Présentation générale
Dernier ouvrage du pape régnant, Le nom de Dieu est miséricorde, est paru le 12 janvier 2016. Publié sous la forme d’une conversation avec le journaliste Andrea Tornielli, l’ouvrage paraît durant l’Année sainte extraordinaire voulue par le pape François et s’inscrit dans la ligne des autres documents relatifs à l’Année sainte, en particulier la bulle d’indiction [1] mais aussi la lettre à Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, du 1er septembre 2015.
A l’évidence, le pape entend montrer que le monde actuel a peut-être besoin, plus que jamais, d’une miséricorde divine et humaine qui se caractérise par la compassion, l’écoute et le pardon, particulièrement au sein du sacrement de pénitence.
Si les questions posées s’efforcent de préciser cette idée centrale, il est difficile de trouver un plan parfaitement logique dans cet entretien à bâtons rompus. On y trouve les thèmes de la confession, de la dureté de cœur, de la corruption et bien évidemment du jubilé. On y retrouve également les sujets chers au pape et qui ne sont pas sans rappeler ceux des années 70 : la miséricorde envers les exclus [2], les prisonniers [3], les migrants [4], les prostituées, les drogués. Le pape cite de préférence des Pères de l’Eglise (saint Ambroise, saint Augustin, saint Bède le Vénérable) et les six derniers papes de l’histoire de l’Eglise [5].
Le style de l’entretien choisi par les auteurs conduit naturellement à un langage direct et accessible à un lecteur moyen. L’inconvénient en est l’imprécision dont le pape actuel n’est que trop familier. Le lecteur y cherchera en vain des définitions précises et abouties des notions de miséricorde, d’indulgence, de rédemption, de justice. Quant aux termes réparation, satisfaction, expiation, ils sont monnaie rare voire introuvables.
Ce langage flou est d’autant plus déstabilisant que le pape s’appuie sur plusieurs anecdotes dont on peine à voir la portée exacte qu’il entend leur donner. Enfin, la manière de s’appuyer sur des faits choisis permet au pape de stigmatiser certaines attitudes cléricales. Or, il faut bien avouer que cet usage pèche par généralisation et caricature (voir plus bas).
S’il est évident qu’on trouve dans cet ouvrage de beaux rappels des scènes évangéliques, de la miséricorde infinie du Sauveur et de la confession individuelle, agrémentés de remarques parfois fines du pape, on reste toutefois interdit devant certaines propositions et surtout devant les lacunes de l’ouvrage.
1) Vers la miséricorde de gradualité ?
Plusieurs pages du livre donnent le sentiment d’avoir été influencées par la morale de gradualité. Cette théorie part du principe que l’homme se convertit progressivement et qu’il peine à vivre intégralement selon la loi chrétienne [6]. N’est-ce pas une donnée de sens commun que l’homme ne devient pas un saint du jour au lendemain ? N’y a‑t-il pas de nombreux chrétiens qui voient dans la loi chrétienne un idéal impossible à pratiquer, notamment en matière conjugale ? Fort de ces constats, cette théorie en induit que la loi morale s’applique à l’homme par degrés successifs selon le chemin parcouru dans la voie de conversion.
Certes, la morale chrétienne doit tenir compte des différences de situation, d’état de vie, d’âge, etc. Il est ainsi évident que la loi du jeûne ne s’impose pas à une personne malade ou une femme enceinte. Mais il s’agit là de différences objectives.
Ici, la théorie de la gradualité ne considère pas tant l’état objectif du pécheur qu’une disposition subjective de sa volonté. Selon cette idée, une personne qui vit habituellement dans un vice peut légitimement s’estimer incapable de suivre pleinement la loi. Dès lors, la loi ne s’applique plus à elle. Du moins s’applique-t-elle progressivement. Il y a là une subjectivisation de la loi morale, la conscience individuelle fixant le degré d’obéissance à la loi à laquelle elle est tenue d’obéir, Dieu n’en demandant pas davantage pour le moment.
