Le cardinal G. Müller veut que la FSSPX reconnaisse sans réserve tout le Concile Vatican II


Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.


Le Cardinal Gerhard Müller a décla­ré qu’il attend de la Fraternité Saint-​Pie X, qui s’est tou­jours oppo­sée aux décla­ra­tions du Concile Vatican II sur la liber­té reli­gieuse et l’œ­cu­mé­nisme, qu’elle « recon­naisse sans réserve » la liber­té de reli­gion comme un droit de l’homme, et une obli­ga­tion d’oe­cu­mé­nisme. Dans une inter­view dans le numé­ro de Juin de la publi­ca­tion alle­mande Herder Korrespondenz, le pré­fet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a dit que si quel­qu’un « veut être plei­ne­ment catho­lique, il doit recon­naître le Pape et le Concile Vatican II. » Le Cardinal Müller a décla­ré qu’il attend une recon­nais­sance de toutes les décla­ra­tions du Concile qui traitent de ces ques­tions, selon l’in­ter­view, dont rend compte ce 24 mai le site catho­lique autri­chien Kathpress.

Les com­men­taires du car­di­nal font suite viennent aux rumeurs(1) selon les­quelles la Fraternité Saint-​Pie X, qui conti­nue à s’opposer aux ensei­gne­ments clés du Concile Vatican II sur l’oe­cu­mé­nisme, la liber­té reli­gieuse et les aspects de la réforme litur­gique, pour­rait être près d’être recon­nue par le Saint-Siège.

En 1988, le fon­da­teur de la Fraternité, Mgr Marcel Lefebvre, aidé de Mgr de Castro Mayer, a sacré quatre évêques en évo­quant l’é­tat de néces­si­té (1) et contre la volon­té expresse du pape Jean-​Paul II qui n’a­vait don­né son appro­ba­tion que pour l’or­di­na­tion pos­sible d’un seul évêque. Tous les cinq ont encou­ru l’ex­com­mu­ni­ca­tion auto­ma­tique et, bien que Benoît XVI les ait levées en 2009, la Fraternité Saint-​Pie X demeure dans une situa­tion cano­ni­que­ment irrégulière.

Plus tot, ce mois-​ci, le supé­rieur géné­ral de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, a décla­ré au Register (3) que cer­tains, à Rome, ont fait savoir à la Fraternité qu’il était main­te­nant pos­sible de remettre en ques­tion les ensei­gne­ments du Concile sur ces pro­blèmes (NDLR de LPL : la liber­té reli­gieuse et l’oe­cu­mé­nisme) « tout en demeu­rant catholiques. »

« Cela signi­fie, éga­le­ment, que les cri­tères qu’ils nous impo­se­raient, pour que nous leur prou­vions que nous sommes catho­liques, ne seront plus ces points » a‑t-​il dit. « Pour nous, cela serait très important. » 

En outre, il a sou­li­gné que Rome avait deux approches dif­fé­rentes : « Nous devons dis­tin­guer la posi­tion du pape qui est une chose, de la posi­tion de la CDF », a décla­ré Mgr Fellay, qui a éga­le­ment insis­té sur le fait que que la FSSPX ne ferait pas de com­pro­mis sur ces sujets. « Ils n’ont pas la même approche mais ils arrivent à la même conclu­sion qui est de régler le pro­blème en don­nant la recon­nais­sance [cano­nique] à la Fraternité. »

Il a ajou­té qu’il était « convain­cu, au moins en par­tie, d’une approche dif­fé­rente » qui consiste à don­ner « moins d’im­por­tance au pro­blème que nous nous consi­dé­rons comme impor­tant, à savoir le Concile : c’est-à-dire de rendre le Concile moins contrai­gnant ». Selon Mgr Fellay, le Pape consi­dère la doc­trine comme « un obs­tacle dans les rap­ports entre per­sonnes », cela s’oppose à son sou­hait de voir « tout le monde sau­vé », et ain­si il dénoue un nœud, « pour nous atteindre ».

Mais le car­di­nal Müller, qui insiste net­te­ment plus que le Saint-​Père pour que la FSSPX adhère à l’en­sei­gne­ment du Concile, a décla­ré au Herder Korrespondenz que l’on ne peut écar­ter le Concile comme « un simple bavar­dage pas­to­ral », sim­ple­ment parce qu’il n’a pas adop­té de dogmes contraignants. 

