Pourquoi la PMA est-​elle immorale ?

Le Figaro du 7 juin nous informe que la mesure phare du texte de loi bioé­thique, la PMA[1] « pour toutes », devrait être adop­tée au mois de juillet. Violation de la loi natu­relle, une telle mesure est mani­fes­te­ment immorale.

Objections

Une pre­mière série d’objections tend à mon­trer que la PMA est per­mise moralement.

  • Objection 1 : Tout ce qui est arti­fi­ciel n’est pas néces­sai­re­ment immo­ral. C’est pré­ci­sé­ment le rôle de la méde­cine de rem­pla­cer arti­fi­ciel­le­ment ce qui dans la nature est défaillant. Par exemple, une pro­thèse rem­place un organe malade ou absent ; la dia­lyse tra­vaille à la place d’un organe défi­cient. Autre exemple, par la nutri­tion paren­té­rale, le mélange nutri­tif est direc­te­ment intro­duit dans la cir­cu­la­tion san­guine du malade, via une per­fu­sion intra­vei­neuse, court-​circuitant le sys­tème diges­tif. C’est arti­fi­ciel­le­ment que l’individu est conser­vé dans l’existence. Et tous les mora­listes admettent que ces pro­cé­dés sont légi­times. De même pour la PMA.
  • Objection 2 : Tout ce qui est contre-​nature n’est pas néces­sai­re­ment immo­ral. Par exemple, les mains ne sont pas faites pour mar­cher. Si quelqu’un marche sur les mains, il fait donc quelque chose de contre-​nature. Et pour­tant nul mora­liste n’oserait qua­li­fier un tel com­por­te­ment d’immoral. De même pour la PMA.
  • Objection 3 : La PMA est per­mise mora­le­ment dans le règne ani­mal. Suivant les mêmes prin­cipes, elle est per­mise mora­le­ment chez les humains.
  • Objection 4 : Il relève de la voca­tion du méde­cin de soi­gner les patho­lo­gies. Or l’infertilité de l’homme ou de la femme est une patho­lo­gie. La PMA, remède à l’infertilité, entre donc par­fai­te­ment dans la voca­tion du méde­cin. Or la voca­tion médi­cale est louable et belle.
  • Objection 5 : Beaucoup de couples sté­riles souffrent ter­ri­ble­ment de cette sté­ri­li­té. La PMA met­tra fin à cette situa­tion de détresse en pro­cu­rant aux époux une immense joie. Le méde­cin qui la pra­tique est ani­mé d’une inten­tion louable et géné­reuse. Quant aux époux sté­riles, ils dési­rent sou­vent la PMA dans un esprit de cha­ri­té, afin de se dévouer pour leur enfant et le conduire au ciel. Comment qua­li­fier d’immoral ce qui pro­cède d’une inten­tion si pure et désintéressée ?
  • Objection 6 : Les époux se marient pour avoir des enfants. L’enfant est la fin pre­mière du mariage. Les époux ont donc droit à l’enfant. S’ils en sont pri­vés, c’est une injus­tice. La PMA, en met­tant fin à cette injus­tice, est donc une œuvre juste.
  • Objection 7 : On com­prend bien que la contra­cep­tion soit immo­rale, dans la mesure où elle empêche que l’acte conju­gal atteigne sa fin. Mais la PMA, au contraire, per­met à cette fin d’être obte­nue. Elle est donc légitime.
  • Objection 8 : Il arrive que la sté­ri­li­té de cer­tains couples soit incu­rable. Que faire alors pour que ces couples aient un enfant ? Si l’Eglise inter­dit la PMA, tout en rap­pe­lant que la fin pre­mière du mariage est la pro­créa­tion, elle se trouve dans une impasse. Pastoralement, elle n’a rien à pro­po­ser de satis­fai­sant à ces époux qui dési­rent de tout leur cœur et légi­ti­me­ment une des­cen­dance. Cette voie sans issue est absurde.

