Chers amis,
La campagne de presse menée avec insistance contre votre association au cours de ces dernières semaines ne peut laisser indifférent aucun catholique droit et sincère. À plus forte raison, elle doit émouvoir ceux qui ont pour charge de sauvegarder la Vérité et de faire croître la vie chrétienne.
Il me semble que je faillirais à la Vérité et à l’amitié que je vous porte si je demeurais silencieux alors que des personnes, considérées comme dignes de foi, habituellement du moins, se permettent d’écrire, publiquement contre vous et vos activités, en employant des arguments dénués de tout fondement sérieux et qui plus est, sont contraires à la doctrine de l’Église. Et le journal, considéré à tort ou à raison, comme le porte-parole de l’Église de France, se permet d’ouvrir largement ses colonnes à cette odieuse campagne.
Le silence, dans ces circonstances, pour quelqu’un qui vous connaît et vous estime et qui est mis en cause nommément, est impossible, quand cette estime repose avant tout sur la parfaite conformité de votre activité avec l’Esprit de l’Église et quand les souverains pontifes demandent avec insistance au laïcat de se pénétrer des principes de l’Église en matière politique, économique, sociale, et que vous orientez tous vos efforts dans ce sens.
Que vous reproche-t-on ?
« De n’être pas d’Action catholique » mais les catholiques peuvent et sont encouragés à constituer des groupements qui s’efforcent de rendre la société plus chrétienne ; dans le monde du travail et c’est l’œuvre des syndicats chrétiens ; dans le domaine économique c’est, je pense, le but d’Économie et Humanisme ; dans le domaine de la Cité, c’est votre but. Les papes ont dit explicitement que l’Action catholique n’était pas la seule activité à laquelle sont conviés les catholiques. Il serait bien souhaitable que tous ceux qui s’engagent dans ces domaines aient la même scrupuleuse fidélité aux enseignements de l’Église et la même soumission à la hiérarchie.
« De vous appeler la Cité catholique : comment prendre au sérieux une pareille boutade ? M. Madiran y a très bien répondu dans son tiré à part n° 61.
« De ne pas avoir toutes les approbations épiscopales » : elles ne sont pas indispensables pour une activité qui n’est pas de l’Action catholique proprement dite. Il suffit que cette activité soit pleinement conforme à l’Esprit de l’Église et à sa discipline, ce dont chaque évêque est juge dans son diocèse.
« Votre manière d’interpréter les documents pontificaux » : plût à Dieu que tous les catholiques aient la même exacte connaissance de ces documents et qu’ils s’efforcent de les mettre en pratique avec le même zèle que vous ! Je puis d’ailleurs témoigner que vous avez toujours sollicité le concours de prêtres pour vous aider dans cette connaissance.
Gardez-vous, en tout cas, de les interpréter selon la règle proposée par le RP auteur de la brochure qui vous concerne. On ne peut mieux dire pour enlever toute autorité morale aux documents pontificaux. Ce n’est pas dans cet esprit que les papes demandent de nous soumettre à leur magistère ordinaire.
« Votre manière de concevoir le pouvoir de l’Église sur les choses temporelles et sur la société » : l à encore, les citations du RP sont bien mal choisies et ne correspondent pas à l’enseignement actuel de l’Église. Le pouvoir direct et indirect de l’Église tel que vos brochures l’ont développé est exactement celui qui est enseigné dans les universités romaines et dans les documents émanant du Saint-Siège.
En définitive, on se demande quel esprit anime les RR, PP. qui s’acharnent contre votre apostolat. Ce ne peut être l’Esprit de Vérité et de Charité.
Je dis apostolat, car c’en est un véritable de s’efforcer de bien connaître et de répandre la doctrine catholique concernant la Cité chrétienne, ses principes, sa structure, son fonctionnement en vue d’aboutir à la civilisation chrétienne.
Il est bien juste que les laïcs catholiques se préoccupent de l’avenir de leur famille et vivent dans la hantise de voir leurs enfants grandir dans un climat de matérialisme, de laïcisme, d’athéisme. Comment expliquer qu’à une époque où l’on souhaite que le laïcat prenne plus de responsabilité dans le domaine qui lui est propre, on s’efforce de le décourager et d’anéantir ses légitimes initiatives !
Tandis que cette ambiance ruine l’esprit surnaturel, l’esprit de prière, de renoncement, de générosité surnaturelle et partant l’éclosion des vocations sacerdotales et religieuses, on veut vous empêcher de rechristianiser la société. Votre activité est indispensable et ne fait que corroborer l’Action catholique. Les deux efforts sont complémentaires et ne s’opposent nullement, au contraire. Bien plus, nombreux sont les membres de votre association qui sont de valeureux animateurs de l’Action catholique.
Prenez courage. Beaucoup d’âmes pieuses et généreuses vous aiment et vous admirent. La conjuration de la presse n’est d’ailleurs pas unanime. C’est le grand mérite de La France catholique d’exprimer avec sérénité des jugements toujours éclairés par un admirable esprit de foi, un sens admirable de l’Église et une charité qui ne se dément pas. Ce journal n’a pas craint de dénoncer vos détracteurs. Tous les catholiques qui lisent ce journal en tirent un immense profil. Puisse-t-il demeurer toujours dans cet esprit.
Enfin, prions chers amis, car c’est la prière qui vous donnera les grâces nécessaires pour continuer votre magnifique tâche dans un esprit toujours plus profondément attaché et soumis à notre Sainte Mère et Maîtresse, l’Église catholique et romaine.
Puissent ces lignes vous apporter le témoignage et le réconfort de ma respectueuse et profonde sympathie
† Marcel Lefebvre
Source : L’Homme nouveau du 18 mars 1962