PMA/​GPA : les dernières questions de bioéthique

Il est un domaine où se dis­tingue une véri­table conti­nui­té entre la pré­si­dence actuelle et la pré­cé­dente, celui de la bioé­thique. Le prin­cipe sou­ve­rain diri­geant toutes les actions reste celui de l’égalité : nul ne doit être pri­vé d’un droit que pos­sèdent les autres. C’est pré­ci­sé­ment par la voix de la Ministre de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes que le gou­ver­ne­ment a décla­ré son inten­tion de faire évo­luer la légis­la­tion dans un sens plus favo­rable à cer­taines popu­la­tions pré­ten­du­ment dis­cri­mi­nées. D’où les débats qui reprennent, prin­ci­pa­le­ment autour de deux abré­via­tions, PMA et GPA. Les tenants du pro­grès en bioé­thique par­viennent sou­vent à dis­si­mu­ler le véri­table sens de leurs réformes sous des acro­nymes obs­curs. A com­men­cer par la fameuse « IVG », qui per­met de par­ler d’avortement sans en pro­non­cer le vrai nom. De sur­croît, ce pro­cé­dé donne un air scien­ti­fique et pro­fes­sion­nel à des pra­tiques qui concernent beau­coup plus que le seul monde médi­cal. Il importe donc de com­men­cer par éclai­rer ces termes pour pou­voir juger de ce qui s’annonce.

L’objet du débat actuel

Par la PMA (Procréation Médicalement Assistée), on entend la fabri­ca­tion d’enfants en éprou­vette, pour venir en aide à des couples sté­riles. On pré­lève les gamètes des parents pour opé­rer une fécon­da­tion in vitro, après quoi l’embryon est implan­té dans l’utérus de la mère où il se déve­loppe nor­ma­le­ment. Ce pro­cé­dé est auto­ri­sé en France depuis long­temps, et plu­sieurs mil­liers d’enfants sont nés ain­si hors des condi­tions natu­relles de fécon­da­tion. L’objet du débat actuel est l’élargissement de cette pra­tique à d’autres situa­tions appa­rues depuis la loi Taubira dite du « mariage pour tous ». Celle-​ci répon­dait à une pré­ten­due exi­gence d’égalité en met­tant sur le même pied les paires homo­sexuelles et les couples mariés. Dès lors, la même reven­di­ca­tion exige que ces paires puissent elles aus­si avoir des enfants. L’adoption étant limi­tée par la loi, bien que déjà cou­rante, pour­quoi ne pas recou­rir à des pra­tiques médi­cales se sub­sti­tuant à la repro­duc­tion natu­relle ? Deux cas se pré­sentent donc :

  • les homo­sexuelles (au fémi­nin), qui pour­ront avoir recours à un don­neur pour pou­voir por­ter elles-​mêmes l’enfant
  • les homo­sexuels (au mas­cu­lin), qui devront quant à eux trou­ver non seule­ment une don­neuse d’ovaires, mais aus­si une « mère por­teuse ». C’est là qu’intervient la fameuse GPA, ou « Gestation Pour Autrui ».

Ces cas pré­sentent plu­sieurs dif­fi­cul­tés d’ordre moral, qui ont sou­le­vé des pro­tes­ta­tions dès les débats sur la loi Taubira. Tout d’abord, la mul­ti­pli­ca­tion des « acteurs » de ces mani­pu­la­tions. Ainsi, dans le pre­mier cas cité, un enfant pour­ra avoir deux « mères », dont une qui l’aura réel­le­ment por­té et une sim­ple­ment fic­tive, mais aus­si un père bio­lo­gique dont la loi impose l’anonymat. Dans le second cas, il aura deux « pères », dont le père bio­lo­gique, et deux femmes qui se seront répar­ties le rôle natu­rel de la mère. Tout cela sans comp­ter le méde­cin qui devient lui aus­si un acteur essen­tiel du pro­ces­sus… Même dans les milieux dits pro­gres­sistes, on s’alarme du sort de ces enfants qui auront toutes les peines du monde à trou­ver des repères dans cet imbro­glio. Depuis long­temps on sait que les enfants qui n’ont pas connu leurs parents bio­lo­giques ont sou­vent l’obsession de les retrou­ver. Est-​il sage de mul­ti­plier ces situa­tions pénibles ? Ces pra­tiques remettent en ques­tion l’usage même de la méde­cine. Celle-​ci a pour but de remé­dier à des infir­mi­tés, des défi­ciences, des mala­dies. S’il est par­fai­te­ment légi­time pour un méde­cin de four­nir une aide pour les couples qui ont des dif­fi­cul­tés à avoir des enfants, qu’en est-​il lorsqu’il s’agit d’une pure et simple impos­si­bi­li­té ? La méde­cine doit-​elle éta­blir arti­fi­ciel­le­ment une pseudo-​égalité entre couples homo­sexuels et hétérosexuels ?

