Où sont les reliques de la crèche ?

La sainte Crèche à Rome, Sainte-Marie Majeure

Le pèle­rin qui se rend aujourd’hui à Bethléem des­cend pieu­se­ment dans la grotte de la Nativité, sous la basi­lique. Il s’agenouille alors devant l’étoile d’argent signa­lant le lieu de la nais­sance du Christ, mais cherche en vain la man­geoire dans laquelle est né le Sauveur. Celle-​ci aurait-​elle dis­pa­ru ? Où se trouve-t-elle ?

Le ber­ceau dans lequel le Fils de Dieu a com­men­cé sa vie ici-​bas est loin d’être un objet quel­conque : à trois reprises, l’évangéliste saint Luc en fait mention.

Le pre­mier pas­sage se rap­porte à l’arrivée de la sainte Famille à Bethléem : « Or, pen­dant qu’ils étaient là, le temps où [Marie] devait enfan­ter s’accomplit, et elle mit au monde son fils premier-​né, l’emmaillota et le cou­cha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hô­tel­le­rie. »[1]

Dans le deuxième pas­sage, les anges annoncent aux ber­gers la venue du Sauveur et leur indiquent com­ment le recon­naître : « Et voi­ci ce qui vous en sera le signe : vous trou­ve­rez un nouveau-​né emmaillo­té et cou­ché dans une crèche. »[2]

Enfin, le troi­sième pas­sage relate l’obéissance de ces pieux ber­gers qui trouvent effec­ti­ve­ment les choses comme les anges les avaient décrites : « Ils s’y ren­dirent en toute hâte, et trou­vèrent Marie, Joseph et le nouveau-​né cou­ché dans la crèche. »[3] Pourquoi une telle insis­tance ? C’est que le ber­ceau du Christ est en lui-​même une véri­table pré­di­ca­tion. Aussi, il n’est pas éton­nant que la sainte grotte et sa crèche soient deve­nues très rapi­de­ment l’objet de la véné­ra­tion des pre­miers chré­tiens. Et com­ment ceux-​ci auraient-​ils délais­sé la man­geoire dans laquelle le prince des pas­teurs est né comme un agneau [4] ?

La grotte de Bethléem fut donc rapi­de­ment un lieu de pèle­ri­nage très fréquenté.

La Grotte de Bethléem

Cette affluence de pèle­rins est éton­nam­ment confirmée…par les per­sé­cu­teurs eux-​mêmes ! En effet, vers l’an 138 l’empereur Hadrien, vou­lant faire dis­pa­raître le sou­ve­nir de la nais­sance du Christ, le souilla par le culte des faux dieux : il consa­cra au dieu Adonis la grotte de Bethléem et les lieux envi­ron­nants, pen­dant qu’il fai­sait éle­ver un temple à Vénus sur le Calvaire pour les mêmes rai­sons. Sans le savoir, il ren­dait ain­si un fameux ser­vice aux chré­tiens du IVe siècle, en situant très pré­ci­sé­ment ces lieux. Après la vic­toire de Constantin sur Maxence en 312, l’é­dit de Milan don­na à la vraie reli­gion la liber­té à laquelle elle a droit. La mère de l’empereur, sainte Hélène, vint alors en pèle­ri­nage en Terre Sainte. Elle fit tout d’abord repé­rer les Lieux Saints, ce qui était facile étant don­né ce qui pré­cède, puis ordon­na la construc­tion de basi­liques somp­tueuses à Jérusalem, à Nazareth et à Bethléem ; c’est cette der­nière qui résis­te­ra le mieux aux inva­sions musul­manes et à l’usure du temps. Quant à la crèche elle-​même, sainte Hélène en fit recou­vrir le bois de lames d’argent et, pour une fois, n’emporta pas le tout à Rome… La relique res­ta donc sur place.

A la fin du IVe siècle, saint Jérôme condui­sait à Bethléem deux saintes voya­geuses, Paule et Eustochium, et l’une d’elles s’écriait alors :
- Quoi ! Toute misé­rable et péche­resse que je sois, j’ai été jugée digne de bai­ser la crèche où mon Sauveur a pous­sé son pre­mier cri !
Saint Jérôme s’établit alors à Bethléem jusqu’à sa mort, un peu comme le gar­dien du sacré ber­ceau.
C’est sous le pon­ti­fi­cat de Théodore Ier (642 – 649) que la crèche fut trans­por­tée à Rome [5], et trou­va sa place dans la basi­lique Sainte-​Marie Majeure, appe­lée aus­si pour cette rai­son Sancta Maria ad Præsepe [6]. Pourquoi cette trans­la­tion de la Palestine à Rome ? Tout sim­ple­ment parce que les dis­ciples de Mahomet avaient com­men­cé à enva­hir le pays du Christ, et qu’il était pru­dent de mettre à l’abri la pré­cieuse man­geoire.
En 1606, la crèche fut pla­cée dans un reli­quaire en ver­meil don­né par la reine d’Espagne, Marguerite d’Autriche, épouse de Philippe III. Ce reli­quaire fut rem­pla­cé au début du XIXe siècle par la splen­dide chasse de cris­tal et d’argent que l’on peut contem­pler aujourd’hui, exé­cu­tée sur les des­sins de Giuseppe Valadier (1762 – 1839) et offerte par la Duchesse de Villa Hermosa.

La sainte Crèche à Rome, Sainte-​Marie Majeure

Aujourd’hui, on vénère le saint ber­ceau en des­cen­dant dans la confes­sion sous le maître-​autel de la basi­lique. On ne s’aperçoit pas qu’un petit frag­ment de bois a été sous­trait en novembre 2019, « res­ti­tué » à Bethléem à la demande de Mahmoud Abbas…
La crèche que l’on peut voir aujourd’hui n’a pas conser­vé sa forme pri­mi­tive. Les cinq petites planches qui en for­maient la paroi ont été réunies. Elles sont minces et d’un bois noir­ci par le temps. Les plus longues font envi­ron 70 cm sur 10 cm.
Elles sont insi­gni­fiantes aux yeux du monde, mais leur vraie gran­deur vient de l’Enfant-Dieu qu’elles ont por­té. Aussi, c’est tou­jours avec beau­coup d’é­mo­tion que le pèle­rin s’agenouille devant ce pré­cieux témoi­gnage de l’amour du Sauveur pour nous.

« Il a choi­si tout ce qu’il y avait de pauvre et de vil, tout ce qu’il y avait de modeste et d’obscur, pour faire recon­naître que sa divi­ni­té avait trans­for­mé le monde. C’est pour­quoi il a choi­si une mère pauvre, et une patrie plus pauvre encore. Voilà ce que la crèche te fait com­prendre. »[7]

Source : Le Chardonnet n° 372

Notes de bas de page
  1. Luc 2, 6[]
  2. Luc 2, 12[]
  3. Luc 2, 16[]
  4. Saint Grégoire[]
  5. Liber Pontificalis, t. 1, p. 333[]
  6. Sainte-​Marie à la Crèche[]
  7. Sermon du Concile d’Éphèse, cité par saint Thomas in Summa theo­lo­gi­ca IIIa q. 40 a. 3 corp.[]