Une seconde série d’objections tend à mon­trer que la PMA est immo­rale, mais les argu­ments invo­qués ne sont pas satis­fai­sants, car ils prouvent non pas l’immoralité de la PMA en tant que telle mais l’immoralité de ce qui l’accompagne.

  • Objection 9 : La PMA n’est immo­rale qu’en rai­son du péché d’impureté soli­taire du mari exi­gé pour obte­nir les gamètes mâles.
  • Objection 10 : La PMA n’est immo­rale que parce que les gamètes mâles sont four­nis par un homme qui n’est pas marié devant Dieu avec la femme qui a four­ni l’ovule. Ce pro­cé­dé contient donc la malice de l’adultère.
  • Objection 11 : La Congrégation pour la Doctrine de la Foi écrit le 8 sep­tembre 2008 : « La fécon­da­tion in vitro implique l’élimination volon­tai­re­ment accep­tée d’un nombre consé­quent d’embryons. Certains pen­saient que cela était dû à une tech­nique encore impar­faite. L’expérience a mon­tré, au contraire, que toutes les tech­niques de fécon­da­tion in vitro se déroulent en réa­li­té comme si l’embryon humain était un simple amas de cel­lules qui sont uti­li­sées, sélec­tion­nées ou écar­tées. Certes, envi­ron le tiers des femmes qui ont recours à la pro­créa­tion arti­fi­cielle par­viennent à avoir un enfant. Cependant, compte tenu du rap­port entre le nombre total d’embryons pro­duits et ceux effec­ti­ve­ment nés, le nombre d’embryons sacri­fiés reste très éle­vé »[2]. Et le docu­ment ajoute en note : « Actuellement, même dans les plus grands centres de fécon­da­tion arti­fi­cielle, le nombre d’embryons sacri­fiés pour­rait être au-​dessus de 80% ». Voilà la malice de la PMA.
  • Objection 12 : La PMA est immo­rale parce qu’elle est une tech­nique éprou­vante pour le couple, phy­si­que­ment et mora­le­ment. Les parents peuvent avoir l’impression d’être les sujets d’expérimentations scien­ti­fiques. Les trai­te­ments hor­mo­naux sont lourds et l’invasion de la tech­nique et de la méde­cine dans leur vie de couple est intru­sive. Par ailleurs, la PMA com­porte de nom­breuses étapes tech­niques qui peuvent brouiller le rôle propre de chaque membre du couple. La pater­ni­té est par­ti­cu­liè­re­ment mise à mal : le rôle du méde­cin semble presque plus impor­tant que celui du père. Enfin, la PMA peut deve­nir un achar­ne­ment pro­créa­tif et les échecs suc­ces­sifs sou­vent nom­breux altèrent l’unité du couple.
  • Objection 13 : Par la PMA, la fécon­da­tion est obte­nue dans un labo­ra­toire, en dehors du corps des époux, ce qui est contre-​nature. En revanche, par l’insémination arti­fi­cielle, la fécon­da­tion se déroule dans son lieu natu­rel, à savoir le corps de l’épouse. L’insémination arti­fi­cielle est donc per­mise mora­le­ment, contrai­re­ment à la PMA.
  • Objection 14 : La PMA est immo­rale parce qu’elle consti­tue une injus­tice à l’égard de l’enfant ain­si conçu. En effet, ce pro­cé­dé « lèse le droit de toute per­sonne à être conçue et à naître dans le mariage et du mariage »[3].
  • Objection 15 : La PMA entraîne un doute sur les ori­gines bio­lo­giques de l’enfant. Or saint Thomas écrit : « Il est natu­rel aux hommes de recher­cher la cer­ti­tude au sujet de leur pater­ni­té ; ain­si l’exige ce fait que l’en­fant a besoin d’une direc­tion pro­lon­gée de la part de son père. Donc tout ce qui fait obs­tacle à cette cer­ti­tude est contraire à l’ins­tinct natu­rel de l’es­pèce humaine »[4].
  • Objection 16 : La PMA est immo­rale parce qu’elle est contraire à la digni­té de la per­sonne humaine, tant des époux qui donnent leurs gamètes que de l’enfant ain­si conçu.

