Possédons-nous des connaissances religieuses suffisantes, en rapport avec la nécessité absolue de la foi pour le salut, avec notre degré personnel de connaissances profanes, avec la crise catéchétique qui sévit depuis un demi-siècle, avec nos reponsabilités spirituelles vis-à-vis des âmes que la Providence met sur notre chemin ? Il est urgent de se poser sérieusement la question.
Dans sa première encyclique, E supremi apostolatus, le pape saint Pie X, cherchant la manière efficace de « tout restaurer dans le Christ », et juste après avoir parlé de la formation des prêtres, en vient aux besoins des fidèles. Il écrit alors ces paroles remarquables :
« Le principal moyen de rendre à Dieu son empire sur les âmes, c’est l’enseignement religieux. Combien sont hostiles à Jésus-Christ, prennent en horreur l’Église et l’Évangile, bien plus par ignorance que par malice (…). État d’âme que l’on constate non seulement dans le peuple (…), mais jusque dans les classes élevées et chez ceux-là mêmes qui possèdent, par ailleurs, une instruction peu commune. De là, en beaucoup, le dépérissement de la foi ; car il ne faut pas admettre que ce soient les progrès de la science qui l’étouffent ; c’est bien plutôt l’ignorance ; tellement que là où l’ignorance est plus grande, là aussi l’incrédulité fait de plus grands ravages. »
Ainsi, le saint pontife nous propose un cheminement : l’ignorance religieuse entraîne le dépérissement de la foi, qui engendre l’incrédulité voire l’antichristianisme.
Cette affirmation de saint Pie X doit nous faire nous interroger : avons-nous un souci suffisant de notre instruction religieuse, ou sommes-nous menacés, en raison de notre paresse et de notre incurie sur ce point capital, d’une ignorance religieuse qui peut, beaucoup plus vite que nous ne l’imaginons, faire dépérir notre foi ?
Nécessité de l’instruction religieuse en notre temps
Cette nécessité d’une solide instruction religieuse est particulièrement vraie à notre époque, pour trois raisons principales.
Tout d’abord, les attaques (directes ou indirectes, philosophiques, historiques ou scientifiques) contre la foi et contre l’Église n’ont jamais été aussi nombreuses et aussi violentes.
Ensuite, dans nos pays occidentaux au moins, nos contemporains ont très massivement opté pour un mode de vie matérialiste et hédoniste, ne tenant aucun compte de Dieu et de la religion. Et cela nous imprègne, nous impressionne, nous décourage, nous inquiète.
Enfin, là où nous pensions trouver le calme et la solidité de la vérité, une foi vive et claire, un soutien par la prière, l’enseignement et la liturgie, à l’intérieur donc de l’Église catholique à laquelle nous avons la grâce immense (et imméritée) d’appartenir, nous subissons depuis quarante ans un véritable désordre, des erreurs nombreuses, des scandales, des disputes et des oppositions. En sorte que nous sommes désorientés, « catholiques perplexes » pour reprendre une expression fameuse.
L’instruction religieuse est-elle réservée aux enfants ?
Il nous faut donc sortir d’une ignorance religieuse trop répandue parmi nous, pour acquérir une formation religieuse à la hauteur de notre formation profane et de nos responsabilités (familiales, professionnelles, civiques), pour nous éclairer afin de suivre une voie droite et de rester missionnaires même en cette crise de l’Église.
Cependant, une objection se présente : l’instruction religieuse ne concerne-t-elle pas exclusivement les enfants ? Or, j’ai appris le catéchisme lorsque j’étais jeune : que peut-on me demander de plus ?
Une telle réflexion manifeste précisément la nécessité urgente de reprendre sa propre formation religieuse. Quelques remarques très simples permettront de le montrer.
Crise catéchétique
Tout d’abord, en France, le catéchisme a commencé vers 1960 à entrer dans une crise grave, qui s’est amplifiée à partir de 1970. Cela signifie que l’enseignement du catéchisme n’a pas été correct depuis plus de quarante ans.
Seules les personnes ayant suivi leur catéchisme avant 1960 sont assurées d’avoir reçu des bases à peu près sérieuses.
Pour tous les autres (et cela fait du monde), il y a un problème de départ : un peu comme si on avait très mal appris les bases de la lecture.
Si nous nous trouvons dans cette catégorie, nous avons une première nécessité en ce qui concerne le catéchisme : non pas le réviser, mais l’apprendre, tout simplement.
