Synode – Mariage et fécondité

Le 10 octobre 2015, au cours du second synode sur la famille qui vient de s’a­che­ver, l’ar­che­vêque de Varsovie-​Prague (Pologne), Mgr Henryk Hoser rap­pe­lait aux pères syno­daux la néces­si­té de reve­nir à l’en­cy­clique de Paul VI Humanae vitae (1968), en citant cet extrait : « Les hommes droits pour­ront encore mieux se convaincre du bien-​fondé de la doc­trine de l’Eglise en ce domaine, s’ils veulent bien réflé­chir aux consé­quences des méthodes de régu­la­tion arti­fi­cielle de la nata­li­té. Qu’ils consi­dèrent d’a­bord quelle voie large et facile ils ouvri­raient ain­si à l’in­fi­dé­li­té conju­gale et à l’a­bais­se­ment géné­ral de la mora­li­té. (…) » (H.V. n°17)

Mais, le 20 octobre, un père syno­dal his­pa­no­phone a tenu à mettre en relief un des 600 amen­de­ments appor­tés à l’Instrumentum labo­ris (docu­ment de tra­vail) : « Sur la contra­cep­tion, nous avons pro­po­sé un modus qui donne beau­coup plus de poids à la déci­sion en conscience des couples, et c’est pas­sé?! », s’est-​il réjoui. Rappel de la doc­trine et de la morale de l’Eglise, d’une part ; appel à la conscience indi­vi­duelle mar­quée par le per­son­na­lisme, d’autre part ; tel fut ce synode ! Face à tant de confu­sion, l’ab­bé Denis Puga, ancien pro­fes­seur de théo­lo­gie morale au Séminaire Saint-​Pie X d’Ecône, énonce les prin­cipes qui per­mettent d’y voir clair sur la fécon­di­té de la famille chrétienne.

La san­té morale du mariage des chré­tiens est une com­po­sante essen­tielle de la note de sain­te­té de l’Eglise. Les époux par la trans­mis­sion de la vie coopèrent à l’œuvre créa­trice de Dieu. Quand l’institution matri­mo­niale est en péril, la péren­ni­té même de l’Eglise est en dan­ger. De nos jours, par­mi les défis aux­quels les chré­tiens sont confron­tés, figure l’incitation per­ma­nente de la socié­té à vio­ler les lois pré­si­dant à la trans­mis­sion de la vie. La men­ta­li­té moderne contra­cep­tive, fon­dée notam­ment sur l’inversion per­son­na­liste des fins du mariage qui fait pas­ser l’amour et la fidé­li­té des époux avant la sta­bi­li­té du foyer et le bien des enfants, est omni­pré­sente. En consi­dé­rant le mariage comme fina­li­sé prin­ci­pa­le­ment par l’épanouissement corps et âme des époux, on en est venu à oublier que l’union conju­gale des époux vise essen­tiel­le­ment à trans­mettre la vie. La fécon­di­té fami­liale devient un far­deau duquel on cherche à se débar­ras­ser, pour mieux fuir ses res­pon­sa­bi­li­tés et ses devoirs devant Dieu et la société.

La vie conjugale n’est pas qu’une affaire de conscience

Plus que jamais les époux catho­liques, qui veulent vrai­ment vivre en pleine har­mo­nie avec l’enseignement du Christ Sauveur, doivent gar­der à l’esprit cet aver­tis­se­ment de l’apôtre saint Paul dans son épître aux Hébreux (XIII, 4) : « que le mariage soit hono­ré de tous, et le lit conju­gal exempt de souillure car Dieu condam­ne­ra les impu­diques et les adultères. »

Le contrat matri­mo­nial donne aux époux un droit exclu­sif et per­pé­tuel aux actes aptes à la géné­ra­tion. C’est l’échange de ce droit qui fait le vrai mariage. La vie conju­gale n’est pas qu’une affaire de conscience qui ne concer­ne­rait exclu­si­ve­ment que les seuls époux. L’Eglise en tant que socié­té se doit d’encourager les couples à vivre fidè­le­ment – et sain­te­ment – leur enga­ge­ment qui touche direc­te­ment au bien com­mun. Malheureusement, même par­mi les membres du synode sur la famille, cer­tains remettent en cause l’enseignement pérenne de l’Eglise en matière de mora­li­té matri­mo­niale. Ainsi en est-​il de Mgr Philippe Bordeyne, rec­teur de l’Institut catho­lique de Paris, nom­mé expert auprès du secré­taire spé­cial du Synode.

Dans une décla­ra­tion reprise par le quo­ti­dien La Croix du 27 août 2015, Mgr Bordeyne n’hésite pas à remettre en cause direc­te­ment l’enseignement de l’Encyclique Humanae Vitae qui, en 1968, avait jeté la stu­peur chez les chré­tiens pro­gres­sistes en condam­nant la contra­cep­tion comme intrin­sè­que­ment contraire à la morale natu­relle et catho­lique. Mgr Bordeyne pro­pose qu’au Synode une voie alter­na­tive soit pro­po­sée aux époux chré­tiens : « une autre voie, dont la licéi­té morale pour­rait être admise (par l’Eglise) et le choix confié à la sagesse des époux, consis­te­rait à user des méthodes contra­cep­tives non abor­tives. S’ils décident d’introduire cette médecine-​là dans l’intimité de leur vie sexuelle, les époux seraient conviés à redou­bler d’amour mutuel. Celui-​ci est seul à pou­voir huma­ni­ser l’usage de la tech­nique, au ser­vice d’une « éco­lo­gie humaine de l’engendrement ». »

On touche du doigt le ravage qu’ont accom­pli dans l’intelligence de nom­breux clercs la nou­velle pré­sen­ta­tion des fins du mariage, l’approche per­son­na­liste et le laxisme généralisé.