Argument d’autorité

La ques­tion sui­vante a été posée au S. Siège : « Une fécon­da­tion arti­fi­cielle de la femme peut-​elle être mise en œuvre ? ». Le Saint-​Office répon­dit le 17 mars 1897 : « Ce n’est pas per­mis ».[5]

Pie XII s’est expri­mé clai­re­ment : « Seule la pro­créa­tion d’une nou­velle vie selon la volon­té et le plan du Créateur porte avec elle, à un degré éton­nant de per­fec­tion, la réa­li­sa­tion des buts pour­sui­vis. Elle est à la fois conforme à la nature cor­po­relle et spi­ri­tuelle et à la digni­té des époux, au déve­lop­pe­ment nor­mal et heu­reux de l’enfant »[6]. Le pape pré­ci­se­ra ensuite : « Restreindre la coha­bi­ta­tion des époux et l’acte conju­gal à une pure fonc­tion orga­nique pour la trans­mis­sion des germes serait comme conver­tir le foyer domes­tique, sanc­tuaire de la famille, en un simple labo­ra­toire bio­lo­gique. Aussi, dans Notre allo­cu­tion du 29 sep­tembre 1949, Nous avons for­mel­le­ment exclu du mariage la fécon­da­tion arti­fi­cielle. L’acte conju­gal, dans sa struc­ture natu­relle, est une action per­son­nelle, une coopé­ra­tion simul­ta­née et immé­diate des époux, laquelle, du fait de la nature des agents et de la pro­prié­té de leur acte, est l’expression du don réci­proque, qui, selon la parole de l’Ecriture, réa­lise l’union “en une seule chair”. Il y a là beau­coup plus que l’union de deux germes, qui peut s’effectuer arti­fi­ciel­le­ment, c’est-à-dire sans l’intervention natu­relle des deux époux »[7].

En 1956, le pape est plus expli­cite : « l’Eglise a écar­té aus­si l’attitude oppo­sée qui pré­ten­drait sépa­rer, dans la géné­ra­tion, l’activité bio­lo­gique de la rela­tion per­son­nelle des conjoints. L’enfant est le fruit de l’union conju­gale, lorsqu’elle s’exprime en plé­ni­tude, par la mise en œuvre des fonc­tions orga­niques, des émo­tions sen­sibles qui y sont liées, de l’amour spi­ri­tuel et dés­in­té­res­sé qui l’anime ; c’est dans l’unité de cet acte humain que doivent être posées les condi­tions bio­lo­giques de la géné­ra­tion. Jamais il n’est per­mis de sépa­rer ces divers aspects au point d’exclure posi­ti­ve­ment soit l’intention pro­créa­trice, soit le rap­port conju­gal. La rela­tion qui unit le père et la mère à leur enfant, prend racine dans le fait orga­nique et plus encore dans la démarche déli­bé­rée des époux, qui se livrent l’un à l’autre et dont la volon­té de se don­ner s’épanouit et trouve son abou­tis­se­ment véri­table dans l’être qu’ils mettent au monde. Seule d’ailleurs cette consé­cra­tion de soi, géné­reuse dans son prin­cipe et ardue dans sa réa­li­sa­tion, par l’acceptation consciente des res­pon­sa­bi­li­tés qu’elle com­porte, peut garan­tir que l’œuvre d’éducation des enfants sera pour­sui­vie avec tout le soin, le cou­rage et la patience qu’elle exige. On peut donc affir­mer que la fécon­di­té humaine, au-​delà du plan phy­sique, revêt des aspects moraux essen­tiels, qu’il faut néces­sai­re­ment consi­dé­rer, même lorsqu’on traite le sujet du point de vue médi­cal. (…) Le moyen, par lequel on tend à la pro­duc­tion d’une nou­velle vie, prend une signi­fi­ca­tion humaine essen­tielle, insé­pa­rable de la fin que l’on pour­suit et sus­cep­tible, s’il n’est pas conforme à la réa­li­té des choses et aux lois ins­crites dans la nature des êtres, de cau­ser un dom­mage grave à cette fin même »[8].