Le Préfet de la CDF a dit qu’aucun pape n’a jamais pro­cla­mé la résur­rec­tion du Christ comme un dogme ex cathe­dra [ et donc de façon infaillible], et pour­tant cela « relève du centre de la foi, c’en est le fondement ». 

« Les décla­ra­tions clés, même si elles ne sont pas annon­cées ex cathe­dra [infailli­ble­ment], sont cepen­dant essen­tielles pour nous autres catho­liques » a‑t-​il dit, ajou­tant qu’il est « pas accep­table d’en prendre cer­taines en reje­tant les autres »

Le Cardinal Müller a éga­le­ment décla­ré dans l’in­ter­view qu’il n’y a pas besoin d’être fas­ci­né par chaque homé­lie d’un évêque ou du pape. Seul doit être accep­té le magis­tère, qui est une décla­ra­tion de Foi, a sou­te­nu le car­di­nal, selon le compte-​rendu de Kathpress.

«“La liber­té reli­gieuse comme droit humain fon­da­men­tal, et la liber­té d’une reli­gion [une convic­tion, NdT] véri­dique quant à la révé­la­tion sur­na­tu­relle en Jésus-​Christ, doivent être recon­nus sans réserve par tous les catho­liques”», a‑t-​il dit en réfé­rence aux décla­ra­tions du Concile sur ces sujets.

La recon­nais­sance du Concile Vatican II est un obs­tacle à sur­mon­ter qui n’est « pas exces­si­ve­ment éle­vé », a‑t-​il dit, ajou­tant que c’était plu­tôt « le remède adé­quat pour entrer en pleine com­mu­nion avec le Pape et les évêques en com­mu­nion avec lui ». 

Le Préfet de la CDF a en outre affir­mé que la rela­tion de François à la FSSPX ne dif­fère pas de celle du pape émé­rite Benoît XVI. « Il consi­dère ce groupe et d’autres, simi­laires, comme catho­liques, mais encore sur le che­min vers la pleine uni­té catholique ».

Un peu avant, ce mois-​ci, le pape François a lais­sé entendre que la récon­ci­lia­tion pour­rait être proche, en disant au quo­ti­dien catho­lique fran­çais La Croix le 16 mai que les membres de la FSSPX sont « catho­liques, en che­min vers la pleine com­mu­nion » et que « un bon dia­logue et du bon tra­vail ont lieu ».

Il a éga­le­ment reçu Mgr Fellay pour la pre­mière fois en audience pri­vée le mois der­nier, et a dit à La Croix que c’est « un homme avec qui on peut dialoguer ».

L’année der­nière, le pape a fait sa pre­mière ouver­ture envers la Fraternité en annon­çant que les confes­sions de la FSSPX seraient valides et licites pen­dant et après l’Année jubi­laire de la Miséricorde. Jusque là, Rome, à cause de leur sta­tut cano­nique irré­gu­lier, les consi­dé­rait ces confes­sions comme cano­ni­que­ment inva­lides parce qu’il leurs man­quait la juri­dic­tion nécessaire. 

Sources : Herder Korrespondenz/​Kath Press/​New Catholic Register/​La Porte Latine du 30 mai 2016