Dans cet esprit, un homme qui s’enivre quotidiennement ne serait obligé, dans un premier temps, qu’à réduire le nombre de ses ivresses. C’est seulement dans un second temps qu’il serait tenu de ne plus s’enivrer. Momentanément, le temps de sa progression intérieure, le commandement ne s’appliquerait pas totalement au pécheur. De là à conclure que le décalogue ne s’applique pas dans sa totalité mais selon les dispositions subjectives de chaque homme, il n’y a qu’un pas très vite franchi. En somme, l’obligation morale porterait sur le mouvement général vers le bien et non l’application de commandements précis. Dégagé des peines dues à son péché, le pécheur pourrait alors accéder à la Sainte Eucharistie. Appliqué au cas des divorcés remariés, ce principe ouvre la voie à tous les retours graduels souhaités par les tenants de cette théorie.
Du libéralisme, elle tient que la loi chrétienne est vraie en principe (la thèse), mais inapplicable dans sa totalité en pratique (l’hypothèse). C’est au fond la même erreur. Amerio le remarque finement :
« Le système de gradualité (…) pose en thèse que l’exigence du commandement moral s’impose graduellement, et confond donc la gradualité de la réponse de fait donnée à l’homme avec la gradualité du commandement lui-même » [8].
Ce n’est effectivement pas parce que les hommes pèchent qu’il faut adapter l’obligation [9] morale à cet état de fait.
On peut également voir dans cette morale une autre erreur. La morale chrétienne traditionnelle distingue nettement l’ordre des préceptes valables pour tous (ne pas blasphémer, voler, tuer) et l’ordre des conseils (pauvreté volontaire, chasteté parfaite et consacrée, obéissance religieuse) qui reste libre. Il y a dans cette distinction deux degrés de vie morale, et un chrétien n’est pas tenu sous peine de péché à la pratique des conseils, quoi qu’il soit tenu à la perfection [10]. Le premier degré reste légitime quoiqu’imparfait. La morale de gradualité semble appliquer cette distinction au sein même des préceptes auxquels tout chrétien est tenu sous peine de péché.
Cette idée d’une progression par degrés se retrouve dans la conception du dogme Hors de l’Eglise point de salut. Pour le cardinal Walter Kasper, l’Eglise catholique comporte la totalité des moyens de salut, mais les autres religions chrétiennes en possèdent des éléments [11]. Il y a donc des degrés d’appartenance à l’Eglise du Christ. D’une manière équivalente, la morale catholique supposerait des degrés dans son application et ses exigences. En d’autres termes, cette théorie de la gradualité s’applique diversement selon les domaines.
Malheureusement, trois passages de l’ouvrage paraissent relever de cette théorie :
a) Le premier concerne le refus d’absolution par le confesseur. De manière traditionnelle, le confesseur a la possibilité de donner une bénédiction au pénitent qu’il ne peut absoudre. Selon le pape – et c’est une nouveauté – il s’agit d’une obligation et non d’une possibilité :
« Si le confesseur ne peut pas absoudre, qu’il explique pourquoi, mais qu’il donne une bénédiction, quoi qu’il en soit, même sans absolution sacramentelle. (…) Donnez-leur une bénédiction, quoi qu’il en soit » (p. 39).
En quoi, on peut se demander si cette nouveauté ne correspond pas à une variante de la morale de gradualité. De même que les progressistes demandent une forme de bénédiction pour les divorcés remariés qui ne peuvent recevoir la bénédiction nuptiale, le pape demande une bénédiction pour les pénitents qui ne peuvent recevoir l’absolution. Au confessionnal, il y aurait le degré de ceux qui regrettent leur péché et en obtiennent l’absolution, et le degré de ceux qui s’en accusent sans vouloir s’en détacher, et n’obtiennent qu’une bénédiction.
