Notre Supérieur Général, lors du congrès de l’Angélus Press, a donné une conférence, le 12 octobre, pour évoquer la situation de l’Eglise et de la Fraternité. A cette occasion, il a rendu grâces à Dieu « de ce que nous avons été préservés de toute sorte d’accord l’an dernier. Et nous pouvons dire que l’un des fruits de la croisade [du rosaire] que nous avons faite, c’est que nous avons été préservés d’un tel malheur. Dieu merci. » De tout notre cœur, nous nous associons à cette action de grâces que Monseigneur Fellay a exprimée.
Il y a bien des motifs pour lesquels nous pouvons rendre grâces. Le plus apparent d’entre ces motifs – bien qu’il ne soit pas le plus important – est que nous serions aujourd’hui officiellement réintégrés dans l’Eglise gouvernée par un Souverain Pontife dont le progressisme semble désormais prêt à céder sur les dernières questions où Rome tenait encore à peu près jusqu’ici. Voilà un premier malheur qu’il est aisé de comprendre. La première manœuvre très coûteuse de l’obtention de la reconnaissance canonique eût dû être suivie par une seconde – pas moins coûteuse – qui eût été de s’en retirer aussitôt.
Nous demeurons donc dans la position qui nous permet de rappeler librement les vérités, religieuses en particulier, qui sont mises à mal, contestées, piétinées, par ce nouveau pape dont Monseigneur Fellay dit : « S’il continue dans la voie où il a commencé, il va diviser l’Eglise. Il a fait tout exploser. » Non pas que les prédécesseurs de ce pape ne se soient pas fourvoyés sur de mauvais sentiers, mais celui-ci s’y enfonce encore plus vite. En considérant l’actuel silence des sociétés Ecclesia Dei, dont beaucoup de membres sont sans doute choqués par les outrances et les excès de ce pape qui en arrive même à justifier le relativisme absolu, nous mesurons mieux l’avantage circonstanciel de notre propre situation. La différence entre eux et nous, c’est qu’ils seraient sommés très sévèrement de se taire par l’autorité de l’Eglise, qu’ils risqueraient de perdre leurs églises et leurs chapelles et qu’ils encourraient peut-être des sanctions s’ils disaient un mot. Ils se trouvent dans une complète dépendance de l’appareil conciliaire et il leur faudrait un courage peu commun pour s’en arracher. Nous les plaignons mais nous prions pour qu’ils aient ce courage. Nous devons tous avoir à l’esprit la pensée de saint Justin : « Pouvoir dire la vérité et se taire, c’est mériter la colère de Dieu. »
Par ailleurs, leur discours pour défendre à tout prix tout ce qui vient de Rome, du pape, les placent dans une situation terrible qui va forcément avoir de fortes conséquences. Leurs fidèles ont tellement été habitués à les entendre prendre la défense de tout ce que disaient les Souverains Pontifes qu’ils se trouvent dans une situation très dangereuse. S’ils « avalent » les dernières différentes considérations prononcées par le pape, que ce soit sur le bien et le mal, sur les homosexuels ou d’autres encore, ils sont perdus. Plus rien ne les arrêtera dans cette marche vers l’abîme enclenchée par le pape.
Mais si ces fidèles se rendent compte tout à coup de la perversité de ses paroles, alors qu’un discours infaillibiliste excessif leur a été tenu depuis tant d’années, ne risquent-ils pas une double nausée ? A celle qu’ils éprouveront devant les propos du pape, s’ajoutera l’impression d’avoir été floués par ceux qui leur ont affirmé que l’intégrité de la parole du pape s’était toujours maintenue et qu’elle se maintiendrait toujours.
Il nous faut, quant à nous, persévérer, persévérer sur notre ligne de crête. Nous laissons à l’Eglise le soin de se prononcer un jour sur la série de ces derniers papes qui lui ont causé de tels malheurs. Nous devons demeurer dans notre Société. Elle ne campe pas sur son irrégularité canonique apparente pour le plaisir mais pour pouvoir survivre et aider les âmes à survivre. C’est pourquoi elle conserve une distance raisonnable vis-à-vis d’un pape et d’un clergé massivement acquis à des idées destructrices de la Foi. Elle reste dans une position qui est la meilleure possible pour accomplir ce devoir ingrat mais nécessaire de dénoncer les erreurs et les fauteurs d’erreurs dans l’Eglise.
Notre avenir est sur cette ligne de crête qui n’a pas été quittée. Serrons les dents ; serrons-nous les coudes ou plutôt armons-nous des armes de la foi, de la sainte doctrine et de la piété pour faire rayonner la vérité autour de nous.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier, Supérieur du District de France de la FSSPX
Suresnes, novembre 2013
Source : La Porte Latine de novembre 2013