Un marché de l’enfant

Un « droit » à la PMA pour les couples homo­sexuels fait pas­ser d’un usage thé­ra­peu­tique de la science à un emploi de confort, pour satis­faire les dési­rs de quelques-​uns, à charge de la socié­té au demeu­rant. D’autre part, on peut craindre, comme c’est le cas dans divers pays dont la légis­la­tion est plus « avan­cée » que la nôtre, la mise en place d’un mar­ché de l’enfant, d’autant plus impor­tant que l’ensemble des frais de ces diverses opé­ra­tions serait cou­vert par la Sécurité sociale. Il ne manque pas, aux Etats-​Unis notam­ment, de socié­tés spé­cia­li­sées dans le com­merce par­ti­cu­liè­re­ment lucra­tif des gamètes humaines. Or la France consi­dère que le corps humain et ses com­po­sants ne peuvent être ven­dus ou ache­tés. Par consé­quent tout doit repo­ser sur le don gra­tuit et ano­nyme. Bien évi­dem­ment, il n’est pas tou­jours facile de trou­ver des don­neurs béné­voles, d’autant que cer­taines opé­ra­tions (notam­ment le don d’ovaires) sont par­ti­cu­liè­re­ment dou­lou­reuses, et la mul­ti­pli­ca­tion des PMA entraî­ne­rait une hausse de la demande. Certains groupes font donc pres­sion pour que soit auto­ri­sée en France la rétri­bu­tion des don­neurs, comme c’est le cas dans d’autres pays. Le rai­son­ne­ment est tou­jours le même : il serait injuste d’obliger des « couples » à s’adresser à des entre­prises étran­gères, à grands frais, pour béné­fi­cier d’un droit recon­nu par la légis­la­tion. C’est le même pro­blème qui se pose pour la GPA. Outre le fait qu’elle fait inter­ve­nir une autre per­sonne qui va jouer une par­tie du rôle de la mère, com­ment garan­tir le « droit » à un enfant si l’on manque de béné­voles ? La seule solu­tion est de recou­rir à la loca­tion d’utérus, qui se pra­tique déjà cou­ram­ment dans cer­tains pays de l’Est et du Tiers-​Monde. L’Assemblée par­le­men­taire du Conseil de l’Europe a reje­té un pro­jet de loi l’autorisant en octobre 2016, mais n’a pas vou­lu non plus se pro­non­cer contre. Des pres­sions s’exercent déjà pour que la France recon­naisse à l’état-civil des enfants nés de GPA à l’étranger, donc illégalement.

La PMA est immorale

Du reste, au regard de la morale natu­relle, c’est la PMA dans son prin­cipe qui est gra­ve­ment défi­ciente. Non seule­ment parce qu’on a recours à un pro­ces­sus arti­fi­ciel pour mettre au monde une nou­velle vie humaine, mais aus­si parce que ce pro­ces­sus com­prend des étapes inac­cep­tables. Une PMA com­prend un risque impor­tant d’échec. Les méde­cins doivent donc pré­voir plu­sieurs fécon­da­tions in vitro pour être cer­tains d’en gar­der une viable. De nom­breux embryons sur­nu­mé­raires sont ain­si créés, et conge­lés comme le pré­voit la loi, fai­sant l’objet des convoi­tises du sec­teur de la recherche scien­ti­fique qui y voit de simples cobayes. Pour les mêmes rai­sons, plu­sieurs embryons sont sou­vent implan­tés dans l’utérus de la mère, avec un fort taux d’apparitions de jumeaux, voire de tri­plés ou de qua­dru­plés. Dans ce cas, on pro­cède sans état d’âme à une « réduc­tion embryon­naire », autre­ment dit un avor­te­ment des enfants dont les parents ne veulent pas… Ce n’est donc pas, comme le laissent entendre de trop nom­breux médias, pour des rai­sons pure­ment reli­gieuses que l’Eglise s’oppose à ces pra­tiques. C’est pour la défense de la loi natu­relle, qui implique le res­pect de la vie de tout être humain depuis sa concep­tion. C’est d’ailleurs pour­quoi les par­ti­sans de la « culture de mort » s’empressent de décla­rer que PMA et GPA sont des consé­quences inévi­tables et logiques des déci­sions poli­tiques prises il y a long­temps. Dire que l’embryon doit être res­pec­té comme une per­sonne humaine, s’opposer aux mani­pu­la­tions géné­tiques et pro­créa­tives, c’est remettre en cause la sacro-​sainte IVG.

Un engrenage destructeur

Les réformes bioé­thiques consti­tuent un engre­nage qui détruit un à un les repères natu­rels, sans savoir où l’on s’arrêtera. Le com­bat contre ces dan­ge­reuses inno­va­tions […] est d’évidence jus­ti­fié. Toutefois, il ne faut pas en res­ter à une simple poli­tique défen­sive qui ne fait que recu­ler, au fil des années, la ligne rouge à ne pas fran­chir. Aux yeux d’un catho­lique, cette ligne rouge est fran­chie depuis long­temps. Depuis que la « science » per­met de décon­nec­ter la sexua­li­té de la mater­ni­té, au mépris de la loi natu­relle. A l’heure où l’on s’interroge tant sur le res­pect de la nature et de ses lois, où l’on s’inquiète à tort et à tra­vers des « trans­gres­sions » de l’activité humaine contre les règles de fonc­tion­ne­ment de la pla­nète, n’est-il pas temps de rap­pe­ler l’existence de ces mêmes règles dans le fonc­tion­ne­ment de la nature humaine ? Si les hommes sont capables de détra­quer l’équilibre des plantes et des ani­maux, ils sont capables aus­si de se mettre en dan­ger eux-mêmes…

Abbé Louis-​Marie Carlhian

Source : La Couronne de Marie n°59 – jan­vier 2018