Quelques lignes plus loin, le pape cite le cas de son neveu à l’appui de cette idée :
« Une de mes nièces s’est mariée, civilement, avec un homme dont le précédent mariage n’avait pas encore été annulé par la justice. Ils voulaient se marier, ils s’aimaient et souhaitaient des enfants, ils en ont eu trois. Le juge avait même attribué à l’homme la garde des enfants, nés de son premier mariage. Un homme extrêmement pieux, qui allait à la messe tous les dimanches, qui se confessait et disait au prêtre : ‘je sais que vous ne pouvez pas me donner l’absolution, mais j’ai péché en ceci et en cela, donnez-moi une bénédiction’. C’est cela, un homme religieusement formé » (p. 39–40).
Le chapitre s’arrête sur ces mots. L’éloge du pape laisse songeur. Est-ce la meilleure manière d’inciter les âmes à se convertir que de citer un homme qui restait en état de péché public et allait régulièrement au sacrement de pénitence sans la contrition requise ?
b) Ce laxisme apparaît d’une manière beaucoup plus nette lorsque Tornielli (p. 55) évoque le cas suivant. Un prêtre se trouve face à un fidèle à deux doigts de la mort. Ce pénitent déclare au prêtre qu’il referait le péché (de fornication) s’il en avait l’occasion. Malgré cette déclaration, le prêtre finit par absoudre ce pénitent, au motif que ce dernier a du moins le regret de ne pas regretter son péché ! N’y a‑t-il pas là encore un avatar de la morale de gradualité ?
Après avoir entendu cette histoire, le pape commente :
« C’est vrai, c’est ainsi. Cet exemple illustre bien les tentatives que Dieu met en action pour faire une brèche dans le cœur de l’homme, pour trouver ce rai de lumière qui permet l’action de la grâce ». (p. 55–56).
Comme à son habitude, le commentaire du pape laisse perplexe. Pas un mot de condamnation ou même de réserve sur l’attitude laxiste du prêtre. Simplement une considération sur les tentatives de Dieu. Par ce langage énigmatique, le pape ouvre la porte à toutes les interprétations. A quand l’absolution générale de tous les pécheurs au simple motif qu’ils regrettent de ne pas regretter ? Est-ce vraiment pastoral et miséricordieux ?
c) Enfin, on retrouve cette morale de situation à l’occasion de l’enterrement des enfants morts sans baptême. Le pape s’appuie sur l’histoire douloureuse et émotionnellement forte d’un prêtre qui a refusé l’entrée de l’église à des parents qui portaient le cercueil de leur nouveau-né mort sans baptême. François fustige cette attitude sacerdotale sans dire exactement quelle dût être, à ses yeux, la bonne conduite à tenir (p. 91–92). Le lecteur pourra en conclure que le pape encourage, ou du moins permet des funérailles religieuses pour des enfants morts sans baptême. Une fois de plus, le degré d’obligation de la loi semble varier selon les personnes.
2) Contre la dureté… ou pour le laxisme ?
Régulièrement dans l’ouvrage, le pape prend à partie la dureté de certains confesseurs, parfois de manière caricaturale, en citant un confesseur (p. 49) qui, en matière de pureté, s’était permis une question outrancière. Mais n’est-ce pas généraliser outre mesure et caricaturer les interrogations pourtant nécessaires ? Le questionnement abusif est-il vraiment la tendance générale des confesseurs du XXIe s. ? Un minimum de pratique du sacrement de pénitence montre aisément que les pénitents, surtout conciliaires, ont besoin de l’aide du prêtre pour atteindre l’intégrité de l’accusation. N’est-ce pas d’ailleurs le Rituel romain qui rappelle au confesseur l’obligation de veiller à l’intégrité du sacrement de pénitence ? [12]
Ailleurs, le pape souligne deux logiques qu’il semble opposer :
« D’un côté, la peur de perdre les justes, les rescapés, les brebis qui sont déjà dans la bergerie, en lieu sûr. De l’autre, le désir de sauver les pécheurs, les égarés, ceux qui sont hors de l’enclos. La première logique est celle des Docteurs de la Loi, la seconde est la logique de Dieu » (p. 86).
