Le mystère de l’Enfant-Jésus

Et l’ange leur dit : « Je vous annonce une bonne nou­velle : un sau­veur vous est né, qui est le Christ, le Sauveur. »

Lc II, 9–10

Le mys­tère de Noël est mer­veilleux. Il faut vrai­ment avoir un cœur dur pour refu­ser son admi­ra­tion à un pauvre enfant cou­ché dans une humble étable. Mais la mer­veille vient sur­tout de tout ce que cache cet enfant.

Dieu fait homme

C’est un dogme de notre foi catho­lique. Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Celui qui nie­rait cette véri­té serait tout sim­ple­ment héré­tique et ne pour­rait avoir en héri­tage la vie éternelle.

« Je crois en Dieu le Père et en Jésus-​Christ son Fils unique » chantons-​nous tous les dimanches. La pro­fes­sion de foi du concile de Nicée en 325 est tout aus­si expli­cite : « Nous croyons… en notre seul Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, né du Père, unique engen­dré de la sub­stance du Père, Dieu de Dieu… » [1] Quelques années plus tard, le concile de Constantinople redi­ra le même dogme dans sa pro­fes­sion de foi. [2]

L’affirmation mérite d’être sou­li­gnée : le sujet est tou­jours Jésus, le Christ, cet homme qui était ain­si appe­lé par les apôtres et ses contemporains.

Qu’il soit vrai homme fait peut-​être moins de doute, mais n’en est pas moins de foi. Le concile d’Éphèse en 431 l’affirme très clai­re­ment : « Si quelqu’un ne confesse pas que le Verbe de Dieu… est un unique Christ, c’est-à-dire le même tout à la fois Dieu et homme, qu’il soit ana­thème. » [3]

Deux natures

Être à la fois Dieu et homme, cela signi­fie avoir deux natures. C’est une pre­mière dif­fi­cul­té qu’il faut expliquer.

Le recou­vre­ment de Jésus au Temple. Basilique du Rosaire, Lourdes.

Le mot nature a la même éty­mo­lo­gie que le verbe naître et son sub­stan­tif nais­sance. Savoir ce qu’est la nature d’une chose, c’est répondre à la ques­tion : qu’est-ce que c’est. Ainsi la nature dit la chose, la défi­nit dans son genre et lui assigne des capa­ci­tés d’agir qui lui sont propres. La nature, c’est donc ce qu’est une chose et ce par quoi elle agit.

Pour nous le pro­blème ne se pose pas : nous sommes des hommes, c’est là notre nature. Nous agis­sons alors en tant qu’­homme, ce qui nous donne cer­taines capa­ci­tés (pen­ser, juger, vou­loir, aimer…) mais nous limite aus­si à ce qui nous est propre (nous ne pou­vons pas voler comme un oiseau ni vivre dans l’eau comme un poisson).

La foi affirme clai­re­ment que Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Il a deux natures : la nature humaine et la nature divine. Par la nature humaine il est et fait ce que cha­cun d’entre nous est et fait : il nous est sem­blable, et c’est mer­veille divine !

Par la nature divine, il est vrai Dieu et ne perd rien de ce qu’il est de toute éter­ni­té. Il peut agir alors comme Dieu. Ainsi, les miracles que l’évangile nous rap­porte, il les fait de sa propre puis­sance (ce que ne fait pas un saint qui opère des miracles par une puis­sance qui n’est pas la sienne).

Sans mélange de natures

Vrai Dieu, vrai homme tel est le Christ. Les deux natures qui sont les siennes ne sont cepen­dant pas mélan­gées pour ne faire qu’une nature, un être qui appar­tien­drait à un genre indé­fi­ni, mi-​homme, mi-Dieu.

Les mytho­lo­gies de tout genre excellent à inven­ter ces êtres inter­mé­diaires qui ne sont pas tout à fait Dieu, mais qui ne sont pas tout à fait homme non plus. La kab­bale juive repren­dra ce concept avec la mul­ti­pli­ca­tion des éons dans son plérôme.

Il n’y a en Jésus-​Christ aucune confu­sion, aucun mélange. Les deux natures sub­sistent ensemble inté­gra­le­ment, sans se confondre. Union donc des natures sans confu­sion, c’est la doc­trine catho­lique qu’il faut croire.