Réponse à la question

Comme l’a rap­pe­lé Pie XII, « Dieu a fixé, pres­crit et limi­té l’usage de chaque organe ; il ne peut donc per­mettre à l’homme de régler la vie et les fonc­tions de ses organes sui­vant son bon plai­sir, d’une façon contraire aux buts internes et constants qui leur ont été assi­gnés. L’homme, d’autre part, n’est pas le pro­prié­taire, le maître abso­lu de son corps, il en est seule­ment l’usufruitier »[9]. Appliquons ce prin­cipe à la repro­duc­tion. L’auteur de la nature a fixé la manière dont l’homme peut uti­li­ser, pour le bien de l’espèce, l’appareil sexuel, si bien que l’homme n’a pas le droit de choi­sir le mode de trans­mis­sion de la vie. Cela se voit par une ana­lyse tant phy­sique que psy­cho­lo­gique de l’être humain. 

Sur le plan ana­to­mique, il est clair que l’organe mas­cu­lin est fait pour pro­duire, sécré­ter et intro­duire la semence dans l’organe récep­tif fémi­nin. Or, par la fécon­da­tion arti­fi­cielle, la semence mas­cu­line est intro­duite d’une façon qui n’est pas pré­vue par la nature. 

Sur le plan psy­cho­lo­gique, on constate une puis­sante incli­na­tion de l’homme vers la femme et de la femme vers l’homme. On constate aus­si que cet attrait réci­proque a besoin, pour être satis­fait et se tra­duire en termes appro­priés, de l’activité typi­que­ment sexuelle, qui unit les cel­lules repro­duc­trices. La nature veut donc que ces cel­lules se ren­contrent pen­dant un acte qui unit les époux non seule­ment phy­si­que­ment, mais aus­si psy­cho­lo­gi­que­ment, à tra­vers des sen­ti­ments qui tra­duisent l’amour, le don de soi et la confiance mutuelle. La fécon­da­tion arti­fi­cielle, en sépa­rant ces nobles émo­tions de la ren­contre des gamètes, sépare ce que la nature veut unir. Cette exi­gence de la nature n’est ni vaine ni arbi­traire. Elle a pour fina­li­té le bien de l’enfant. En effet, pour que l’enfant soit bien édu­qué, il ne doit pas être le fruit d’une union pure­ment bio­lo­gique des gamètes dans un labo­ra­toire. Il doit sur­tout être le fruit de l’amour mutuel de ses parents, de leur union intime et indis­so­luble, de leur volon­té de se sou­te­nir mutuel­le­ment. Or, ces dis­po­si­tions des parents sont à la fois la cause et l’effet de l’acte dans lequel, d’une façon irrem­pla­çable, s’expriment dans leur plé­ni­tude l’amour mutuel et l’union intime des époux. C’est pour­quoi la nature veut que l’enfant soit le fruit immé­diat de cet acte. 

Certes, des excep­tions existent. Des époux peuvent user du mariage sans s’aimer ; d’autres peuvent n’en pas user tout en s’aimant beau­coup. Mais, comme l’explique saint Thomas : « La rec­ti­tude natu­relle dans les actes humains n’est pas fonc­tion de ce qui arrive per acci­dens [c’est-à-dire : en tel ou tel indi­vi­du] mais de ce qui accom­pagne l’espèce entière »[10]. L’analyse de l’appareil sexuel psy­cho­so­ma­tique et de sa fin qui est l’enfant, nous force donc à dire que le droit d’usage de l’homme sur l’organisme sexuel, et en par­ti­cu­lier sur les cel­lules géné­ra­tives, est limi­té à l’accomplissement de l’acte conju­gal natu­rel. Par la fécon­da­tion arti­fi­cielle, l’homme usurpe un pou­voir réser­vé à l’auteur de la nature[11].