Si le pape a raison de rappeler l’obligation missionnaire de chercher la brebis perdue, faut-il pour autant établir une dialectique entre ces deux attitudes ? N’y a‑t-il pas là dans cette fausse dialectique, le vice profond de tout l’aggiornamento conciliaire qui a voulu s’ouvrir au monde et a vidé son propre bercail sans faire pour autant rentrer les brebis égarées ? En lisant ce passage de François, on pense à l’avertissement de son prédécesseur saint Pie X : « Vous élargissez les portes pour introduire ceux qui sont dehors et en même temps vous faites sortir ceux qui sont à l’intérieur » [13].
3) Des lacunes significatives
L’argument du silence est toujours délicat à manier. Toutefois, il arrive que l’Eglise condamne certains textes en raison de leur silence sur une vérité de foi [14]. De même, l’une des armes favorites de la désinformation et de la Révolution consiste dans le silence intentionnel. La définition de la nouvelle messe à l’article 7 est restée célèbre à ce sujet.
Or, en lisant l’ouvrage du pape François, on est frappé de certains silences éloquents. Pas un mot sur :
– la réparation nécessaire du péché par le pénitent
– la remise de la peine temporelle par l’indulgence jubilaire
– la fuite des occasions prochaines de péché
– le jugement de Dieu à l’heure de la mort
– l’enfer.
Dans un ouvrage qui traite si souvent de la miséricorde du sacrement de pénitence (et pas seulement des œuvres de miséricorde), on se serait attendu à des précisions sur les devoirs du pénitent, à des bornes qui éviteraient l’interprétation laxiste, en rappelant notamment la nécessité du ferme propos ou certaines paroles sévères du Christ [15].
De même, la question de la justice, pourtant inhérente au sacrement de pénitence et si liée à la miséricorde [16], est rapidement traitée (p. 100–101), pour ne pas dire écartée [17]. Comme l’écrit Sandro Magister, peu suspect de traditionalisme :
« François (…) ne craint pas de laisser le silence tomber sur les articles de foi qu’il considère aujourd’hui comme marginaux » [18].
Enfin, le silence sur la dimension surnaturelle de la miséricorde doit être rapprochée du lien établi, sans restriction, entre la miséricorde qu’il prône et celle des fausses religions de l’Islam et du judaïsme :
« La valeur de la miséricorde dépasse les frontières de l’Eglise. Elle est le lien avec le Judaïsme et l’Islam qui la considèrent comme un des attributs les plus significatifs de Dieu » [19].
Cette absence de rappel des exigences requises de la part du pénitent pour obtenir la miséricorde du Seigneur rapproche la conception de la miséricorde du pape François d’une vision protestante où seule la foi est requise pour obtenir le pardon, indépendamment du ferme propos ou de l’attrition. Ainsi, en lisant cet entretien, on ne voit pas comment on pourrait se damner – l’enfer n’est d’ailleurs jamais mentionné, ni explicitement ni implicitement – du moment qu’on se reconnaît pécheur, seule véritable condition mentionnée par le pape pour obtenir la miséricorde divine.
Dieu y apparaît bonasse et tout ce qui pourrait rappeler une quelconque exigence de réparation, de détachement effectif, de peine du péché semble relever aux yeux du pape de la dureté de cœur [20].
Conclusion
S’il peut être bon de souligner la miséricorde infinie du Sauveur dans de magnifiques scènes de l’Evangile (femme adultère, enfant prodigue), taire systématiquement tous les autres passages plus rigoureux conduit à déséquilibrer la doctrine sur le péché, la Rédemption et donc aussi la miséricorde. Dès lors, ce livre qui se présente comme une invitation à la miséricorde risque d’aboutir à l’effet inverse de celui recherché : amollir l’esprit de conversion des pénitents.
C’est pourquoi, au-delà de ses ambiguïtés gênantes, le tort principal de cet ouvrage semble résider dans le déséquilibre de la doctrine. En ce sens, cette miséricorde libérale pèche contre la miséricorde, favorisant le laxisme et le relativisme moraux.
