Entretien de Mgr Roche avec Edward Pentin

Mgr Arthur Roche

Dans un entre­tien, le pré­fet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a notam­ment répon­du à à la ques­tion de savoir si les Responsa ad dubia s’ap­pliquent aux ins­ti­tuts Ecclesia Dei.

Mgr Arthur Roche, pré­fet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a répon­du à Edward Pentin pour le National Catholic Register, le 22 décembre 2021, aux ques­tions concer­nant les Responsa ad dubia, c’est-​à-​dire les direc­tives concer­nant la mise en œuvre du motu pro­prio Traditionis cus­todes. Il a notam­ment répon­du à la ques­tion de savoir si ces Responsa s’ap­pliquent aux ins­ti­tuts tra­di­tion­nels dits Ecclesia Dei.

Entretien de Mgr Roche

Excellence, les Responsa s’appliquent-​elles aux anciens Instituts Ecclesia Dei, en par­ti­cu­lier en ce qui concerne les ordi­na­tions dans la forme tra­di­tion­nelle du rite romain, ou ces ordi­na­tions peuvent-​elles se pour­suivre dans ces ins­ti­tuts, puis­qu’elles ne sont pas spé­ci­fi­que­ment men­tion­nées dans les Responsa ?

Tout d’a­bord, permettez-​moi, en guise d’in­tro­duc­tion à cer­taines de ces ques­tions, d’é­non­cer un point impor­tant. Le droit uni­ver­sel concer­nant la litur­gie anté­cé­dente aux réformes du Concile Vatican II est main­te­nant éta­bli par le Motu Proprio, Traditionis Custodes du 16 juillet 2021, qui rem­place toute légis­la­tion antérieure.

Les Responsa ad dubia du 4 décembre 2021, publiées par la Congrégation du culte divin et de la dis­ci­pline des sacre­ments, consti­tuent une inter­pré­ta­tion fai­sant auto­ri­té de la manière dont cette loi doit être appli­quée. La Congrégation pour la Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique est com­pé­tente pour les Instituts par­ti­cu­liers que vous men­tion­nez. Cette Congrégation n’a pas fait de décla­ra­tion sur ces Instituts. Cependant, le prin­cipe a été éta­bli que les ordi­na­tions dans l’Église latine sont confé­rées selon le rite approu­vé par la consti­tu­tion apos­to­lique de 1968 [Nouveaux rites d’or­di­na­tion publiés par le pape Paul VI].

Le deuxième Responsum dit que l’é­vêque dio­cé­sain n’est pas auto­ri­sé à accor­der la per­mis­sion d’u­ti­li­ser le Pontificale Romanum. Cela signifie-​t-​il que les évêques ne peuvent pas uti­li­ser le Pontificale Romanum, ou qu’ils ne peuvent pas don­ner la per­mis­sion de l’u­ti­li­ser ? Dans ce der­nier cas, à qui ne sont-​ils pas auto­ri­sés à en auto­ri­ser l’usage ?

Le Pontificale Romanum de cette litur­gie anté­cé­dente n’est plus en usage. Toutefois, une conces­sion a été faite pour l’u­ti­li­sa­tion du Rituale Romanum dans les paroisses per­son­nelles, mais qui exclut le sacre­ment de la Confirmation, qui a été rem­pla­cé par la Constitution Apostolique en 1971.

Les cano­nistes ont qua­li­fié les Responsa d’illi­cites, car elles ne res­pectent pas divers canons,((À savoir le canon 18 du code de droit canon de 1983 : « Les lois qui éta­blissent une peine, restreignent le libre exer­cice des droits ou contiennent une excep­tion à la loi sont sou­mises à une inter­pré­ta­tion stricte », et le canon 87 : « Un évêque dio­cé­sain, lors­qu’il juge que cela contri­bue à leur bien spi­ri­tuel, peut dis­pen­ser les fidèles des lois dis­ci­pli­naires uni­ver­selles et par­ti­cu­lières émises pour son ter­ri­toire ou ses sujets par l’au­to­ri­té suprême de l’Église. Il ne peut cepen­dant pas dis­pen­ser des lois pro­cé­du­rales ou pénales, ni de celles dont la dis­pense est spé­cia­le­ment réser­vée au Siège Apostolique ou à une autre auto­ri­té… »)), de l’in­té­gri­té du rite tra­di­tion­nel, et pour d’autres rai­sons juri­diques. Ils disent donc que le docu­ment n’a aucune force et peut être igno­ré. Quelle est votre réponse à cela ?

Les réponses aux divers dubia sont évi­dem­ment légi­times et plei­ne­ment conformes au droit cano­nique dans leur éla­bo­ra­tion par cette Congrégation dont l’au­to­ri­té en la matière est incontestée.

Les Responsa inter­disent le carac­tère public de la Messe tra­di­tion­nelle dans l’emploi du temps d’une paroisse et affirment pour­tant que cela ne mar­gi­na­lise pas les catho­liques tra­di­tion­nels. Pourquoi une telle mesure a‑t-​elle été prise si les catho­liques tra­di­tion­nels font par­tie des fidèles et que cette ini­tia­tive vise l’u­ni­té ? Cette accen­tua­tion de la dif­fé­rence ne fait-​elle pas qu’ac­cen­tuer les divi­sions, même au niveau local ?

Il est clair dans Traditionis Custodes que la célé­bra­tion de la Messe en uti­li­sant le Missale Romanum de 1962 est à titre de conces­sion et n’est donc pas la dis­po­si­tion nor­male de la litur­gie de l’Église telle que pré­vue par le Concile Vatican II.

