocher : Monsieur l’abbé, depuis deux ans, vous dirigez le séminaire d’Ecône qui est non seulement un lieu de formation sacerdotale mais aussi le cœur et le symbole d’un combat pour la foi et pour l’Eglise depuis cinquante ans. Comment vivez-vous cette expérience et votre rôle de directeur ?
M. l’abbé Bernard de Lacoste Lareymondie : Mgr Lefebvre écrit dans les statuts de la Fraternité que la fonction de directeur de séminaire « est la seule fonction que Notre Seigneur ait voulu remplir ostensiblement au cours de ses trois années de vie publique ». C’est donc une mission magnifique et en même temps délicate. Bien menée, cette fonction doit contribuer à la restauration de l’Eglise par la restauration du sacerdoce. Au contraire, menée avec légèreté, elle conduit à des désastres. Il est particulièrement enthousiasmant de former des prêtres en se fondant sur la doctrine du Magistère constant de l’Eglise et de saint Thomas d’Aquin. Nous avons là le contre-poison du modernisme qui a contaminé les hommes d’Eglise à tous les niveaux. Ainsi, les jeunes prêtres qui sortent d’Ecône ont en main tous les instruments nécessaires pour conduire les âmes sur le chemin du ciel.
Ecône est un lieu particulièrement émouvant, parce que c’est là que des milliers de jeunes gens ont reçu les ordres mineurs et majeurs des mains de Mgr Lefebvre d’abord, et de ses successeurs ensuite. Je suis heureux de former des prêtres à l’endroit même où, avec l’approbation de l’Eglise, a été fondée une œuvre qui transmet le sacerdoce catholique dans toute sa pureté doctrinale et sa charité missionnaire.
Le Rocher : Dans la crise des vocations qui frappe « l’Eglise conciliaire », on critique, souvent à juste titre, en ce qui concerne le discernement des qualités spirituelles, humaines et psychologiques des candidats au séminaire, l’emploi de critères plutôt larges, avec d’inévitables retombées négatives pour le futur. Quels sont les critères utilisés par la Fraternité ? Et quel est le « bassin naturel » des vocations de la Fraternité ?
Les critères utilisés par la Fraternité sont ceux que l’Eglise a toujours utilisés dans le discernement des vocations sacerdotales. Mentionnons spécialement, parmi les aptitudes exigées, un jugement droit, une vertu de chasteté solide, une piété virile, un bon équilibre psychologique, un cœur généreux, un caractère docile mais ferme et décidé. Il est vrai que l’Eglise manque de prêtres. Mais ce n’est pas une raison pour admettre aux sacerdoce des candidats inaptes. L’Eglise préfère la qualité à la quantité.
Comme dans toute l’histoire de l’Eglise, le terreau le plus propice à l’éclosion des vocations est la famille profondément catholique. Lorsque des parents vivent en bonne harmonie et s’efforcent, avec la grâce de Dieu, de donner une éducation vraiment chrétienne à leurs enfants, en leur montrant l’exemple de toutes les vertus, et en priant en famille tous les soirs, alors les conditions sont réunies pour que ce foyer donne à l’Eglise des prêtres ou des religieuses.
Le Rocher : La vie dans un séminaire peut être considérée selon trois aspects principaux : la piété, l’étude et la vie de communauté. Comment s’harmonisent ces différents aspects durant les années de séminaire à Ecône ?
La vie au séminaire n’est pas cloisonnée. Les études sont toutes orientées vers le sacerdoce et donc nourrissent la piété du séminariste. La vie de communauté, avec ses joies et ses difficultés, donne l’occasion de pratiquer la vertu de charité et prépare le futur prêtre à sa future vie en commun dans un prieuré.
Le Rocher : Comment se déroule une journée type au séminaire ?
Le séminariste se lève à 6h00 chaque matin. Il est à l’église à 6h30 pour l’office de prime, suivi de 25 minutes de méditation, de la messe et de l’action de grâce. Le déjeuner est pris à 8h00, en silence. De 9h00 à 12h00, le séminariste suit trois heures de cours, avant l’office de sexte à 12h15 et le dîner à 12h30. Il bénéficie ensuite d’une heure de récréation. L’après-midi est consacrée à l’étude personnelle dans la cellule ou à la bibliothèque. A 18h00 est donné un cours de chant grégorien, avant la conférence spirituelle à 18h30 et le chapelet à 19h00. Le souper est pris à 19h30. Il est suivi d’une récréation et du chant des complies à 20h45. Le séminariste se couche au plus tard à 22h00. Le mercredi après-midi, des randonnées en montagne sont organisées pour les volontaires.
Le Rocher : Quels sont les sortes de candidats ? Des jeunes qui sont entrés directement au séminaire après les études secondaires ? Ou plutôt des vocations tardives qui ont quitté une activité professionnelle ? Ou alors des étudiants universitaires ? Et comment s’adaptent-ils par rapport à leur passé ?
