Mes bien chers frères,
Au cours de ces dernières journées de la Semaine Sainte nous avons vécu des heures inoubliables, en essayant de participer aux sentiments que Notre Seigneur Jésus-Christ avait Lui-même au cours des dernières journées de sa vie.
Le Jeudi Saint, c’était les douleurs que Notre Seigneur éprouvait par la trahison de l’un de ses apôtres : Judas. Et bientôt dans la soirée, par l’abandon de ses apôtres eux-mêmes que pourtant Il venait de faire prêtres, prêtres pour l’éternité, pour lesquels Il avait offert le premier Sacrifice, au cours de la Cène.
Ses apôtres l’abandonnent. Nouvel abandon, nouvelles douleurs pour Notre Seigneur Jésus-Christ. Le lendemain, au cours de la journée du Vendredi Saint, la mort de Notre Seigneur ; c’est le déchirement du cœur de Jésus de voir que son peuple bien- aimé, le peuple d’Israël, qu’il a choisi pour naître ici-bas ; qu’il a choisi pour accomplir son œuvre de Rédemption, le crucifie, le renie, le rejette.
Nouveau déchirement pour Notre Seigneur. Et enfin, comme si Notre Seigneur Lui-même voulait avant de mourir, pouvoir dire qu’il a tout donné à son Père, qu’il n’a rien gardé pour Lui, Notre Seigneur voyant sa mère au pied de la Croix, la remet entre les mains de saint Jean. Notre Seigneur peut vraiment dire qu’il a tout donné, que tout est consommé. Il n’a plus rien, rien ici-bas, mais tout au Ciel.
Au moment même où les portes de l’enfer qui ont réussi à Le flageller, qui ont réussi à réduire son Corps, semblable à celui d’un lépreux, qui ont réussi à Le faire mourir, c’est le moment de la victoire de Notre Seigneur.
De même lorsque le Pharaon croyant pouvoir ramener les juifs en Égypte pour les réduire à nouveau en esclavage. Dieu engloutit dans les eaux de la Mer rouge les armées du Pharaon dont il se glorifiait. Ainsi les gardes qui étaient auprès du tombeau de Notre Seigneur ont été terrassés. Et Notre Seigneur, malgré les armes dont se glorifient les princes de ce monde, a triomphé et Il est maintenant comme Il est toujours, ce que ce matin, dans la nuit, nous disions de Notre Seigneur : Christus heri, hodie et in sæculo : « Le Christ hier, aujourd’hui et dans tous les siècles ». Principium et Finis : « Il est le commencement et la fin ». Alpha et Oméga. « Il est l’alpha et l’oméga. » À Lui, sont tous les temps. Ipsius sunt tempora et sæcula (bénédiction du cierge pascal). Le temps et l’éternité lui appartiennent. Ipsi gloria et imperiumm per universa æternitatis sæcula (op. cit.).
À Lui sont la gloire et le commandement : imperium. Maintenant et dans tous les siècles. Voilà ce qu’est Notre Seigneur.
Ainsi Notre Seigneur a fait Lui aussi son transitas, sa Pâque, son passage de ce monde d’ici-bas dans lequel les puissances des ténèbres ont essayé de l’écraser, ont essayé de l’empêcher d’accomplir son œuvre. À travers toutes ces difficultés. Notre Seigneur est monté au Ciel glorieux, triomphant, comme les Hébreux ont triomphé aussi du pharaon, faible image de la Pâque de Notre Seigneur, de ce passage à l’éternité, de ce passage à son Père.
C’est là un exemple pour nous. Nous devons, si nous voulons participer à la gloire de Notre Seigneur ; si nous voulons participer à sa Résurrection, participer à sa Rédemption, nous devons Le suivre. Il l’a dit :
Exemplum dedi vobis, ut quemadmodum ego fecit vobis, ita et vos faciatis (Jn 13,15) : « Je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes ». Il nous a dit : suivez-moi, suivez mon exemple, suivez-moi en portant votre croix et alors, vous participerez aussi à ma gloire. Voilà ce que Notre Seigneur nous dit aujourd’hui à chacun d’entre nous.