Les rites approu­vés par les saints papes Paul VI et Jean-​Paul II sont l’ex­pres­sion unique de la litur­gie de l’Église. Comme vous l’a­vez vous-​même noté dans l’une de vos décla­ra­tions, la plu­part des adhé­rents au Missel de 1962 n’ont aucun pro­blème avec la litur­gie réfor­mée ou le Concile Vatican II, mais pré­fèrent celle de 1962, rai­son pour laquelle la célé­bra­tion de la Messe selon ce Missel leur est accessible.

Cependant, permettez-​moi de cla­ri­fier un point impor­tant. La litur­gie n’est jamais une simple ques­tion de goûts ou de pré­fé­rences per­son­nelles. C’est la lex oran­di de l’Église, qui, en fidé­li­té à la tra­di­tion reçue des temps apos­to­liques, est déter­mi­née par l’Église et non par des membres indi­vi­duels. Le Missel romain des saints papes Paul VI et Jean-​Paul II est le témoin d’une foi inal­té­rée et d’une tra­di­tion vivante et ininterrompue.

De nom­breux catho­liques tra­di­tion­nels affirment avoir été injus­te­ment dis­cri­mi­nés par Traditionis Custodes et les Responsa ad dubia et écar­tés des consul­ta­tions. Ils affirment que ces nou­velles règles leur ont été injus­te­ment impo­sées sur la base d’une enquête menée en 2020 par la CDF((Congrégation pour la Doctrine de la Foi.)) auprès des évêques. Cependant, selon des rap­ports bien étayés, contrai­re­ment à la note expli­ca­tive du Saint-​Père sur Traditionis Custodes, l’en­quête a mon­tré que la plu­part des évêques sou­hai­taient pro­cé­der à une appli­ca­tion pru­dente et atten­tive de Summorum Pontificum. La CDF a ensuite trans­mis ces résul­tats au Saint-​Père dans un rap­port détaillé. La Congrégation pour le culte divin tiendra-​t-​elle donc compte de tous ces fac­teurs et pré­oc­cu­pa­tions dans un esprit de syno­da­li­té et y répondra-​t-​elle, comme elle le ferait si elle fai­sait par­tie de l’ac­tuel pro­ces­sus syno­dal uni­ver­sel ? La congré­ga­tion travaillera-​t-​elle éga­le­ment à par­tir des résul­tats réels de l’en­quête plu­tôt que de ce que ces rap­ports disent être une fausse inter­pré­ta­tion de ceux-ci ?

La pro­mo­tion de la litur­gie anté­cé­dente a été res­treinte mais ne carac­té­rise pas une dis­cri­mi­na­tion. Ni Ecclesia Dei de saint Jean-​Paul II ni Summorum Pontificum du pape Benoît XVI n’a­vaient pré­vu la pro­mo­tion de ces litur­gies qui, étant sur­ve­nues par la suite, sont deve­nues pro­blé­ma­tiques par rap­port à ce que le Concile, qui est la plus haute forme de légis­la­tion dans l’Église catho­lique, avait décrété.

Vous vous sou­vien­drez de ce que le pape Benoît XVI a décla­ré à la presse lors de son voyage en France en 2008 : « Ce Motu Proprio (il par­lait de Summorum Pontificum qui venait d’être publié) est sim­ple­ment un acte de tolé­rance, dans un but pas­to­ral, pour les per­sonnes qui ont été éle­vées avec cette litur­gie, qui l’aiment, la connaissent bien et veulent vivre avec cette litur­gie. Ils forment un petit groupe, car cela sup­pose une for­ma­tion au latin, une for­ma­tion à une cer­taine culture. » Malheureusement, beau­coup ont pro­fi­té de l’oc­ca­sion pour prendre une direc­tion inverse.

Quant à votre point sur la consul­ta­tion, le Saint-​Père a écou­té très atten­ti­ve­ment les évêques et, plus récem­ment, la Congrégation a répon­du aux ques­tions sou­le­vées par eux et par diverses autres personnes.

Ce qu’il est impor­tant de réa­li­ser main­te­nant, c’est que le Saint-​Père a par­lé ; les pos­si­bi­li­tés litur­giques sont en place ; le défi est d’al­ler de l’a­vant sans pan­ser ses plaies alors que per­sonne n’a été bles­sé. Quant à votre remarque sur la syno­da­li­té, le mot signi­fie « mar­cher ensemble », ce qui est l’ob­jec­tif pré­cis du Motu Proprio expri­mant la direc­tion dans laquelle l’Église doit mar­cher dans sa prière.

De nom­breux fidèles tra­di­tion­nels n’ont aucun pro­blème avec la litur­gie réfor­mée ou Vatican II mais pré­fèrent la forme tra­di­tion­nelle. Pourquoi, dès lors, la forme tra­di­tion­nelle du rite romain ne peut-​elle pas être accep­tée comme le sont d’autres formes tra­di­tion­nelles dif­fé­rentes du rite romain, telles que les rites ambro­sien, gal­li­can, domi­ni­cain ou angli­can (ordon­né) ?

Avec tout le res­pect que je vous dois, votre déter­mi­na­tion des rites n’est pas tout à fait exacte. Il n’y a qu’un seul rite romain, tout comme il n’y a qu’un seul rite ambro­sien et un seul rite moza­rabe. Le rite gal­li­can a dis­pa­ru il y a plu­sieurs siècles, bien que plu­sieurs de ses prières aient été incor­po­rées dans divers livres litur­giques actuels. Les autres ne sont pas des rites mais des usages – des adap­ta­tions ou des incul­tu­ra­tions du Rite Romain, qui ont reçu l’ap­pro­ba­tion du Siège Apostolique pour des rai­sons spécifiques.

Propos recueillis par Edward Pentin pour le National Catholic Register

Traduit de l’anglais par lapor​te​la​tine​.org avec l’aide de dee​pl​.com