« Il y a trop de mal dans le monde, en conséquence, je ne crois pas en Dieu »
La première raison de cette objection à l’existence de Dieu découle souvent de la non-considération de la vie éternelle. Si tu supposes qu’après ta mort, il n’y a rien, alors les grandes souffrances deviennent absurdes et intolérables… Mais pourquoi crois-tu qu’il n’y a rien après la mort ? parce que tu refuses de croire en Dieu ! Et pourquoi refuses-tu de croire en Dieu ? car il y a trop de mal en ce monde ! Et en quoi cela viendrait-il infirmer l’existence de Dieu, s’il y a bel et bien une vie éternelle que la souffrance peut nous aider à acquérir ? Au lieu d’arriver à des conclusions absurdes, il vaudrait mieux reconnaître le mystère et ne pas gâcher ces souffrances.
La deuxième raison est de la pure imagination utopiste : si Dieu était Bon et Tout-Puissant, il aurait pu nous créer sans qu’on puisse souffrir. Mais toute nature faite de matière corporelle est par définition corruptible. En effet, du chromosome à l’organe les éléments sont hétérogènes et assemblés, donc démontables. Les différentes parties de notre corps sont sujettes aux aléas extérieurs, aux intrusions, au vieillissement et de ce fait comportent forcément des déficiences plus ou moins grandes ; il est impossible par conséquent que la nature humaine n’ait pas de handicap, de maladie, et la mort.
Notre humanité n’est donc pas ratée, mais elle porte en elle toutes les conséquences de sa nature, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.
Pourtant dans son Amour, Dieu dote l’homme d’une grâce, de dons supplémentaires, supérieurs à notre nature : l’impassibilité (impossibilité de ressentir la souffrance), l’immortalité (impossibilité de souffrir), l’intégrité (maîtrise de nos passions). Ces dons étaient conditionnés par notre fidélité et obéissance à Dieu.
En refusant de suivre la Volonté de Dieu, nos premiers parents se sont séparés de la source de ces dons surnaturels et en ont été dès lors privés. Par cette grâce, l’homme pouvait facilement se diriger vers Dieu. Désormais l’humanité est livrée à sa propre faiblesse, à ses doutes, à ses sensations, à son ego nombriliste, et enfin à sa mortalité et passibilité naturelles.
En outre, l’homme va, tout au cours des siècles, se livrer au désordre moral, au péché, perturbant de façon plus ou moins profonde ses facultés humaines et la nature qui l’entoure… autant de nouvelles occasions de souffrance.
Le cœur réellement compatissant de Jésus
L’attitude du Christ dans l’Evangile envers les souffrants, les pauvres et les petits nous apprend la façon dont Dieu réagira toujours avec eux car Dieu ne change pas - Immutabilis Deus :
Et des foules nombreuses s’approchèrent de lui, ayant avec elles des boiteux, des estropiés, des aveugles, des muets, et beaucoup d’autres. On les mit à ses pieds, et il les guérit ; de sorte que les foules étaient dans l’admiration, voyant les muets parler, les estropiés guéris, les boiteux marcher, les aveugles voir ; et elles glorifiaient le Dieu d’Israël[1]. (…)
Le Seigneur l’ayant vue, fut touché de compassion pour elle, et il lui dit : « Ne pleurez pas ! » et il ressuscita son fils[2].
Son Cœur manifeste un immense Amour pour ceux qui souffrent. Mais aujourd’hui comme il y a 2000 ans, il faut s’approcher de Lui avec foi. Seuls ceux qui l’osent le constatent… Il ne se contente pas de nous donner des paroles…
Mieux encore, le Fils de Dieu vient à coté de nous marcher dans la même voie de douleur, pour nous guider à travers et par celle-ci vers la Résurrection et le Bonheur éternel promis.
La souffrance peut racheter nos âmes : la Rédemption
Innocent, Jésus a saisi pour lui la souffrance que notre humanité mérite, en expiant nos péchés, en offrant une réparation pleine d’une extraordinaire charité :
II a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris[3]
Il a vraiment pris nos infirmités et s’est chargé de nos douleurs[4].
Plus nous nous approchons de Jésus, plus nous participons à son œuvre de rédemption :
Dans la mesure où vous avez part aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lorsque sa gloire sera manifestée, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse[5].
La souffrance a un rôle social irremplaçable – celui d’amener les autres au salut par la Croix – :
En ce moment, je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Eglise[6].
La souffrance attire Dieu
Quelle est l’âme qui attire la grâce de Dieu ? Ce n’est ni la plus intelligente, ni la plus volontaire, mais celle qui est humble :
Dieu lui donne une grâce d’autant plus grande, selon l’Ecriture : « Dieu résiste aux orgueilleux, et il accorde sa grâce aux humbles[7] ».
C’est aussi celle qui ressemble au Christ grâce à la souffrance :
Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né d’un grand nombre de frères[8].
Celle qui est méprisée aux yeux du monde :
Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde, pour être riches dans la foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ?[9].
Celle qui est dans la dépendance :
« Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent ».
Nous ne comprendrons jamais pourquoi Dieu permet la souffrance si nous ne saisissons pas le Plan divin. C’est un plan de miséricorde. Dieu veut combler le pauvre. Or il ne le fera pas dans cette vie, c’est donc dans l’autre vie :
Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés par des choses que l’oeil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont pas montées au cœur de l’homme, – des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment[10].
La souffrance des autres nous permet d’être plus humbles, de nous remettre à notre place face à ce mystère, de nous entraider, nous dévouer pour le soulagement d’autrui, et répandre la charité sur terre. Un monde sans souffrance serait un monde sans compassion, sans charité et donc… rempli de souffrance !
Quoiqu’il en soit, que les douleurs vécues nous fassent toujours revenir aux souffrances du Christ et à leurs conséquences de résurrection et de gloire éternelle promises par son Père :
« Il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est audessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les deux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur « .
Et si nous doutons encore, écoutons seulement cette dernière parole du Christ en croix pour nous montrer le fruit de la Croix offerte chrétiennement :
« Seigneur, souvenez-vous de moi quand vous serez dans votre royaume… – Je te le dis, ce soir, tu seras avec moi dans le Paradis ! »
Abbé Guillaume Gaud
Extrait d’Apostol n° 76 d’avril 2014