Toute comparaison n’est pas raison et l’argument des révélations privées a ses limites, mais on peut toutefois songer à la vision de l’enfer que la Vierge Marie a présentée à des enfants dans un dessein de miséricorde, ou aux appels si souvent réitérés à Lourdes, Pontmain et Fatima sur l’importance de la pénitence. Le contraste est douloureux entre cette miséricordieuse sévérité de la Vierge Marie et l’indulgence excessive du pape actuel.
Abbé François-Marie Chautard, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, Recteur de l’Institut Saint-Pie X ‑11 mars 2016
Sources : FSSPX-MG/DICI n ° 332 du 11 mars 2016/LPL
Notes
[1] Bulle d’indiction Misericordiæ Vultusdu jubilé extraordinaire de la miséricorde, du 11 avril 2015.
[2] « L’annonce chrétienne se transmet en accueillant celui qui est en difficulté, en accueillant l’exclu, le marginalisé, le pécheur » p. 115.
[3] « …parfois nous préférons enfermer quelqu’un en prison plutôt que d’essayer de le récupérer, en l’aidant à se réinsérer dans la société » p. 101.
[4] « Face aux migrants qui survivent à la traversée et débarquent sur nos côtes, comment devons-nous nous comporter ? » p. 115.
[5] Pie XII (p. 37), « Saint Jean XXIII » (p. 26), « le bienheureux Paul VI » (p. 27), Jean-Paul Ier (quand il était cardinal, p. 62, 73, 90), « saint Jean-Paul II » (p. 27, 99), et Benoît XVI (p. 27).
[6] « La loi de ‘gradualité’ est, sous cette forme, une idée nouvelle du Synode, devenue l’une de ses perspectives les plus profondes, et qui demeure présente dans toutes les questions particulières. Avec cette idée de ‘gradualité’ est abordé le thème de ‘l’être en chemin’, concrétisé au niveau de la connaissance et de la pratique morale. On déclare que la voie chrétienne toute entière est une ‘conversion’ qui se produit à travers des pas progressifs. Elle est un processus dynamique, qui progresse peu à peu vers l’intégration des dons de Dieu et des exigences de son amour absolu et définitif… C’est pourquoi s’impose une progression pédagogique, de manière que les chrétiens, à partir de ce qu’ils ont déjà reçu du mystère du Christ, soient conduits avec patience vers une connaissance plus pleine de ce mystère, et vers sa plus pleine intégration dans leur vie et leur comportement. Ainsi il pourra arriver que, dans l’esprit de l’amour et de la crainte de Dieu, mais sans trouble, le cœur et la vie de l’homme, grâce à la libération progressive de l’esprit et du cœur, s’ouvrent tout entier au Christ » J. Ratzinger, Documentation Catholique, 1981, p. 387–388.
[7] Autre chose est de dire qu’en raison de son infirmité spirituelle, l’homme transgresse de temps à autre la loi de Dieu, autre chose de dire qu’il ne peut que la transgresser à certains moments de son existence.
[8] R. Amerio, Iota unum, NEL, 1987, p. 390. Voir également de l’abbé François Knittel, « La morale de gradualité », Fideliter n° 228, novembre-décembre 2015, p. 28–29.
[9] Nous parlons ici de la loi morale et non de la tolérance du pouvoir civil ou ecclésiastique qui, sans nier l’obligation morale de la loi, n’en sanctionne pas toutes les transgressions.
[10] IIa IIæ, 184, 3, c.
