Comment l’art nous retransmet-​il le visage marial ?

« Voie, vie, salut, gloire du monde entier ! »

Pape Eugène III

La Vierge Marie a bien sou­vent visi­té notre pays comme en témoignent les noms sui­vants : Lourdes, Pontmain ou La Salette ! Les catho­liques recon­nais­sants y orga­nisent de fer­vents pèle­ri­nages ! Nous devons cer­tai­ne­ment espé­rer y par­ti­ci­per un jour car ne font-​ils pas la même démarche res­pec­tueuse que celle des Apôtres visi­tant la Vierge Marie à Ephèse ? Les cha­pe­lets réci­tés par les pèle­rins aux­quels nous pour­rions d’ailleurs nous asso­cier, prouvent éga­le­ment une dévo­tion mariale iden­tique à celle de nos ainés du IIIe siècle, dont nous avons retrou­vé près d’Alexandrie, un papy­rus sur lequel leur prière est écrite. Mais com­ment l’art nous retransmet-​il le visage marial ?

Si nous allions à Rome à la basi­lique Sainte-​Marie-​Majeure, nous aurions la pos­si­bi­li­té d’admirer la pein­ture attri­buée à l’évangéliste saint Luc qui, d’un geste déli­cat, nous laisse en héri­tage le por­trait de celle qu’il a côtoyée : « Marie est repré­sen­tée tenant son divin Enfant dans les bras, son visage est enca­dré d’un voile qui tombe gra­cieu­se­ment (…) une étoile se détache au-​dessus de son front, et l’inonde d’une lumière céleste ». Autour de l’an mille, plus empreint de noblesse que de ten­dresse, cou­vert de métal pré­cieux, assise sur un trône, Notre Dame d’Orcival nous pré­sente l’enfant-Dieu sur ses genoux. Trois cents ans plus tard, l’artiste la rend plus char­mante comme celle de l’église de Villeneuve-​Lès-​Avignon ! A cette époque, il n’est plus rare de voir l’enfant-Jésus quit­ter les genoux pour venir se blot­tir dans les bras mater­nels. Leurs sou­rires sont com­plices pen­dant que l’Enfant-Dieu tend par­fois ses mains vers de petits oiseaux. D’autres artistes n’hésitent pas à la repré­sen­ter don­nant le sein à son Enfant.

Puis, aux temps mau­vais qui dévastent l’Europe, notam­ment la guerre de Cent ans et les épi­dé­mies comme celle de la peste, sa repré­sen­ta­tion se fait plus tra­gique. Une Piéta offre alors à la fois son visage dou­lou­reux et le spec­tacle déso­lant de son Fils des­cen­du de la Sainte Croix. A moins que, comme en Flandres, elle ne soit peinte ou sculp­tée le cœur per­cé d’un glaive ! En France, aux fêtes mariales (Annonciation, Visitation, Immaculée Conception, 15 août et sa Nativité) une foule se presse ou se pres­sait – mal­heur de notre temps – aux portes de ses 1 869 sanc­tuaires au moins, éle­vés par des catho­liques recon­nais­sants et pieux. Que trouverons-​nous ? Tout d’abord, des Vierges cou­ron­nées, hon­neur récent, réser­vé aux sta­tues long­temps véné­rées et dis­pen­sa­trices de grandes grâces voire de miracles. C’est l’évêque du lieu qui en fai­sait la demande au Saint-​Siège. C’est ain­si que le pape Pie IX offrit une double cou­ronne à Notre-​Dame des Victoires et à l’Enfant pour le cou­ron­ne­ment du 9 juillet 1853 ! A Rocamadour, une autre Vierge cou­ron­née attend nos prières comme les 194 autres répar­ties sur notre ter­ri­toire. A ce sujet, il serait indé­cent de ne pas rap­pe­ler celles des sta­tues de saint Joseph et sainte Anne pla­cées dans le célèbre sanc­tuaire Morbihannais. 

Ailleurs, notam­ment dans le Massif Central, on prie devant des Vierges noires. Noirceur qui pour­rait pro­ve­nir de la fumée des cierges dépo­sée là au fil du temps ou d’un séjour trop long sous terre. On note ain­si que sur les sta­tues enve­lop­pées d’un man­teau, seul le visage, les mains ou les pieds sont bru­nis. Enfin en cer­tains lieux, les fidèles honorent une Vierge Trouvée ! Au sujet du voca­bu­laire, uti­li­sons le terme d’in­ven­tée ! Ainsi, face à la folie des­truc­trice des inva­sions bar­bares, des guerres notam­ment celles de Religion ou encore de la tour­mente Révolutionnaire, des chré­tiens ont caché leurs pieux tré­sors. Ils furent le plus sou­vent oubliés et d’une façon éton­nante, décou­verts bien long­temps après les évè­ne­ments tra­giques ! On relève ain­si que vingt sta­tues le furent par des bœufs au moment des labours …. Parfois chose sur­pre­nante, ce sont les païens au début de la chris­tia­ni­sa­tion de notre pays qui dis­si­mu­lèrent leurs sta­tues. Elles aus­si furent retrou­vées et par­fois véné­rées comme celle de Pons sous le vocable de Notre-Dame-de-Recouvrance.

Frère Pascal

Source : Apostol n°152