Réponses aux objections

  • Réponse à l’objection 1 : Nous concé­dons qu’un pro­cé­dé arti­fi­ciel n’est pas néces­sai­re­ment immo­ral. Il n’est immo­ral que s’il va contre l’ordre natu­rel, c’est-à-dire le bien de l’individu ou de la socié­té. Or c’est le cas ici, d’après ce qui pré­cède. L’analogie pro­po­sée par l’objectant ne vaut que selon la cause maté­rielle. Selon la cause finale, conser­ver l’individu et conser­ver l’espèce humaine sont bien dif­fé­rents. En effet, comme le dit saint Thomas : « L’acte de géné­ra­tion est ordon­né au bien de l’espèce, qui est un bien com­mun. Or le bien com­mun doit être réglé par la loi, tan­dis que le bien pri­vé dépend de la dis­po­si­tion de cha­cun. Et c’est pour­quoi, bien que dans l’acte de la puis­sance nutri­tive, ordon­né à la conser­va­tion de l’individu, cha­cun puisse déter­mi­ner par lui-​même la nour­ri­ture qui lui convient, il ne revient cepen­dant pas à cha­cun de déter­mi­ner ce que doit être l’acte de géné­ra­tion, mais cela revient au légis­la­teur auquel il appar­tient de régler ce qui regarde la pro­créa­tion des enfants »[12]. Saint Thomas écrit aus­si : « La géné­ra­tion est le seul des actes natu­rels à être ordon­né au bien com­mun. Car l’alimentation et l’émission des autres super­flui­tés concernent l’individu, alors que la géné­ra­tion concerne la conser­va­tion de l’espèce. C’est pour­quoi, la loi étant éta­blie en vue du bien com­mun, les choses qui concernent la géné­ra­tion doivent, plus que les autres, être ordon­nées par les lois divines et humaines »[13].
  • Réponse à l’objection 2 : Nous concé­dons qu’un acte contre-​nature n’est pas néces­sai­re­ment immo­ral, si l’on prend l’expression contre-​nature dans un sens large. Un tel acte n’est pec­ca­mi­neux que s’il va contre le bien de l’homme ou de la socié­té. Or mar­cher sur les mains ne va pas contre ces biens[14]. En revanche, la PMA s’oppose à ces biens, comme nous l’avons montré.
  • Réponse à l’objection 3 : L’analogie ne vaut pas pour deux rai­sons. D’abord, les bêtes sont pour les êtres humains. « Les ani­maux sont ordon­nés à l’homme »[15] dit saint Thomas, donc l’homme a un pou­voir sur les ani­maux. Il en est le pro­prié­taire[16], alors qu’il n’est pas pro­prié­taire, mais seule­ment usu­frui­tier, de son propre corps. Ensuite, l’animal est dépour­vu d’âme ration­nelle. Il n’a donc pas besoin d’une édu­ca­tion aus­si longue, soi­gnée et déli­cate que le petit humain, doué d’intelligence et de volon­té. L’amour mutuel de ses parents et l’intimité de leur union importent donc peu pour l’animal. Les paroles du pape Jean XXIII sont exactes : « La trans­mis­sion de la vie humaine est confiée par la nature à un acte per­son­nel et conscient, et comme tel sou­mis aux lois très sages de Dieu, lois invio­lables et immuables, que tous doivent recon­naître et obser­ver. On ne peut donc pas employer des moyens, suivre des méthodes qui seraient licites dans la trans­mis­sion de la vie des plantes et des ani­maux »[17].
  • Réponse à l’objection 4 : Il entre dans la voca­tion du méde­cin de soi­gner l’infertilité. Mais la PMA ne soigne ni ne traite l’infertilité. Elle ne remet pas en état de fonc­tion­ner un organe ou un pro­ces­sus. Elle n’est pas un acte médi­cal. Elle est une parade tech­nique qui contourne les consé­quences de l’infertilité. Si les trompes uté­rines sont obs­truées et que le méde­cin arrive à mettre fin à ce défaut, alors il s’agit bien d’un soin ou d’un trai­te­ment. Mais dans l’objection, on prend une prouesse tech­nique pour de la méde­cine.[18]
  • Réponse à l’objection 5 : Nous concé­dons que la pra­tique de la PMA peut pro­cé­der d’une inten­tion excel­lente. Mais une telle inten­tion ne suf­fit pas à rendre bon un acte en soi mau­vais. Comme le dit saint Thomas, à la suite de saint Augustin : « Ce qui en soi est mal, aucune fin ne peut faire que ce soit bien »[19].