Et m’adressant particulièrement à ces chères postulantes qui, dans quelques instants, vont revêtir l’habit religieux, je voudrais, d’une certaine manière, leur dire comment concrétiser cet appel de Notre Seigneur Jésus-Christ à Le suivre. Oh, certes, cela peut servir pour nous tous. Nous avons besoin toujours de l’exemple de Notre Seigneur dans toutes les conditions dans lesquelles nous sommes. Tous les fidèles, tous ceux qui sont chrétiens, qui s’honorent de ce nom de chrétien, qui sont donc les disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ, doivent Le suivre. Et il me semble que l’on peut concrétiser d’une manière plus effective, d’une manière plus évidente, cette suite de Notre Seigneur Jésus-Christ en relisant les Béatitudes.
De même que Notre Seigneur est né pauvre, Il a voulu mourir pauvre. On lui a tout enlevé, jusqu’à déchirer son propre Corps, jusqu’à faire couler tout son Sang. On lui a tout enlevé. Il est mort pauvre, comme Il est né pauvre. Beati pauperes spiritu quoniam ipsorum est regnum cœlorum (Mt 5,3).
Bienheureux les pauvres en esprit, parce qu’à eux appartiendra le royaume des Cieux.
Voilà ce que Notre Seigneur nous enseigne.
Mais qu’est donc cette pauvreté ? Peut-être trop facilement nous le comprenons comme une pauvreté matérielle. C’est bien plus que cela ! C’est beaucoup plus beau que cela, beaucoup plus grand que cela cette pauvreté dont nous parle Notre Seigneur.
La pauvreté c’est en trois mots : la docilité, la disponibilité et le détachement.
Dans notre esprit et dans notre intelligence, être pauvre c’est nous remplir de la Vérité pour que nous soyons remplis de la Vérité qu’est Notre Seigneur Jésus-Christ. Car, désormais, nous n’avons plus rien d’autre ici-bas que Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous n’avons plus d’autre Dieu ; nous n’avons plus d’autre voie ; nous n’avons plus d’autre vérité ; nous n’avons plus d’autre secours ; nous n’avons plus d’autre soutien, d’autre salut, que Notre Seigneur Jésus-Christ.
Il est donc tout pour nous. Tout pour nos intelligences aussi. Alors, il faut vider nos intelligences de nous-mêmes. Dans la mesure où nous sommes attachés à nos propres idées, alors nous ne sommes pas avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans cette mesure aussi, nous n’avons pas Notre Seigneur JésusChrist en nous. Il faut ouvrir nos âmes, nos esprits à Notre Seigneur Jésus-Christ, à la Vérité. Et à cette Vérité, précisément, que Notre Seigneur Jésus-Christ est notre Roi ; que Notre Seigneur Jésus-Christ est Dieu ; que Notre Seigneur Jésus-Christ est. Lui, la seule source de notre salut.
Et c’est pourquoi nous sommes angoissés aujourd’hui. Nous sommes anxieux et c’est pourquoi nous faisons tant de réserves à tout ce qui se dit, à tout ce qui se fait aujourd’hui, à tous ceux qui voudraient nous arracher la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. On voudrait nous la diminuer ; on voudrait diminuer le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme je l’ai entendu dire de la bouche d’un prélat très élevé, que le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ n’était plus possible ; qu’il ne fallait plus y penser. Est-ce possible ? Est-ce possible ?
Pour nous, nous croyons au règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est Roi. Il doit être Roi. Et quand bien même tous les États seraient laïcisés ; quand bien même toutes les Sociétés seraient maçonniques ; quand bien même toutes les Sociétés se lèveraient contre Notre Seigneur Jésus-Christ, comme le disaient d’ailleurs nos prières, au cours de la Semaine Sainte :
Astiterunt reges terræ et principibus convenerunt in unm adversus Dominum, et adversus Christum ejus (Ac 4,26) : « Les rois se sont levés contre Notre Seigneur Jésus-Christ, les puissances de ce monde se sont levées contre Notre Seigneur Jésus-Christ », est-ce que nous serons d’accord avec cela ? Non ! Nous croyons au royaume de Notre Seigneur Jésus-Christ ; nous le voulons pour nous personnellement ; nous le voulons pour nos familles ; nous le voulons pour nos cités.
Notre Seigneur a le droit de régner sur nous. Il régnera dans l’éternité, mais Il doit régner ici-bas aussi. Ne prononçons-nous pas tous les jours : Pour que votre règne arrive ? Ne prononçons-nous pas tous les jours : Pour que votre volonté, Ô Notre Seigneur Jésus-Christ, soit faite ici-bas comme au Ciel ?