[11] « La doctrine de l’Eglise n’est pas un système fermé : le concile Vatican II enseigne qu’il y a un développement dans le sens d’un possible approfondissement. Je me demande si un approfondissement similaire à ce qui s’est passé dans l’ecclésiologie est possible dans ce cas (des divorcés remariés civilement, ndlr) : bien que l’Eglise catholique soit la véritable Eglise du Christ, il y a des éléments d’ecclésialité aussi en dehors des frontières institutionnelles de l’Eglise catholique. Dans certains cas, ne pourrait-on pas reconnaître également dans un mariage civil des éléments du mariage sacramentel ? Par exemple, l’engagement définitif, l’amour et le soin mutuel, la vie chrétienne, l’engagement public qu’il n’y a pas dans les unions de fait ?» in La réponse stupéfiante du cardinal Kasper aux critiques de cinq cardinaux, DICI n°301 du 26/09/14).
[12] Tit 3, cap. 1, n° 16. « Si pœnitens numerum, et species, et circumstantias peccatorum explicatu necessarias non expresserit, eum Sacerdos prudenter interroget ». Si le pénitent ne dit pas les détails nécessaires des nombres, espèces et circonstances, que le Prêtre l’interroge prudemment.
[13] Conduite de saint Pie X dans la lutte contre le modernisme, Courrier de Rome, Paris 1996, p. 34.
[14] Le cas du pape Honorius est instructif : il fut condamné pour avoir signé une formule prônant le silence sur une formule catholique « Le IIIe concile œcuménique de Constantinople condamna le défunt pape Honorius Ier comme fauteur de l’hérésie monothélite ; le pape saint Léon II, les 7e et 8e conciles œcuméniques répétèrent cette condamnation. L’auteur de l’hérésie monothélite, Sergius, patriarche de Constantinople, avait écrit à Honorius qu’il serait dur de réduire à l’apostasie des millions de chrétiens à propos d’un mot unique : ‘une seule opération dans le Christ’ ; il ajoutait que ce qu’il y avait de mieux à faire, c’était ‘de ne parler ni d’une ni de deux opérations’. Le pape Honorius céda à ce conseil, il ne vit dans l’opposition faite à Sergius, au nom de la Tradition, qu’une inutile dispute de mots, et interdit de parler soit d’une, soit de deux opérations ». « Cet acte du pape Honorius eut le fâcheux effet de favoriser le monothélisme », in Garrigou-Lagrange, Le sens commun, la philosophie de l’être et les formules dogmatiques, Beauchesne, 1909, p. 135, note 1. En 1794, Pie VI condamna une proposition d’un « synode » de l’Assemblée janséniste tenue par l’évêque de Pistoie pour la simple raison qu’elle omettait de mentionner le mot « transsubstantiation » (DS 2629).
[15] Comme par exemple :
– Si donc ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car mieux vaut pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne », Mat 5, 29.
–« Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous », Lc 13, 5
– « Ce ne sont pas ceux qui disent ‘Seigneur Seigneur’ qui entreront au royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon père qui est dans les cieux », Mat 7, 21.
[16] Il est à ce sujet significatif que saint Thomas étudie conjointement justice et miséricorde (Ia, q. 21). De même, le Rituel romain, Tit. 3, cap. 1, lie les deux : « 2. In primis meminerit Confessarius, se judicis pariter et medici personam sustinere, ac divinæ justitiæ simul et misericordiæ ministrum a Deo constitutum esse, ut tamquam arbiter inter Deum et homines, honori divino et animarum saluti consulat ». En premier lieu, le Confesseur se souviendra qu’en sa personne se tiennent également le juge et le médecin, et qu’il a été institué par Dieu le ministre à la fois de sa justice divine et de sa miséricorde divine afin de délibérer comme arbitre entre Dieu et les hommes, entre l’honneur de Dieu et le salut des âmes.
[17] Deux numéros sont en revanche consacrés aux rapports entre justice et miséricorde dans MV20 et 21. Le pape s’attache à y montrer que la miséricorde dépasse la justice.
[18] Les indulgences et le purgatoire ? François les a mis au grenier, 19 décembre 2015.
[19] MV 23.
[20] Bien qu’affleure quand même l’idée « qu’il faut payer sa dette à la justice » (p. 100), sans être laxiste (p. 101), et que « celui qui se trompe devra purger sa peine » (p. 161).