Deux erreurs entretiennent une mentalité contraceptive

Il est éga­le­ment impor­tant de sou­li­gner que, mal­gré un ensei­gne­ment offi­ciel de l’Eglise qui reste défa­vo­rable à toute forme de contra­cep­tion, deux grandes erreurs se sont répan­dues chez de nom­breux couples chré­tiens, même par­mi ceux qui se veulent défen­seurs de la vie. Ces erreurs ont pour consé­quence la dis­pa­ri­tion de la famille nom­breuse du pay­sage ecclésial.

La pre­mière erreur est la sui­vante : certes la recherche de la fécon­di­té du mariage est pri­mor­diale et ne peut être écar­tée par des époux vrai­ment chré­tiens, cepen­dant elle doit s’établir glo­ba­le­ment sur l’ensemble de la vie du couple et non à l’occasion de cha­cun des rap­ports phy­siques des conjoints. L’encyclique du pape Paul VI, Humanae Vitae, a clai­re­ment écar­té cette vision tota­le­ment erro­née : « On ne peut invo­quer comme rai­sons valables, pour jus­ti­fier des actes conju­gaux ren­dus inten­tion­nel­le­ment infé­conds, (…) le fait que ces actes consti­tue­raient un tout avec les actes féconds qui ont pré­cé­dé ou qui sui­vront, et dont ils par­ta­ge­raient l’unique et iden­tique bon­té morale… C’est donc une erreur de pen­ser qu’un acte conju­gal ren­du volon­tai­re­ment infé­cond et, par consé­quent, intrin­sè­que­ment déshon­nête, puisse être ren­du hon­nête par l’ensemble d’une vie conju­gale féconde. » (n°14)

L’autre erreur touche une manière de vivre très répan­due, selon laquelle les époux n’auraient pas à se poser de pro­blèmes de conscience, du moment que dans leurs actes conju­gaux, ils excluent les moyens arti­fi­ciels de régu­la­tion des nais­sances et s’en tiennent aux méthodes stric­te­ment natu­relles. C’est d’ailleurs le résu­mé sim­pliste que les médias font de l’encyclique Humanae Vitae : en inter­di­sant la pilule contra­cep­tive Paul VI aurait légi­ti­mé l’usage sans rete­nu et sans motif des méthodes naturelles.

C’est oublier le grave aver­tis­se­ment que déjà le pape Pie XII avait fait dans sa célèbre Allocution aux sages-​femmes du 20 octobre 1951. Le pape, après avoir rap­pe­lé le grave devoir des époux de par­ti­ci­per par la vie matri­mo­niale au déve­lop­pe­ment du genre humain, expli­quait que certes « de cette pres­ta­tion posi­tive obli­ga­toire cer­tains peuvent être dis­pen­sés, même pour long­temps, bien plus même pour toute la durée du mariage, par des motifs sérieux, comme ceux qu’il n’est pas rare de comp­ter dans ce qu’on appelle l’indication médi­cale, eugé­nique, éco­no­mique et sociale et que de là dans les condi­tions men­tion­nées il suit que l’observance des périodes d’infécondité peut être et même est licite ». Mais le même Pontife ajou­tait : « Si cepen­dant, il n’y a pas, selon un juge­ment rai­son­nable et juste, de sem­blables rai­sons graves ou per­son­nelles ou pro­ve­nant de cir­cons­tances exté­rieures, la volon­té d’éviter habi­tuel­le­ment la fécon­di­té de leur union, tout en conti­nuant de satis­faire plei­ne­ment leur sen­sua­li­té, ne peut pro­ve­nir que d’une appré­cia­tion fausse de la vie et de motifs étran­gers aux droites règles de la morale. 

Des conséquences désastreuses pour la société

Les deux erreurs qui viennent d’être sou­li­gnées ne sont guère dénon­cées par la pas­to­rale moderne. Elles sont, de fac­to, des portes ouvertes à l’usage de la contra­cep­tion et à une men­ta­li­té contra­cep­tive par­mi les époux. Or elles ont été décla­rées incom­pa­tibles avec la Loi évan­gé­lique. La recon­nais­sance d’un droit à la contra­cep­tion chez les époux, comme le pré­co­nisent cer­tains clercs, condui­rait même à la recon­nais­sance de la légi­ti­mi­té des mariages contre nature. Car si des actes intrin­sè­que­ment mau­vais deve­naient légi­times pour des conjoints de sexe oppo­sé, pour­quoi ne le seraient-​ils pas non plus pour des conjoints de même sexe ?

Changer la doc­trine de l’Eglise en matière de contra­cep­tion – sous pré­texte d’une fausse misé­ri­corde – ce serait détruire de fond en comble, qu’on le veuille ou non, toute l’institution du mariage et donc per­ver­tir la socié­té chré­tienne et humaine.

Le pape a le pou­voir d’empêcher ce scan­dale, et sa charge lui en fait un devoir, selon cette parole de Celui dont il est le vicaire : « Il est néces­saire qu’il arrive des scan­dales ; mais mal­heur à l’homme par qui le scan­dale arrive ! » Mat. XVIII, 7.

Abbé Denis Puga, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X