Ce mys­tère, l’art le repré­sente à sa façon en revê­tant Notre Seigneur d’une robe rouge qui signi­fie son huma­ni­té (le sang). Un man­teau bleu qui signi­fie sa divi­ni­té (le ciel) est posé sur sa robe. Les deux habits sont dis­tincts dans l’art et les deux cou­leurs ne sont pas mélan­gées (ce qui don­ne­rait du violet).

Mais ces deux natures, quoique bien dis­tincts et sans mélanges, sont cepen­dant unies, d’une union que l’on appelle hypo­sta­tique. C’est ce qu’il faut main­te­nant expliquer.

L’union hypostatique

La simple jux­ta­po­si­tion des deux natures divine et humaine pour­rait pous­ser à la conclu­sion qu’il y a en Notre-​Seigneur deux êtres bien dis­tincts. Autre serait l’homme, autre serait le Dieu caché. Autre celui qui mange avec ses apôtres, autre celui qui res­sus­cite le fils de la veuve de Naïm. Mais cela est faux et condam­né comme hérétique.

Jésus-​Christ est un pour cette rai­son qu’il n’a qu’une per­sonne. Philosophiquement la per­sonne est le sup­port d’une nature rai­son­nable. C’est là une défi­ni­tion bien com­pli­quée. Pour dire les choses sim­ple­ment, la per­sonne est ce qui répond à la ques­tion « qui est-​ce qui ». C’est le prin­cipe d’action en cha­cun d’entre nous.

Tous les hommes par­ti­cipent à la même nature humaine. Un homme agit comme un homme, et ses actions sont dites humaines. Cela c’est de par notre nature. Mais chaque homme en par­ti­cu­lier a des actions qui lui sont propres et des­quelles il répond. Cela vient jus­te­ment de la dif­fé­rence des per­sonnes. Pierre, Paul, Jacques et Jean sont autant de per­sonnes dif­fé­rentes qui ont cepen­dant la même nature.

Jésus et aus­si une per­sonne dif­fé­rente de Pierre, Paul, Jacques et Jean. Mais le mys­tère vient pré­ci­sé­ment de ce que Jésus n’est pas une per­sonne humaine. C’est une per­sonne divine, la deuxième. Cette véri­té appar­tient au tré­sor de notre foi. Autrement dit, le Christ n’est pas n’importe qui ! Jésus n’est pas uni­que­ment un homme, cet homme de Nazareth. Jésus, c’est le Verbe de Dieu !

Ce que signi­fie alors le terme d’union hypo­sta­tique, c’est qu’en Notre-​Seigneur il n’y a qu’une seule per­sonne : c’est la per­sonne divine. Il n’y a pas de per­sonne humaine. Cette unique per­sonne divine, le Fils de Dieu, le Verbe éter­nel, assume les deux natures divine et humaine. Voilà donc pour­quoi et com­ment sont unies ces deux natures. Celui qui agit, c’est tou­jours Dieu le Fils. Que ce soit par sa nature humaine ou par sa nature divine, c’est tou­jours la même per­sonne, celle que les apôtres appe­laient Jésus.

Nous savons tous quelle réso­nance psy­cho­lo­gique l’usage de notre pré­nom engendre dans notre âme, que ce soit d’ailleurs un ami qui nous appelle ou un enne­mi qui nous insulte. Pour Jésus, cette réso­nance va beau­coup plus loin. Ce n’est pas uni­que­ment son huma­ni­té qui et tou­chée lorsqu’il est per­son­nel­le­ment nom­mé ou visé. C’est aus­si sa divi­ni­té. Quand la Vierge Marie ou le doux saint Joseph appe­lait Jésus par son nom, c’est l’homme-Dieu qu’ils appelaient.

Quel pro­fond mys­tère ! Cette mer­veille divine nous laisse entre­voir la grâce immense des apôtres qui ont vécu dans l’intimité de ce Jésus-Dieu.

Ce pro­fond mys­tère, c’est le mys­tère de Noël. Mais c’est aus­si le mys­tère de notre vie inté­rieure et de notre sain­te­té. Tout passe par Jésus qui se laisse for­cé­ment tou­cher lorsque nous l’appelons par son nom.

« Jésus, Fils de Dieu aie pitié de nous ! »

Source : Le Chardonnet n° 372

Notes de bas de page
  1. Dz 125[]
  2. Dz 150[]
  3. Dz 253[]