Alors si la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ doit être aussi belle, aussi grande ici-bas qu’au Ciel, que pouvons-nous désirer davantage ? Voilà quel est notre programme, le programme que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a donné. Voilà quelle est notre Vérité et nous ne voulons pas que l’on nous l’enlève ; nous ne voulons pas que l’on nous la diminue. Nous y tenons jusqu’au plus profond de notre âme. Nous sommes prêts à donner notre sang pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, comme l’ont fait tous les martyrs, tous les saints.
Docilité à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Disponibilité, disponibilité de notre volonté à celle de Notre Seigneur Jésus-Christ. Disponible. Que voulez-vous que je fasse, comme le dit saint Paul, terrassé par la puissance de Notre Seigneur Jésus-Christ : « Que voulez-vous que je fasse, ô Seigneur ? » « Que votre volonté soit faite » : Fiat voluntas tua.
Voilà ce que nous devons toujours avoir dans nos cœurs et dans nos volontés. La volonté de Dieu, qu’elle soit faite, la volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Être disponible, par conséquent ne rien opposer à la volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ et ne jamais s’opposer à sa sainte Volonté. C’est la perfection. Nous devrions rechercher cette perfection et chercher en nous tout ce qui peut être un obstacle à l’accomplissement de la sainte Volonté de Dieu et de Notre Seigneur en nous. Disponibilité.
Enfin, dans les choses matérielles : détachement, suivant les conditions dans lesquelles nous vivons. User des biens de ce monde, suivant notre condition.
Et pour vous, mes bien chères postulantes, qui allez devenir bientôt aux yeux du monde, des religieuses par l’habit que vous porterez, soyez complètement détachées, complètement détachées des biens de ce monde, de tous les biens de ce monde. N’ayez plus d’autres pensées, dans vos intelligences, dans vos cœurs, dans vos âmes, que celle de Notre Seigneur Jésus-Christ. Qu’il soit votre amour ; qu’il soit votre préoccupation ; qu’il soit votre souci ; qu’il soit Celui auquel vous pensez nuit et jour. Suivez-Le !
Dans quelques instants, vous allez faire aussi votre transitas, vous allez faire aussi votre passage, votre passage apparemment de ce monde, à la vie religieuse. Par le fait même, vous monterez de vos places jusqu’à l’autel. Vous ferez ce passage. Vous quitterez le monde ; vous quitterez vos familles ; vous quitterez tout ce à quoi vos avez été attachée plus ou moins indûment jusqu’à présent, pour vous attacher uniquement à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Voilà ce que nous apprend la fête de Pâques, mes bien chers frères. La pauvreté. Beati pauperes.
Telle est la pauvreté. Pauvreté de nos intelligences qui se traduit par la docilité ; pauvreté dans la volonté qui se traduit par la disponibilité, pauvreté dans le détachement des biens de ce monde.
Quæ sursum sunt guærite, ubi Christus est in dextera Dei sedens : quæ sursum sunt sapite, non quæ super terram (Col 3,1–2). Cherchez les choses d’en haut. Ne cherchez pas les choses de la terre. Voilà ce que nous chantons aujourd’hui même à l’occasion du triomphe de Notre Seigneur Jésus-Christ sur tous les éléments de ce monde.
Bien chères postulantes, vous demanderez à la très Sainte Vierge Marie, de vous aider à comprendre ces choses, de prendre une résolution ferme aujourd’hui de vous attacher à Notre Seigneur Jésus-Christ, d’être vraiment les épouses de Notre Seigneur Jésus-Christ. Que plus rien dans votre cœur ne puisse s’opposer à ce que Notre Seigneur veut de vous. Et alors vous serez de véritables religieuses.
Car ne croyez pas que la vie religieuse est une vie sans croix. Puisque Notre Seigneur a voulu que tout le monde porte sa croix. Il est bien normal que tous ceux qui sont plus près de Lui, en portent davantage. C’est normal. Vous aurez vos croix à porter ; vous les porterez courageusement.
Et aussi, vous serez un exemple pour le monde. Pour ce monde qui ne sait plus ce qu’est la Vérité ; qui ne sait plus ce que c’est que de faire la volonté de Dieu ; qui ne sait plus ce que c’est que le détachement des biens de ce monde, qui est en train de se perdre et de se livrer aux puissances de l’enfer.
Alors vous serez un exemple et une prédication continuelle par votre attitude, par votre comportement, par vos prières.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.