Notes de La Porte Latine

(1) Voir : Certains textes conci­liaires peuvent être objet de « dis­cus­sion » avec la FSSPX – Mgr Pozzo in La Croix – 7 avril 2016
(2) Etat de néces­si­té. En s’appuyant sur de larges extraits du ser­mon de Mgr Marcel Lefebvre lors de la céré­mo­nie du 30 juin 1988, l’abbé Jean-​Michel Gleize, pro­fes­seur d’ecclésiologie au sémi­naire d’Ecône, rap­pelle pour­quoi et com­ment le fon­da­teur de la Fraternité Saint-​Pie X a posé cet acte impor­tant.
– 1 – Dans une lettre datée du 8 juillet 1987, Mgr Lefebvre écri­vait au car­di­nal Ratzinger : « Une volon­té per­ma­nente d’anéantissement de la Tradition est une volon­té sui­ci­daire qui auto­rise, par le fait même, les vrais et fidèles catho­liques à prendre toutes les ini­tia­tives néces­saires à la sur­vie et au salut des âmes » [1]. Et le jour des sacres, 30 juin 1988, Monseigneur reve­nait sur ce constat, pour conclure à la légi­ti­mi­té des consé­cra­tions épis­co­pales : « Il est néces­saire que vous le com­pre­niez bien, que nous ne vou­lons pour rien au monde que cette céré­mo­nie soit un schisme. […] Bien au contraire, c’est pour mani­fes­ter notre atta­che­ment à Rome que nous fai­sons cette céré­mo­nie. C’est pour mani­fes­ter notre atta­che­ment à l’Eglise de tou­jours, au pape et à tous ceux qui ont pré­cé­dé ces papes qui, mal­heu­reu­se­ment, depuis le concile Vatican II ont cru devoir adhé­rer à des erreurs, des erreurs graves qui sont en train de démo­lir l’Eglise et de détruire le sacer­doce catho­lique. […] Nous nous trou­vons dans un cas de néces­si­té. ».
– 2 – Distinction est ici faite entre le prin­cipe même de l’autorité dans l’Eglise et son exer­cice dans des cir­cons­tances par­ti­cu­lières. Par défi­ni­tion, le pape a pour mis­sion de don­ner aux âmes les moyens de se sau­ver, c’est-à-dire des évêques et des prêtres qui prêchent la vraie foi catho­lique et admi­nistrent les vrais sacre­ments selon le rite de l’Eglise. Mais par mal­heur, depuis le concile Vatican II, les papes qui ont suc­cé­dé à Pie XII rendent sinon impos­sible du moins dif­fi­cile le recours nor­mal à ces moyens ordi­naires du salut. Et l’on peut légi­ti­me­ment craindre que, faute de réagir, les fidèles de l’Eglise catho­lique ne puissent plus béné­fi­cier de la pré­di­ca­tion de la vraie doc­trine ni rece­voir la grâce des vrais sacre­ments. Il y a donc état de néces­si­té, qui non seule­ment rend légi­time mais réclame la consé­cra­tion épis­co­pale du 30 juin 1988, comme le moyen néces­saire au salut des âmes. Mgr Lefebvre l’explique fort bien : « Il me semble entendre, mes bien chers frères, il me semble entendre la voix de tous ces papes depuis Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, saint Pie X, Benoît XV, Pie XI, Pie XII, nous dire : Mais de grâce, de grâce, qu’allez-vous faire de nos ensei­gne­ments, de notre pré­di­ca­tion, de la foi catho­lique, allez-​vous l’abandonner, allez-​vous la lais­ser dis­pa­raître de cette terre ? De grâce conti­nuez à gar­der ce tré­sor que nous vous avons don­né. N’abandonnez pas les fidèles, n’abandonnez pas l’Eglise, conti­nuez l’Eglise. […] Si vous ne faites pas quelque chose pour conti­nuer cette tra­di­tion de l’Eglise que nous avons don­née, tout dis­pa­raî­tra, l’Eglise dis­pa­raî­tra ; les âmes seront toutes per­dues » [3].
– 3 – En effet, dans l’Eglise, toute la loi ecclé­sias­tique est ordon­née au salut des âmes. Si l’application habi­tuelle de cette loi rend dif­fi­cile, voire impos­sible, ce but essen­tiel de la loi, nous avons affaire à ce que le droit de l’Eglise appelle un état de néces­si­té. Celui-​ci auto­rise tout membre de l’Eglise à agir pour le salut des âmes, selon ses capa­ci­tés et selon les grâces qu’il reçoit, même en dépit de l’obstacle que repré­sente l’application injuste de la loi ecclé­sias­tique, faite par l’autorité. En effet, dit le Code de Droit Canonique, « les fidèles ont le droit de rece­voir de la part des pas­teurs sacrés l’aide pro­ve­nant des biens spi­ri­tuels de l’Eglise, sur­tout de la parole de Dieu et des sacre­ments » [4]. Cela signi­fie en par­ti­cu­lier que tout évêque est tenu d’user de son épis­co­pat en vue du salut des âmes et du bien com­mun de l’Eglise, ce qui peut impli­quer la trans­mis­sion du sacer­doce et de l’épiscopat, quand bien même l’autorité suprême de l’Eglise s’y oppo­se­rait de manière injuste.
(3) Lire : Mgr Fellay : « entre gar­der la foi et faire un com­pro­mis, il est clair que nous n’al­lons pas faire de com­pro­mis » – NCR du 13 mai 2016