Toutes les personnes dans ce cas-là ayant fait réciter le catéchisme à leurs enfants s’en sont facilement aperçues : elles ont des trous béants, des précipices dans leur connaissance même élémentaire de la doctrine chrétienne.
Oubli progressif
Cependant, cahin-caha, nous avons appris et retenu au moins des bribes du catéchisme, même à travers des « catéchèses » déficientes. Cela signifie-t-il que nous connaissons notre catéchisme ?
Pas du tout. Car, sauf de rares exceptions, nous avons tous tendance à oublier ce que nous avons appris, même très bien. Que ceux qui ont ânonné dans leur jeunesse la liste des départements et des chefs-lieux de canton essaient donc de la réciter s’ils ne l’ont jamais révisée : ils se verront hésiter, bafouiller et caler.
Ce que nous avons appris, supposé même que nous l’ayons parfaitement bien assimilé (ce qui n’est pas le cas ici, en raison de la crise catéchétique), ne peut demeurer dans notre mémoire que si nous le révisons, l’entretenons, le rafraîchissons.
Après tout, un médecin, un militaire, un ingénieur, etc. doivent régulièrement mettre à jour leurs acquis. Pourquoi pas un chrétien ?
La culture profane
Supposons que nous ayons appris un excellent catéchisme durant notre enfance. Supposons que nous nous en souvenions très bien, parce que nous avons le souci de le relire de temps en temps. Cela est-il suffisant ? Il faut répondre énergiquement : Non !
On nous a enseigné des mathématiques à l’école primaire. Lorsque nous sommes entrés au collège, a‑t-on considéré ces connaissances mathématiques comme suffisantes ? Non. Notre intelligence s’étant développée, on nous a enseigné les mathématiques de façon plus approfondie.
Cela a‑t-il été considéré comme suffisant lors de notre entrée au lycée ? Non. Notre intelligence s’étant encore développée, il fallait mieux.
Le processus s’est-il arrêté dans l’enseignement supérieur ? Non encore. Notre intelligence parvenant à maturité, il lui fallait désormais les connaissances mathématiques proportionnées.
Devoir d’instruction
Eh bien ! notre intelligence s’est également développée en ce qui concerne les problèmes religieux. Nous ne les abordons plus comme quand nous avions 10 ans. Au fil de la vie, nous avons considérablement élargi notre champ de conscience religieuse.
Il est donc absolument anormal que, quand notre intelligence a atteint les 20 ans, 30 ans, 40 ans, etc., nos connaissances religieuses soient restées obstinément bloquées à l’âge de 10 ans.
Nous avons le grave devoir de nous instruire religieusement en proportion de notre instruction profane et de nos responsabilités personnelles, familiales et professionnelles.
Le monde nous regarde
Ce devoir d’instruction religieuse, nous l’avons d’abord par rapport à nous-mêmes. La plupart des gens perdent la foi ou se réfugient dans un fidéisme malsain parce qu’ils ne savent pas résoudre des objections pourtant assez simples, mais que le catéchisme élémentaire n’avait pas forcément vocation à traiter.
Ce devoir d’instruction touche particulièrement les parents, qui sont par fonction les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants. Or, l’expérience montre (et le bon sens confirme) que pour enseigner correctement, il faut savoir, et savoir beaucoup.
Ce devoir d’instruction touche aussi particulièrement tous ceux qui ont un rayonnement social (professionnel, mondain, associatif, etc.). Le monde nous regarde. Il attend de nous une parole de vérité. Si, par notre ignorance, nous y faisons obstacle, nous sommes coupables.
S’instruire pour vaincre
Alors, il faut s’instruire. Ne pas le faire serait se mettre dans l’occasion de pécher par ignorance de ce que nous devrions savoir, par injustice vis-à-vis des ignorants.
On peut s’instruire de mille et une façons. La première et la plus simple est évidemment d’avoir chez soi des ouvrages d’instruction religieuse et de les lire (et étudier, et relire).
Il existe aussi (c’est plus facile pour certains) des cours de catéchisme pour adultes. Ceux-ci ne sont pas réservés aux catéchumènes. Tous sont invités à les suivre.
On peut aussi écouter des conférences, des sermons, soit directement, soit enregistrées, suivre des sessions, des retraites.
Bref, il y a de multiples moyens, adaptés à chaque cas personnel, mais un seul but : la connaissance de la foi nécessaire pour aller nous-mêmes au Ciel, et pour guider vers le salut les âmes que la Providence met sur notre chemin.
« La vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3).