  • Réponse à l’objection 6 : Il y a un droit pour l’innocent à la conser­va­tion de sa vie per­son­nelle mais il n’y a aucun droit pour les époux à conce­voir. Il est donc requis de s’alimenter même par voie arti­fi­cielle mais aucu­ne­ment de pro­créer de façon arti­fi­cielle. En effet, le mariage donne aux époux un droit à l’acte conju­gal, mais non un droit à ce que cet acte soit fécond. Pie XII l’a bien expli­qué : « La fécon­da­tion arti­fi­cielle dépasse les limites du droit que les époux ont acquis par le contrat matri­mo­nial, à savoir, celui d’exercer plei­ne­ment leur capa­ci­té sexuelle natu­relle dans l’accomplissement natu­rel de l’acte matri­mo­nial. Le contrat en ques­tion ne leur confère pas de droit à la fécon­da­tion arti­fi­cielle, car un tel droit n’est d’aucune façon expri­mé dans le droit à l’acte conju­gal natu­rel et ne sau­rait en être déduit. Encore moins peut-​on le faire déri­ver du droit à l’“enfant”, “fin” pre­mière du mariage. Le contrat matri­mo­nial ne donne pas ce droit, parce qu’il a pour objet non pas l’“enfant”, mais les “actes natu­rels” qui sont capables d’engendrer une nou­velle vie et des­ti­nés à cela. Aussi doit-​on dire de la fécon­da­tion arti­fi­cielle qu’elle viole la loi natu­relle et qu’elle est contraire au droit et à la morale »[20].
  • Réponse à l’objection 7 : Une même logique lie contra­cep­tion et fécon­da­tion arti­fi­cielle, celle de la men­ta­li­té moderne expri­mée dans le slo­gan « Un enfant si je veux ! quand je veux ! ». Dans les deux cas, l’être humain dis­so­cie acte conju­gal et pro­créa­tion, alors que les deux doivent être unis. Il existe un lien indis­so­luble entre union et pro­créa­tion[21].
  • Réponse à l’objection 8 : La situa­tion d’un couple dont la sté­ri­li­té est incu­rable com­porte deux issues. La pre­mière consiste à accep­ter sur­na­tu­rel­le­ment cette épreuve et à se dévouer au ser­vice du pro­chain. La seconde consiste à adop­ter un enfant. Voici ce que disait le pape Pie XII : « On constate que ce conseil [d’adopter un enfant] est en géné­ral sui­vi d’heureux résul­tats et rend aux parents le bon­heur, la paix, la séré­ni­té. Du point de vue reli­gieux et moral l’adoption ne sou­lève aucune objec­tion »[22].
  • Réponse à l’objection 9 : D’après ce qui pré­cède, la PMA est mau­vaise en elle-​même, même si l’on pou­vait obte­nir les sper­ma­to­zoïdes sans péché.
  • Réponse à l’objection 10 : L’Eglise dis­tingue la PMA homo­logue, si les gamètes pro­viennent d’époux unis en mariage, et la PMA hété­ro­logue, dans le cas contraire. D’après ce qui pré­cède, la PMA est mau­vaise en elle-​même, qu’elle soit homo­logue ou hété­ro­logue. Dans ce der­nier cas, elle contient une malice supplémentaire.
  • Réponse à l’objection 11 : Il est vrai que la pra­tique de la PMA conduit à une mul­ti­tude d’homicides. Mais cette pra­tique serait immo­rale même si elle était réa­li­sée sans le moindre meurtre.
  • Réponse à l’objection 12 : Toutes ces remarques sont très justes et doivent être prises en consi­dé­ra­tion. Mais ces incon­vé­nients et ces dan­gers ne font que s’ajouter à la malice fon­cière de la PMA, qui demeure indé­pen­dam­ment d’eux.
  • Réponse à l’objection 13 : Si la fécon­da­tion a lieu en dehors du corps des époux, l’aspect contre-​nature du pro­cé­dé est encore plus mani­feste. Cependant, même si elle se déroule dans son lieu natu­rel, elle demeure immo­rale quand elle n’est pas le fruit immé­diat de l’union des époux.
  • Réponse à l’objection 14 : Un tel argu­ment n’est pas déci­sif. Rien ne per­met d’affirmer que l’enfant a un droit strict en jus­tice à être conçu dans le mariage et du mariage. Il s’agit d’un droit dans un sens large, ana­lo­gique, du fait que c’est une exi­gence du droit naturel.
  • Réponse à l’objection 15 : Avec la PMA, la cer­ti­tude au sujet des ori­gines bio­lo­giques est plus dif­fi­cile, mais non impos­sible à obtenir.
  • Réponse à l’objection 16 : Le prin­cipe de « la digni­té de la per­sonne humaine » est uti­li­sé à maintes reprises par les auto­ri­tés post­con­ci­liaires. Mais c’est un prin­cipe de la fausse phi­lo­so­phie per­son­na­liste. L’utilisation d’un tel prin­cipe, sans jamais dis­tin­guer digni­té onto­lo­gique (appe­lée aus­si radi­cale) et digni­té opé­ra­tive (appe­lée aus­si ter­mi­nale ou morale), est dan­ge­reuse. Elle peut conduire à de graves erreurs phi­lo­so­phiques et théo­lo­giques. Par exemple, c’est en s’appuyant sur cette pré­ten­due digni­té de la per­sonne humaine que le concile Vatican II a prô­né la liber­té reli­gieuse[23] et que le pape François a condam­né la peine de mort[24].

