Aucune fête ne manifeste avec autant d’évidence l’immense fossé qui sépare les promoteurs de la religion conciliaire – car c’en est une – de l’authentique message catholique.
On ne connaît que trop les pères Noël et les fêtes réduites aux festins. À juste titre, le Noël des païens n’engendre que souffrance dans le cœur chrétien. Mais je ne suis pas certain que ce soit là le plus douloureux. Aucune fête, semble-t-il, ne manifeste avec autant d’évidence l’immense fossé qui sépare les promoteurs de la religion conciliaire – car c’en est une – de l’authentique message catholique. Il suffit, pour le saisir, de relire le message que Jean Paul II adressait au monde pour son premier Noël comme pape ; c’était le 25 décembre 1979.
« Noël est la fête de l’homme. C’est la naissance de l’homme […] Ce message est adressé à chaque homme, précisément en tant qu’il est homme, à son humanité. C’est en effet l’humanité qui se trouve élevée dans la naissance terrestre de Dieu. » Par ces mots, Jean-Paul II réalise un véritable retournement, condensé comme suit : « Si nous célébrons aujourd’hui de manière aussi solennelle la naissance de Jésus, nous le faisons pour rendre témoignage au fait que chaque homme est unique, absolument singulier. » La dynamique de l’Incarnation n’est plus tournée vers la Patrie céleste que le Verbe incarné rend à nouveau accessible, mais vers la réalisation plénière de l’humanité ici-bas. Le salut n’y est plus en Jésus, mais dans l’universel respect de la dignité transcendantale attribuée à la personne humaine. En ce Noël-là, on ne célèbre plus un Dieu qui s’est fait homme, mais un homme qui s’érige dieu.
Ces lignes du pape défunt – que certains prétendent saint – ne sont que l’écho du concile Vatican II : « Les propositions que ce Saint Synode a formulées ont pour but d’aider tous les hommes de notre temps, qu’ils croient en Dieu ou non, à percevoir avec une plus grande clarté la plénitude de leur vocation, à rendre le monde plus conforme à l’éminente dignité de l’homme, à rechercher une fraternité universelle, appuyée sur des fondements plus profonds » (GS 91, 1). Ces « fondements » avaient été rappelés tout du long et peuvent se résumer ainsi : « L’Église, en vertu de l’Évangile, proclame les droits des hommes, reconnaît et tient en grande estime le dynamise de notre temps, qui partout donne un nouvel élan à ces droits » (GS 41, 3).
D’hommes de Dieu, ces mauvais pasteurs se sont donc mués en hommes de l’Homme. Tel est leur crime. Comment dès-lors s’étonner que, « ne supportant plus la saine doctrine » (2 Tim 4, 3), ils persécutent tout ce qui la véhicule ? C’est ainsi que le Motu Proprio Traditionis custodes, puis le décret de la Congrégation du Culte Divin rendu public le 18 décembre, visent à proscrire totalement la liturgie traditionnelle de l’Église. Désormais, ce n’est plus seulement la messe traditionnelle qui est bannie, mais avec plus de rigueur encore la célébration traditionnelle de tous les sacrements, à commencer par l’ordination sacerdotale. Le pourquoi de ces interdictions est affirmé à de nombreuses reprises et de multiples manières : la liturgie traditionnelle est inapte à exprimer la foi de l’Église née de Vatican II. Tout est dit.
Pour vous, le cœur plein d’amour et de reconnaissance, venez au pied de la crèche célébrer l’amour infini d’un Dieu qui s’est fait homme pour nous sauver. Englués dans l’éphémère de la matérialité, vivant dans les horizons ô combien limités de la temporalité, nous y entendons le merveilleux message, ainsi résumé par saint Jean : « À tous ceux qui l’ont reçu, a été donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12). Oui, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 19) s’est incarné dans le temps des hommes pour nous permettre de vivre, et dès ici-bas, de l’éternité de Dieu : « Celui qui m’aime et garde mes commandements, mon Père l’aimera, et nous viendrons en lui, et nous établirons en lui notre demeure » (Jn 14, 23). Noël, c’est le début d’une divine amitié, c’est l’éclosion du monde surnaturel dans un monde jusque-là pécheur. Nous y célébrons un Rédempteur, désireux de nous emmener en des étreintes d’éternité.
Source : Lou Pescadou n° 217