Il n’existe pas de profil type du séminariste. Certains entrent au séminaire après leur bac, d’autres ont suivi plusieurs années d’études universitaires, certains ont même exercé une profession pendant un certain temps. Mais tous ont en commun d’avoir renoncé aux monde et à ses séductions pour devenir de saints prêtres et sauver les âmes. La variété des expériences passées est enrichissante pour tous.
Sur le plan doctrinal, certains séminaristes ont toujours vécu dans la tradition catholique. D’autres l’ont découverte plus tard. Le récit de leur conversion est toujours intéressant. Il prouve que l’action miséricordieuse de la Providence est toujours actuelle.
Le Rocher : Le monde extérieur à la Tradition prétend, parfois, que le style de vie de nos séminaires promeut une séparation du « monde » vu comme une distraction dont il faut tenir éloignés les séminaristes. Pour les mêmes observateurs, cette attitude face au monde aurait des retombées négatives au moment de l’apostolat. Comment répondez-vous à une telle affirmation ?
Il est vrai que le séminariste, pendant ses six années de formation, est séparé du monde. Le séminaire ressemble un peu à un monastère. Loin de l’agitation et de l’excitation du monde, le séminariste peut ainsi prier et étudier dans la paix, le silence et l’union à Dieu. De même que le Christ a vécu caché 30 ans à Nazareth, et qu’il s’est retiré 40 jours dans le désert, avant de commencer sa vie publique, de même le futur prêtre a besoin de se préparer à sa mission sublime en vivant retiré et caché. C’est dans la mesure où le prêtre est saint, uni à Dieu, qu’il répand avec abondance les grâces sur les âmes. Cette séparation du monde favorise donc l’apostolat.
Il ne faut pas considérer le ministère sacerdotal comme un activité purement humaine. Le pape Pie XII l’a bien expliqué : « La condition essentielle de la fécondité apostolique, c’est la sanctification personnelle de l’apôtre, le souci généreux et constant de sa vie intérieure, l’union de l’âme sacerdotale avec le Seigneur par une vie de prière et de sacrifice. Cette vie, quand elle est intensément vécue, opère des miracles dans le domaine du travail apostolique. »[1]
En plus, il est faux de dire que les jeunes prêtres ignorent tout du monde actuel. Les vacances, surtout l’été, sont l’occasion pour les séminaristes d’aider les prêtres dans leur apostolat.
Le Rocher : Pouvez-vous nous indiquer trois qualités indispensables pour un prêtre ?
Mgr Lefebvre disait : « Pour sauver les âmes, il ne faut pas croire que c’est le prêtre le plus intelligent qui y parviendra le mieux, mais ce sera le plus saint »[2]. Or les principaux obstacles à la sainteté sont les trois concupiscences : l’avarice, l’impureté et l’orgueil. Le prêtre doit donc surmonter ces obstacles par la pratique des trois conseils évangéliques : il doit être pauvre, chaste et obéissant.
Par la pauvreté, il est détaché des biens de la terre, ce qui lui permet de s’attacher aux vrais biens, les biens éternels : la grâce et les vertus. Il peut ainsi s’occuper de ses fidèles d’une façon désintéressée.
Par la chasteté, le prêtre est détaché des plaisirs de la chair et donne son cœur à Jésus-Christ de façon totale, sans partage. Il peut ainsi aimer ses fidèles d’un amour de charité surnaturelle.
Par l’obéissance, le prêtre est un instrument docile dans les mains de Dieu, par l’intermédiaire de son supérieur ecclésiastique. Il peut ainsi exercer son ministère d’une façon conforme à la volonté de Dieu et non à sa manière personnelle de voir.
Le Rocher : Que conseillez-vous à un jeune homme qui pense être appelé par Dieu au sacerdoce ? Que doit-il faire concrètement ?
Si un jeune homme pense que Dieu l’appelle à être prêtre, il ferait bien de suivre une retraite spirituelle. C’est en effet un moment privilégié pour mieux comprendre ce que Dieu attend de nous. Ensuite, il est bon de se confier à un prêtre sage, pour lui demander conseil. Si l’avis de ce prêtre est favorable, il est utile d’aller passer quelques jours au séminaire de Flavigny, en France. En attendant, ce jeune homme doit être capable d’user des nouvelles technologies de façon vertueuse. De nombreux jeunes sont sourds à l’appel de Dieu, ou bien entendent cet appel mais ne parviennent pas à y répondre, parce qu’ils sont esclaves de leur smartphone. L’impureté diffusée par internet tue de nombreuses âmes. C’est le plus grand obstacle aux vocations sacerdotales. Seule une vie de prière et de mortification donne à l’âme la force de dominer ces instruments. La dévotion à la sainte Vierge Marie, mère du prêtre, est irremplaçable.
Source : Le Rocher, bulletin du District de Suisse de la FSSPX /Site du Séminaire Saint-Pie X