Abbé Bernard de Lacoste

Source : Courrier de Rome n°637

Notes de bas de page
  1. pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée[]
  2. Instruction Dignitas per­so­nae[]
  3. Instruction Donum vitae de la CDF du 22 février 1987[]
  4. Contra Gentes, livre III, ch. 123[]
  5. DZ n°3323[]
  6. Discours du 29 sep­tembre 1949[]
  7. Discours aux sages-​femmes du 29 octobre 1951[]
  8. Discours à des Médecins du 2e Congrès Mondial pour la Fécondité et la Stérilité du 19 mai 1956[]
  9. Discours du 12 novembre 1944[]
  10. CG l. III ch. 122 §7[]
  11. Voir l’article de Fr. Hürth, s.j., dans La nou­velle revue théo­lo­gique, année 1946[]
  12. De malo, q. 15, art. 2 ad 12[]
  13. Contra gentes, livre III, ch. 123[]
  14. Contra Gentes, livre III, ch.122[]
  15. IIaIIae q. 64 art. 1[]
  16. Ia q. 96 art. 1[]
  17. Encyclique Mater et Magistra du 15 mai 1961[]
  18. D’après Bruno Couillaud, Manières de pen­ser. Arguments et trom­pe­ries en bioé­thique[]
  19. IaIIae q. 88 art. 6 ad 3[]
  20. Discours à des Médecins du 2e Congrès Mondial pour la Fécondité et la Stérilité du 19 mai 1956[]
  21. Voir Paul VI, ency­clique Humanae vitae, §12[]
  22. Discours au VIIe Congrès International d’Hématologie du 12 sep­tembre 1958[]
  23. Dignitatis huma­nae n°2[]
  24. Discours du 11 octobre 2017[]

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.